Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/775

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1495
1496
JÉSUS-CHRIST


mépris des inspirations de la grâce et danger de se voir substituer des âmes plus dociles ; — 7° la brebis perdue, Luc, xv, 3-7 ; Matth., xviii, 12, 13, désir qu’a Dieu de sauver les pécheurs ; — 8° la drachme perdue, Luc, xv, 8-10, même enseignement ; —9° l’enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, miséricorde de Dieu envers le pécheur qui se convertit et blâme au fidèle qui en serait jaloux ; — 10° l’intendant malhonnête, Luc, xvi, 1-13, habileté avec , laquelle il faut se servir des biens de ce monde en vue de l'éternité ; — 11° le mauvais riche et le pauvre Lazare, Luc, xvi, 19-31, compensations qui, dans l’autre vie, rétabliront la justice selon les mérites de chacun ; — 12° le mauvais juge et la veuve, Luc, xviii, 1-8, assurance que Dieu vengera ses serviteurs contre leurs ennemis ; — 13° le pharisien et le publicain, Luc, xviii, 9-14, l’orgueil et l’humilité en face de Dieu ; — 14° les ouvriers envoyés à la vigne, Matth., xx, 1-16, petit nombre des âmes d'élite en regard des âmes peu généreuses au ser. vice de Dieu. VoirÉLDS, t. ii, col. 1710. — Ces paraboles . disent aux enfants du royaume des cieux ce qu’il faut éviter : la dureté envers le prochain, l’attachement aux biens de la terre, la résistance à la grâce, la jalousie, l’insensibilité envers le pauvre, l’orgueil, la lâcheté au service de Dieu ; et ce qu’il faut pratiquer : l’amour du prochain, l’assiduité à la prière, la docilité à la grâce, le retour à Dieu quand on l’a abandonné, l’habileté à travailler pour son salut, la patience dans les maux en vue des biens éternels, la confiance en Dieu, l’humilité et le zèle généreux au service du Seigneur. — Ces paraboles sont d’intérêt général. Mais, bien que devant s’appliquer à tous les temps, elles prenaient vis-à-vis des Juifs rebelles un sens tout particulier. Ceux-ci devaient se reconnaître dans le lévite et le prêtre qui abandonnent le blessé que soignera le Samaritain, dans le figuier stérile, dans les invités qui refusent de venir au festin, dans le fils aîné jaloux de l’accueil ménagé au prodigue, dans l’intendant infidèle, dans le riche insensible, dans le pharisien orgueilleux, dans les ouvriers de la première . heure qui murmurent contre les derniers venus.

Troisième groupe de paraboles. — Les paraboles de la troisième série appartiennent aux derniers jours de la vie de Notre-Seigneur. 1° La parabole des mines, Luc, XIX, 11-27, racontée à Jéricho, se rapporte au bon usage qu’il faut faire des grâces de Dieu, parce qu’il en demandera compte un jour. Elle a en même temps pour but de montrer que le royaume de Dieu ne va pas se manifester immédiatement. Enfin elle fait allusion à la démarche que les princesdes nations soumises aux Romains étaient obligés d’aller faire à Rome avant d'être autorisés à régner, à la requête que les Juifs avaient adressée jadis à Auguste pour empêcher Àrchélaus de succéder à Hérode, voir Archélaus, t. i, col. 927, et aussi au refus que les Juifs vont opposer au règne de leur Messie et au châtiment qui en sera la conséquence. — 2° La parabole des deux fils envoyés à la vigne, Matth., xxi, 28-32, met en regard les Juifs qui n’entrent pas dans le « rojaume des cieux », après l’avoir désiré, les pécheurs et bientôt les gentils qui y entrent en foule, après l’avoir méconnu. — 3° La parabole des vignerons homicides, Matth., xxi, 33-46 ; Marc, XII, 1-12 ; Luc, xx, 9-19, est une lugubre peinture des mauvais traitements que les Juifs ont infligés aux anciens prophètes que Dieu leur avait envoyés, de la sentence de mort que le sanhédrin va proférer contre le Fils même de Dieu et de la punition qui attend la nation ingrate. Le Sauveur faisait entendre cette dernière parabole trois jours avant sa mort. Les princes des prêtres en comprirent le sens et n’en devinrent que plus furieux. — 4° La parabole des noces royales, Matth., xxil, 1-14, reproduit celle des invités au festin, Luc, xiv, 16-24, avec cette différence que les premiers invités ne se contentent pas de ne point venir ; ils mettent à mort ceux qui leur rappellent l’invitation. — Les deux dernières paraboles sont adressées aux seuls disciples. — 5° Celle des

dix vierges, Matth., xxv, 1-13, vient à l’appui de cet enseignement qu’il faut se tenir prêt à paraître au jugement de Dieu. — 6° Celle des talents, Matth., xxv, 14-30, ressemble à celle des mines, et montre qu’en se tenant prêt pour le jugement, il faut travailler pour mériter la récompense. Les cinq vierges folles qui manquent l’entrée dans la salle du festin, le serviteur négligent qui ne fait pas valoir son talent et accuse son maître d'être dur, représentent encore le peuple juif, infidèle à sa mission. Ces six dernières paraboles, dont cinq sont postérieures à l’entrée solennelle à Jérusalem, ont donc une portée significative ; elles constituent comme un dernier avertissement adressé aux Juifs sur les conséquences du déicide qu’ils vont commettre.

Autres paraboles. — Toutes les paraboles dont le divin Maître s’est servi n’ont pas été reproduites par les Évangélistes. En dehors de celles qu’ils transcrivent, quelques autres sont brièvement indiquées, comme celle des deux débiteurs, Luc, vii, 40-41 ; d’autres ne sont probablement représentées que par une comparaison ; la plupart ne nous ont pas été conservées. Saint Matthieu, xiii, 34, constate, en effet, qu’au moins après le sermon sur la montagne, Jésus « ne parlait aux foules qu’en paraboles ». Saint Marc, iv, 33, 34, dit avec plus de détail : « C’est ainsi qu’il leur adressait la parole, avec de nombreuses paraboles comme celles-ci, selon ce qu’ils pouvaient entendre. Il ne leur parlait pas sans paraboles, mais à part il expliquait tout à ses disciples. »

2. Sens profond et multiple des paraboles.

II est à remarquer que quand Jésus commence à parler en paraboles, les disciples s’en étonnent et lui disent : « Pourquoi leur parlez-vous en paraboles ? » Matth., xiii, 10. Notre-Seigneur leur explique alors que les paraboles sont destinées à voiler son enseignement de manière que ses auditeurs ne soient plus à même de le saisir dans toute sa portée. Matth., xiii, 11-17 ; Marc, IV, 10-12 ; Luc, viii, 9, 10. À cette époque de sa vie publique, les Galiléens commençaient en effet à montrer moins de docilité à l'égard du Sauveur. Circonvenus par les pharisiens et les scribes, ils deviennent de plus en plus réfractaires à l’idée d’un Messie humble et doux et d’un « rojaume des cieux » purement spirituel. Us ne sont plus dignes d’avoir la confidence des secrets divins. Le Seigneur leur parlera encore de temps en temps sans paraboles, comme le montre la suite de l'Évangile. Toutefois, en ce qui concerne « les mystères du royaume des cieux », il ne leur sera plus parlé qu’en paraboles, afin qu’ils voient et entendent, mais sans voir ni comprendre le principal, dont les vrais disciples auront seuls la révélation. Les paraboles ont donc à ce point de vue, pour les contemporains du Sauveur, le caractère d’un châtiment, d’une restriction voulue dans les révélations divines. Elles ne sont pas totalement inintelligibles ; autrement l’on ne comprendrait pas comment le Sauveur les eût dites devant toutes sortes d’auditeurs. Chacune renferme un enseignement particulier qu’il est assez facile de saisir et une leçon dont on peut se faire l’application personnelle. Mais le sens plus général qui se rapportait au « royaume des cieux », cette description prophétique des destinées de l'Église et de l’attitude que la masse des Juifs devait prendre en face des gentils convertis, devenait pour le grand nombre un mystère dont ils ne soupçonnaient même pas qu’il fût question dans les paroles du divin Maître. Parfois cependant ce sens supérieur de la parabole était tellement manifeste que des auditeurs avisés s’en apercevaient. C’est ainsi que les princes des prêtres et les pharisiens se reconnurent dans la parabole des vignerons homicides. Matth., xxi, 45 ; Marc, xii, 12 ; Luc, xx, 19. Mais d’autres fois, il faut faire attention à la formule initiale : « Le royaume des cieux est semblable… » pour se rendre compte de ce sens supérieur. Matth., xiii, 44-45. Cette formule n’existe pas toujours, comme, par exemple, dans la parabole du