Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, V.djvu/655

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
V
647
LOU


gine de la ville de Rome, fondée par les deux frères Romulus & Rémus, qu’on disoit avoir été alaités par une louve, ou simplement la domination Romaine, à laquelle les peuples étoient soumis. Peut-être désignent-ils le pays où il se trouvoit quantité de loups, comme l’exprime la médaille de Mérida. Souvent on voit les deux frères attachés aux têtes de la louve. P. Jobert.

Il y a trois sortes de loups. Le loup mâtin, qui ne vit que de charogne, Lupus molossus ; le loup lévrier, qui vit de rapine qu’il attrape par sa légèreté. Lupus vertagus. L’un & l’autre sont grands & rablés, ayant une gueule épouvantable à double rang de dents & de crocs qui coupent comme de l’acier. Ils vont toujours deux ensemble. Le loup-cervier ne vit que de gibier qu’il surprend ; il est plus grand que le renard, & habite d’ordinaire les montagnes : Lupus cervarius. Quelques-uns croient que c’est la même chose que le lynx, dont les Auteurs ont parlé, que d’autres croient être un animal fabuleux. Nicod dit que le loup-cervier est un chat sauvage de la grandeur d’un léopard. Herbert dans sa Relation de Perse dit aussi, que les loups-cerviers sont de la race de nos chats, qui changent de nature en changeant de pays, comme les chiens d’Europe ont dégénéré en loups dans la nouvelle Espagne. Borel dit que quelques Auteurs le nomment rhapius ; & que c’est un loup tacheté comme un léopard ; & que ce nom, selon Bochard, est dérivé de l’Hébreu rhaham, qui signifie affamé.

Les Mémoires de l’Académie des Sciences en donnent des connoissances plus certaines. On y a fait la dissection de celui qu’on a nourri long-temps à Versailles. On a cru jusqu’ici qu’il étoit ainsi nommé, parce qu’il avoit la forme de loup, & qu’il ressembloit en quelque façon au cerf par la couleur de son poil. Mais la vérité est qu’il ne ressemble aucunement au loup, & que le peu qu’il tient du léopard, ou du cerf, lui est commun avec quantité d’autres animaux. Il y a plus d’apparence qu’il a été ainsi nommé, parce qu’il chasse les cerfs, comme le loup les moutons. Il ressemble plus au chat qu’à aucun autre animal. Il a les pieds divisés comme les lions, les ours, les tigres & les chats. Sa langue est couverte de pointes, comme celle des chats & des lions. Ses oreilles sont toutes semblables à celles d’un chat, & ont au haut une houppe de poil fort noir : ce qu’Elien attribue aussi au lynx. Il a le dos roux marqué de taches noires ; le ventre & le dedans des jambes d’un gris cendré, marquetés de mêmes taches, mais plus grandes & plus séparées. Chaque poil dans sa longueur est de trois couleurs, ayant sa racine d’un gris brun, son extrémité blanche, & sa partie du milieu presque rousse. Il y en a de plusieurs espèces, & de poil différent, selon les lieux d’où ils viennent. Le lynx, le thos, les chaos & les panthères des Anciens, ont été pris par quelques Modernes pour le loup-cervier : mais M. Perrault en a bien fait voir la différence. Voyez sur le loup Vossius, de Idolol. L. III, c. 55, 59, 62, 72, 73, 74, 76, 77.

Les Seigneurs amassent leurs paysans pour aller à la chasse au loup, & font un triquetrac, ou des battues. Lupum conclamant. Le loup se prend avec des hausse-pieds ou chasse-pieds, c’est-à-dire, avec des chassetrapes & creux couverts, ou avec autres pièges & amorces. Il est difficile de forcer un vieux loup ; car s’il trouve de l’eau, il courra trois jours & trois nuits. Il n’y a point de loups en Angleterre, depuis qu’ils furent exterminés par Elgarus, ou selon d’autres, par Etheltan, Rois du pays. Alberto Lazari dit qu’Edouard père de Henri Roy d’Angleterre, pour exterminer tous les loups de son Royaume, offrit cent écus de la tête de chaque loup qu’on lui porteroit, & qu’on n’y en a point vu depuis ce temps-là ; quoiqu’il y en ait encore beaucoup dans l’Ecosse. D’autres disent qu’Elgard Roi d’Angleterre au Xe siècle, après avoir subjugué deux fois les habitans du pays de Galles, leur imposa pour tribut 300 têtes de loup tous les ans. Par-là il extermina les loups d’Angleterre, ou les fit fuir en Ecosse, dépuis cette chasse, & on n’en voit plus dans l’Angleterre. Les anciens Grecs appeloient le soleil λυϰος, loup ; non pas du nom λύϰος, loup ; au contraire le nom de λύϰος, loup, étoit pris du nom du soleil. λύϰος, comme on le peut voir aux étymologies : mais de λὺϰη, lumière, crépuscule. Voyez Macrobe, L. I. c. 17.

Le loup, en termes de Blason, s’appelle tantôt passant, tantôt courant ; tantôt rampant & ravissant.

Un Poëte a fait ce mot adjectif dans une fable, faisant parler les brebis au loup qu’elles traitent de votre Majesté louve, & de Monarque loup.

  Prenez, Monarque loup, dit le baîlant troupeau,
  Contre le maître coq, prenez notre défense,
   Prenez sur nous toute licence,
  Et comme il vous plaira, tondez sur notre peau,
  Tout est à vous ; en vous est notre confiance,
   Et votre louve Majesté
   Peut au gré de sa volonté
   Disposer de notre substance.

Loup-garou. C’est dans l’esprit du peuple, un esprit dangereux & malin, travesti en loup, ou un sorcier transformé en bête effrayante, qui court les champs ou les rues pendant la nuit. Opinion aussi ridicule que celle qui établit les revenans, les lutins, les larves, les fées. Cette idée, toute extravagante qu’elle est, subsiste depuis long temps. Pline se moque de ceux qui croient que quelques hommes sont transformés en loups-garous, & reprennent ensuite leur première forme. Aujourd’hui on fait peur du loup-garou à un enfant. Dans bien des endroits le peuple croit que les excommuniés & ceux qui n’ont pas fait leurs Pâques, sont changés en loups-garous. Il y a un arrêt du Parlement de Dôle de 1574, qui condamne au feu Gilles Garnier qui ayant renoncé à Dieu, & s’étant obligé par serment à ne plus servir que le Diable, avoit été transformé en loup-garou.

☞ Le plus étrange effet de la force de l’imagination est la craint déréglée de l’apparition des esprits, des sortiléges, des loups garous, & de toutes les autres rêveries des Démonographes. Voyez dans la 3e Partie du P. Malbranche, où il traite de la communication contagieuse des imaginations fortes, quelle est la source de cette crainte, & comment l’on peut avec une imagination déréglée & échauffée se persuader soi-même, & persuader les autres de l’existence de ces prétendus esprits. S’il y a des loups-garous, ce ne peut être que des hommes atrabilaires, qui s’imaginent être devenus loups, par une maladie que les Médecins nomment Lycantropie. Voyez ce mot.

☞ Du Cange dérive ce mot de l’Anglois Were, homme, du Latin vir. Loup-garou, homme loup.

☞ D’autres disent loup-garou, loup dont il se faut se garer ou garder. Aussi dans quelques endroits on l’appelle guère loup. C’est le sentiment des Bollandistes, Acta Sanct. Mart. T. 2, p. 503.

Loup-garou, se dit figurément d’un homme bourru & fantasque, qui vit seul, & éloigné de toute compagnie. Morosus, difficilis, peracerbus. Cet homme vit en loup-garou, il ne veut voir personne, il ne sort que la nuit en loup-garou. Ils nous traitent par-tout comme des loups-garous. Voit. Ils veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous. Mol.

  Je ne prends point pour vertu
  Les noirs accès de tristesse
  D’un loup-garou revêtu
  Des habits de la Sagesse. R.

Loup de mer, ou Loup marin. Poisson qui est semé de taches qui a le dos blanc & bleu, qui