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Vie

de la fête romaine des compitai.ia à laquelle ils devaient prendre, comme leurs collègues romains, une pari pré- pondérante.

A côté de l’association des Compélaliastes, nous ren- controns d’ailleurs, à Délos, d’autres collèges composés en grande majorité d’Italiens et que, par conséquent, nous pouvons supposer constitués sur le modèle de ceux de Rome. Ce sont ceux des Ilermaïstes, des Posidoniastes et des .polloniastes ’. Les magislri de ces collèges sont des hommes libres ou des affranchis ; jamais on ne ren- contre d’esclaves parmi eux. On reconnaîtra sans peine dans les Herniaïstes et les Posidoniastes des corporations professionnelles, sans doute des marchands et des gens de mer -. Il est plus diflicile de préciser quel corps de métier avait pu choisir .pollon pour patron. Peut-iMre les .polloniastes représentent-ils un groupement de caractère particuliè- rement religieux. Ces collèges sem- blent d’ailleurs avoir possédé, sur la place où se grou- paient leurs in- scriptions, de petits sanctuaires, une chapelle carrée et un édifice rond, qui paraissent de véri- tables Laraires compitaux.

Qu’ils s’associas- sent au culte des

Lares célébrés par les Compélaliastes et aux réjouissan- ces populaires marquant cette fête, nous en trouverions la preuve dans deux petits bas-reliefs que M. Bulard a très justement rattachés à ces festivités ^ Ces deux sculptures représentent des personnages affrontés et dansant. L’une, anépigraphe, a été trouvée tout près du côté ouest de l’agora des Italiens où semblent avoir eu coutume de se réunir les Hermaïstes, Posidoniastes et Apolloniastes. L’autre provient de l’agora des Compé- laliastes, mais semble avoir été dédiée par les magislri Hermaïstes ; une inscription gravée dans le champ nous dit, en effet, que « les mêmes » — sans aucun doute les Hermaïstes, d’après l’inscription d’un fragment d’autel trouvé au même endroit — ont dédié aussi les dieux (entendez les images des dieux Lares) et le sanctuaire (sans doute le Laraire) ’. C’étaient vraisemblablement les mêmes sanctuaires compitaux que les mugistri des différents collèges ornaient à l’envi de sculptures, d’au- tels et d’ex-voto.

Nous trouvons encore à Délos d’autres monuments de ce culte commun, des monuments comportant, croyons-nous, des représentations des magislri sacrifiant aux Lares des carrefours. Ce sont quelques-unes au moins des peintures que M. Bulard rapporte au culte

< Jouguet, ibid. XXIil (1899), p. 5C s<|. ; Halzfeld, Le» Italiem à Délos, ibid. XXXVl (1912), p. 154 sq. — --(^f. riodicaUon de Momiuscn, Corp. inscr. lot, 111, Suppl. p. 1302 ad n. 7218, rapprochant les Hermaïstes de Délos des Mercuriales de Home. — 3 Bulard, Peintures muralfS et mosaïques de Délos, Mo- num. Piot, XIV (1907), p. 33, Gg. 13 et 14. — 4 Jouguel, Hall. corr. hell. XXIII (I899(, p. 60, D. 6 ; cf. 11.5. — 5 J/onum. /"iot.XlV. p. 12 sq. ; p. 33 sq. — 6 .Helbig, Vtandgemûtde Campaniens, p. 13, n. 41-45. — 7 Notre Og. 7443 d’après Bulard, Monum. Piot, XIV, p. 18 sq., pi. i. — S Peul-étre, eo certaios cas et dans cer. tiioes régions, les ministres officiants des dieux Lares porlaient-ils. en raison de

du Genius et des dieux Lares ^. Nous serions tentés de reconnaître la cérémonie célébrée en l’honneur des Lares compitaux dans les scènes figurées où le sacrifice apparaît accompagné de jeux, luttes et danses analo- gues ù celles des reliefs mentionnés plus haut. Sans doute ces peintures décorent-elles, ainsi que celles qui se rapportent au culte privé de la famille, les parois extérieures des maisons ou des autels disposés près des portes d’entrée. Mais il arrive de même, à Pompéi, que des représentations de sacrifices aux Lares compitaux se trouvent peintes sur des murs d’habitations particu- lières ’^. C’est donc la fête célébrée par les vicomagislri ou Compélaliastes de Délos et ces magislri eux-mêmes que nous reconnaîtrons dans les scènes semblables à celle que nous reproduisons ici ’ (fig. li’t'i).

Nous conclurons alors, en tenant compte des docu- ments déliens aussi bien que de ceux de Rome, que du- rant l’époque répu- blicaine les vico- magislri, ainsi que les associations auxquelles ils pré- sidaient, se recru- taient parmi la classe la plus hum- ble de la plèbe, celle qui n’avait d’autre Génie à invoquer que le Lare banal du coin de rue ; leur extraction presque exclusivement servile les distinguait seule des autres magislri et des autres collèges *. En compagnie des présidents des autres corporations du quartier, ils honoraient le Lare des carrefours et célé- braient sa fêle par des sacrifices et des réjouissances essentiellement populaires, fixées annuellement ;’i l’un des premiers jours de janvier.

Vers la fin de la République, les l’/cowiffiy/s//"/ jouèrent un certain rôle politique et les associations qu’ils présidaient subirent les mêmes vicissitudes que les autres collèges. Les désordres occasionnés par la célébration des jeux compitaux et l’organisation de bandes de gens sans aveu inquiétaient l’ordre sénatorial. Il était donc nécessaire de frapper avant tout les vicinilates. L’invective de Cicéron contre Pison et le commentaire d’Asconius nous rensei- gnent sur les efforts accomplis en ce sens par les parti- sans de l’ordre et la résistance des fauteurs de troubles °. En 690 G4 un sénalus-consulle supprima les corpora- tions. Quatre ans après, un tribun de la plèbe inconnu essaya de rétablir les fêtes des carrefours ; il en fut empêché par le consul désigné L. Metellus. Mais en 696/58 le tribun P. Clodius les restitua légalement avec la complicité du consul Pison. Ce plébiscite permit à Clodius d’organiser ses bandes et fut l’origine de toute

l’humilité de leur condition, le titre de ministri, plus modeste que celui de ma- gislri. C’est ce qu’indique une inscription de Capouc, Corp. inscr. lat. X, n. 3789 (de 65G/98| : liisce ministris Laribus faciendum coeiranml]... suivent 14 noms propres, un d’affranchi, les autres d’esclaves. Mais Capouc se trouvait dans des conditions particulières, la ville ayant été adminislrativcment séparée en pagi ruraux, dans lesquels les moffistri pagi exerçaient toute rautorilc et avaient sans doute sous leurs ordres, pour le culte des Lares, ces ministri. — 8 Cic. Jn Pison. IV ; Asconius, Jn Pison. Comment, (éd. Kiessling-Sclioell), p. 6, 7. Cf. Waltzing, Élude histor. sur les corpor. rom. p. 90 sq.