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VES

sique. Le Irait domiDant de son èlre moral est la mater- nité, non qu’avec elle il puisse être question de mater- nité féconde, puisque à Rome, aussi bien qu’en Grèce, Vesta est vierge, astreinte à une perpétuelle chasteté. Si elle est de préférence appelée mère, dans les Actes des Frèî’es Arvales, sur les monnaies et dans le formu- laire des prières, c’est qu’il n’y a pas de titre qui impli- que une plus grande somme de vénération ; c’est qu’aussi, par le don du feu et par sa conservation, elle est la nourricière par excellence, le principe de la vie active et llorissante ; de là sa confusion avec Tellus Matei confusion dont les traces sont fréquentes dès la fin de la République, de plus en plus marquées sous l’Empire. Il existe des représentations où elle est couronnée de tours ; son nom de Mater revient sou- vent sur les piédestaux conservés dans la maison des Vestales ’.

Mais ce qui, mieux encore que cette maternité idéale (elle est d’ailleurs commune à beaucoup d’autres divinités), la distingue parmi les grandes figures féminines du panthéon romain, c’est la pureté, tant matérielle que morale, de sa nature personnelle^. Les ministres qui président à son culte. Vestales, Grand Pon- tife, Flamine de Jupiter, dans les détails du rituel, des cérémonies et des pratiques qui s’inspirent de son être et de sa légende, procèdent à leurs fonctions avec la gravité simple et la dignité chaste qui rappellent la vieille famille romaine, tout en présageant, sans traces de religiosité mystique, l’ascétisme des monastères chrétiens. Les ustensiles qui servent au culte sont d’argile vulgaire, l’eau destinée aux ablutions est puisée à une source courante, sans passer jamais par des cana- lisations artificielles^. Et surtout la virginité imposée aux Vestales ^virgo vestalis], tandis qu’àl’enlour d’elles les lois, les mœurs et la religion commune invitent à l’union des sexes, cette idée que Vesta l’immaculée ne peut être servie et représentée que par des vierges immaculées comme elle’, mettent la religion de cette divinité dans une atmosphère spéciale, que rien n’altère, pendant que tout le reste se corrompt, et cela jusqu’à l’extrême déclin du paganisme.

.utre marque de cette préoccupation d’une pureté absolue : quand le feu sacré venait à s’éteindre dans le sanctuaire de Vesta, on le reconstituait, non par les procédés vulgaires, mais en frottant des bois empruntés

1 Pour l’emploi 1res fréquent, avec un graud nombi’e de divinités, des termes de Pater et de Mater^ dans les invocations et les iiiscriptioas, cf. Preller- Jordan. Hoem. JJylhol. 1, p. 57, note I. Pour Vesta en particulier, v. surtout Preuuer, Bestia- esta, p. 333 sq. : Marioi, Atti, p. 3Tfc ; cf. Felirle. op. cit. p. il3-l4 ; Slaj, Le Flamen Dialis (Hevue des élwles anciennes, 1905, p. 9 et 13). Cf. C. i. /. VI, i074 ; Î099 ; 2107. Sur les piédestaui conservés dans la maison des Vestales [virgq testalis] nous lisons : :n :xf.K sanctissiuae vestae MArRis... GCBEHNAKTS vESiA MATRE ; chez Tliédcnat, Le Forum romain, p. 385, 380-. Cf. Virg. Geory. I, 49S ; Cic. Pro Fontiio, î, 47 ; ùe rfomo 57, 14k. Un pontife Vesta» ilatris, chez &]ommsen, Jnscr. regni Aeapol. 18S3 ; OrelH, IISI. Pour les monnaies, t. ViteWus, cljei Colicu, IJonn. impfr. 1, i38 ; a" 31, 33 et i67, n° lOi. L’idenlilication fréquente avec Tedus Mater et avec Cybélé, la Maijna Mater, a eu son iniluencc sur cette coutume. V. IsiH. Orig. Vlll. 11. 61,etServ. ad Geory. 111, l,où Vesta est confondue avec Paies à la faveur du litre de Mère nourricière. Pour Vesta couronnée de tours, comme c était la coutume pour Tellus oula J/ajna Mater, . 0. iiha, Berichte der saechs. Gesethchaft der Wissensch. IV, 1801, p. 341, et Bhein. Mus. IS«0, p. Î88 sq. — - ^ttiand Servius. ad Aen. 1, i92, associe Vesta et J.inus (supra n. 13. p. 747), c’est (]ue Janus, dieu du ciel lumineux, est devenu celui des actions saintes dont le type est le sacrifice. Cf. Ov. Fatt. I, 171 ; Cic. Aat. D. 11. 27 ; in ea dfa, t/uod est cxutos rerum intîmarum, o<nnis et precalio et sacrificatio extrema est. Aug. Cic. b. vil, 9 ; Prcuoer, Hestia- Vesta, p. 20. — 3 prop. V, I, îl ; Val. Mai. IV, +, Il ; Tac. ffi*f. IV, 33 ; Plut. iXama 13. Suid. s. v. N.-Ji.i ;; Aug. Cif. />. 111. 13. Vesta est appelée «ancfa sur les aïoonaies. Cf. Ausod. Ad Grat. Caes. c 18 ;

à un arbre felix, c’est-à-dire portant des fruits et par là- même d’heureux augure. Cet usage nous ramène aux temps les plus reculés de la race indo-germanique, où la flamme du sacrifice en l’honneur d’.gni était obtenue par le même moyen ^ Toutes ces coutumes se perpétuent à Rome, dans le sanctuaire de Vesta, échappant seules aux influences étrangères, même quand débordent les extravagances religieuses importées d’Orient.

Caton l’Ancien, vers le milieu du ii* siècle avant notre ère’, recommande à la fermière, à la maîtresse de la maison, de garder propre son foyer, d’en faire le tour chaque soir avant de se coucher et d’y apporter une couronne de fleurs chaque mois, aux Calendes, aux Ides, aux Nones, ainsi qu’aux jours de fête. Les mêmes pratiques se continuent sous l’Empire, dans les mêmes formes naïves et rustiques. Un commentateur, au m" siècle de notre ère, peut écrire : •« Vesta signifie religion, parce qu’il n’y a pas de sacrifice sans feu et c’est pour cela qu’elle et Janus sont invoqués dans tous les sacrifices. » De tous les crimes que l’anarchie peut commettre contre la sécurité de Rome, celui qui a com- mandé à Cicéron consul ses mesures les plus rigou- reuses, c’est l’atteinte à la sainteté de Vesta et des Ves- tales, à la perpétuité de la flamme dont celles-ci ont la garde ^ Le calendrier de Cumes, pour commémorer le jour où l’empereur Auguste reçut le titre de Grand Pon- tife, mentionne une supplicatio en l’honneur de Vesta et des Pénates publics ^ Le même empereur fonda sur le Palatin, à proximité de sa propre résidence, un sanc- tuaire nouveau de Vesta, dont la dédicace était célébrée le 28 avril ’". Il est probable que l’image de Vesta assise, tenant le Palladium sur sa main étendue, comme nous la montre un grand bron’i^e de Sabine, feiiiinc d’Hadrien, est celle-là même qui avait été placée dans ce temple (fig. 7’il4)". Lorsque sous l’empereur Aurélien furent institués les pontifesdu Soleil [sol, p. 1384j, on maintint le prestige des anciens pontifes en les appelant :ponlifïces restae’K Seule, la Vesta abstraite et idéale, vénérée avec les Lares et les Pénates dans les maisons particulières, s’est efl’acée devant les gardiens masculins du foyer et du penus et se confond avec eux dans les préoccupations pieuses de chaque famille’^

Quant au culte de Vesta, il se maintint en face de la religion chrétienne jusqu’en 3G3, époque où Gratien supprima les allocations faites par l’Etat aux Vestales.

P’-iap. XXXI, 2 ; Fest. p. 3446 : tantae sanctUntis majores nostri judicaverunt.

— 4 May, Le Flamen ùialis, etc. (fler. des et. une. 1905, p. 12) : cf. ibid. p. 9.

— 5 Fest. Epit. 106, 2. Cf. Jordan, Tempel der Vesta, p. 80 ; Wissovva, Jielig. und Kultus, p. 14i ; Gilbert, op. cit. 1, p. 351, n. 4. D’autres témoignages chez Fehrie, Die kultische Keuschheit. p. 146, nol. I. V. aussi Aul. Ceil. X, 13, 13 et 28 ; Macr. 111, 20, 2 sq. Pour le feu obtenu par frotienieul, v. Kubn, Die Herabkunft des Feuers, p. 16 ; Preller-Plew, Grieck. Mythoî. I, p. 72, 73 ; Sclioemann, Griech. Aiterthûmer, 11, p. 223, et Pictel, Origines irnio-europ. II, 6ii7. —6 Cat. De re rust. 43. Cf. Hor. Epod. Il, 43 ; Virg. Aen. Il, 512 et VII, 39 sq. Description de l’autel familial dans les maisons de Priam et de Latinus : Juvcn. VI, 383 ; Vell. Paterc. 11,131.-7 Serv. ad Aen. I, 292. Cf. Preuner, Bestia- Vesta, p. 28 sq. — » Pro domo 37, 14i ; Cat. IV, 9, 18 ; Pro Font. 17. — 9 C. i. l. X, 8373 :0v. Fast. 111, 417. — ’«DioCass. I.IV, 27 ; LV, l2 ;Suet. Oct. i, 13, et C. i. l. 12, p. 317. Cf. Wissowa, Jielig. und Kultus, p. 69. — n Stevenson, Diction, of Roman coins, p. 834 ; Duruy, Bisl. Rom. t. I, p. 93. — I2 Cf. Hahel, De pontif. Rom. condicione pub.ica (1888), p. 99. Cf. Wissowa, op. cit. p. 144. Pour le rôle du Grand Pontife. cbef des Vestales, v. infra, Virgo-Vestalis. Ovide rappelle «flcerrfos Vestae. Fast. V, 573. Cf. Dion. liai. 11. 6B ; Hist. Aug. Heliog. 6. — M V. PENATES, p. 379 S’|. Les inscriptions en Iboniicur de Vesta sont rares ; C. i. L VI, 1 (Kome), n" 780 : vesiae donum i-no sai.ltk MAiiits ; 787 et 788 ; VE3IAE SACROu ; toutcs Ics trois sur le mont Ciclius. La proniiùre au bas d’un bas- relief représentant Vesta assise, tenant dans la main droite une patére qu’elle tend à un serpent ; sceptre dans l’autre main : diadème eu tête. A comparer avec le bas-relief également votif : vestae sacbvm. c.pvhvs fumi.vvs et midasbsa tbopuim».