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jeux sont liés à l’histoire guerrière de Rome, et beaucoup ont pour origine la commémoration de victoires ’. Bref la Dea Victoria est une divinité presque exclusi- vement militaire, associée par Rome à la gloire de ses armes, associée par les derniers généraux de la Répu- blique au succès de leurs ambitions, associée par Auguste à la fondation de l’Empire (fîg. 1363).

C’est Auguste, en effet, qui, après la bataille d’Actium, institue la Victoire comme divinité tutélaire du régime nouveau, cuslos imperii virgo- (fîg. 7121). Dans la Curia Julla, édifiée par César, mais dédiée seulement par Auguste en l’an 29 avant notre ère, le prince rend à la déesse un éclatant hommage. Érigée en acrotère au sommet du fronton, la Victoire domine les rostres et le Forum ^ Dans la salle des séances, elle se dresse au- dessus d’un autel et semble présider aux délibérations du Sénat*. Sur cet autel chaque sénateur, avant de gagner sa place, offre à la Victoire l’encens et le vin ^ Une fête annuelle, fixée au 28 août, rappelle la dédicace de l’Ara Vicloriae^. Le 3 janvier, quand le Sénat pro- nonce les vœux solennels pour le salut de l’Empereur, toutes les mains se tendent vers la déesse qui a sauvé le monde [salus ijeneris humani) ’. Vers elle aussi se tendent les mains, lorsqu’à l’avènement d’un nouveau prince on lui jure fidélité*. Ces rites s’accomplirent sans interruption depuis le temps d’Auguste jusqu’au triomphe du christianisme ; quand la lutte va devenir décisive entre le christianisme et les derniers défenseurs du paganisme, c’est autour de l’autel de la Victoire que s’engage le combat.

C’est la Victoire qui a fondé l’Empire" ; c’est par elle qu’il se perpétue {Victoria perpétua)’" ; aussi le culte de la déesse reste-t-il héréditaire dans la maison impériale. La Victoire n’est pas seulement l’une des divi- nités protectrices de l’Auguste : Victoria Augusta ", conservatrix dominorum nostronnn’- ; elle est sa

I i ;r. Mari|uardt, op. cil. Il, p. 2iS-i.ïO, iOô-ili7, i73, 27i ; Wissowa, op. cil. p. 3SV, 388, 390-391 : ludi Alamanici, Parlliici, Pcrsici, Sarmalici, de...

— 2 Olaudian. XXIV, ;03. Il fail allusion à la Victoire de la Curia Julia ; cl. XXVIII, 5U7 : « Komacae tulela logae, quac divile paliiia | Patricii revercuda fovct sacraria coctus ». — 3 D’après une monnaie (l’Auguste, frappée cuire 35 et 28 av. i.-V.. et représentant la façade de la Curie ; babelon, op. cit. Il, p. t}ti, no ICI ; iluelseu-Carcopino, le /•’orum romain, 1906, p. 114, fi ;<. 5^ et p. 117.

— * Dio Cass. LI, îî ; Sucton. Octav. 100 ; llerodian. V, 5, 7 ; VII, 11, 3 ; Clau- dian. loc. cil. Lamprid. Alex. Ser. U, i ; C. inacr. lat. VIII, 18S3 : a Victonae sea(atus) romiani) » ; Jordan, 7’opogr. d. Sladl lîom, 1, ;i, p. 231 . — i» Uio Cass. LI, 2i ; Herodian. V, 5, 7 ; cf. Sueton. Octav. 33. — 6 C. inscr. lat. 1, V, p. 3i7 ; « hfuc) d(ie) ara Victoriae in curia dedic(ata) est ». — 7 X’otorum nuncupalio ; cf. Marquardt, op. cit. I, p. 318 ; VVissowa, op. cit. p. 381. La Victoire est ligurée sur une monnaie d’Auguste avec l’inscr. sall’s r.ENkHis humani ; Cohen, I, p. 103, Auguste, no 519. — 8 Symmach. loc. cil.’, il ajoute qu’avant de porter un témoi- gnage les sénateurs prêtaient serment devant l’autel de la Victoire, <> garant de la concorde de tous et de landêlitéde chacun,, ; cf. Boissier, Za /in rfupa^an. II, p. "60.

— 9 L’ère nouvelle s’appelle ère de la Victoire, t-s ; Nixn ; : Head, p. 779.

— 10 Cohen. VI, p. 115, n" 137 et p. 16C, n'>5l9, Conslanliu. — " Au tome II du Corpus msir. lat. Victoria Augusta figure 9 fois sur 17 mentions de la Victoire ; au tome III, 12 sur 24 ; dans les deus premiers volumes du tome VIII (Afrique du Nord), 24 sur 50. A noter ; II, 1425, statue de Victoria Aug. ; III, 5365, temple ;

V, 5025 « : eultor Victoriae Aug. ,. ; VIII, 303, prêtre ; 862, 2353, 6046, 7963 et 8310, statues ; 10536 : « pro sainte Imp. Caesaris Trajani » ; X, 1887 : << acdes Victoriae Augustao ; 8375 : • supplicatio Victoriae Augusiae » ; XII, 3134 : «vêla et aram ••. En grec, Niïr. EîBao-rr,, cf. C. inscr. lat. III, 7057 ; Head, Hist. num. 2e éd. p. 637 (Sardes sous Néron), 714 (Laodieée en Lycaonie),862 (Egypte). — *2 Cohen,

VI, p. 72, n" 2 ; elle est associée à Jupiter qu’elle couronne. — 13 Cohen, V, p. 55, n» 301, revers : tict. comeî aïc, Postume à cheval, précédé par la Victoire. — " Bull, archeol. comun. di Iloma, 1892, p. 73 sq. ; Baudrillart, op. cit. p. 60. La dédicace, trouvée dans le Tibre en 1891, porte : « Victoriae Augustae comiti dominorum sanctissimorum nostrorum d ; du même endroit provient une grande aile en bronze. — 15 Cf. Tibère descendant du char que conduit la Victoire, sur le grand camée de Vienne i^Gemma auyustea) : Furtwaengier, Gemmen, pi. i.vi ; S. Reinach, Itépert. reliefs^ II, p. 144 ; Claude triomphant des Bretons en 43, cou- ronné par Vicl. : FurlHaengler, op. cit. pi. livi ; S. Keinach,op. cit. II, p. 427 (camée

compagne : Victoria cornes Augusti. L’empereur Pos- tume lui donne ce litre sur ses monnaies ’•' et un Symmaque l’inscrit sur le piédestal d’une Victoire de bronze, qu’il dédie en 364 sur le pont Valentinien ’*. Telle nous apparaît également la déesse sur les monu- ments figurés. Fréquemment elle y précède ou suit ou survole l’empereur ; elle le couronne pendant qu’il sacrifie, pendant qu’il donne audience, pendant qu’il harangue ses troupes, pendant qu’il combat, pendant qu’il triomphe, et enfin dans les scènes d’apothéose (fig. 1904, = 2226, 190.J, -iiiO, 3832 ;’°. Cette fréquence du motif de la Victoire, dans les reliefs historiques et sur les monnaies, correspond au rôle effectif de la déesse dans le cérémonial de la cour et dans la vie religieuse du prince. Il est possible que des statues mécaniques, selon la tradition des rois orientaux, aient posé la couronne sur le front du César triomphant "^. .ux cortèges impé- riaux, à toutes les fêles données par l’empereur ou en présence de l’empereur, aux funérailles impériales, aux consécrations des Difi, participe la Victoire " ; en tête du convoi funèbre d’Auguste, le Sénat fit porter la statue même que ce prince avait dédiée dans la Curie ". De plus, chaque empereur possède dans sa chapelle privée une petite Victoire d’or ou dorée, dont il ne se sépare jamais. Un officier la porle auprès de lui dans les cérémo- nies publiques (fig. 2i59) ". Durant les sacrifices ou les audiences, on la dépose sur un piédestal ou sur une colonnetle, à côté de l’empereur. C’est ainsi que, sur un relief de l’arc de Galère, à Salonique, elle assiste à un sacrifice que célèbre le César ; en signe d’hommage, (ialère a placé son bouclier aux pieds de la déesse-". Cette dévotion superstitieuse pour la Victoire, nous l’avons déjà constatée avant l’Empire, chez des impera- tores qui avaient combattu en Orient et qui subissaient l’ascendant des croyances de l’Orient, Elle s’est déve- loppée en même temps que le culte de la Fortune impé-

de La Haye) ; Néron sur le c|iia(irigc triomphal, entre l’ax et Victoria : Cohen, Aléd. imp. I, p. 205, n’ 242 ; Domitien en imperalor couronné par V. : ibid. p. 448, n"* 495-500 ; Ualba sur le quadrige triomphal, couronné par V. : ibid. p. 245, n" 246 ; V. derrière Titus sur le quadrige triomphal : S. Keiiiach, op. cit. 1, p. 274 (arc de Titus) ; Trajan entre Koma et Victoria s’apprête à entrer dans une ville conquise : ibid. p. 252 (arc de Conslantin) ; V. debout couronnant Trajan : ibid. p. 66 (arc de Bénéveut) ; V. conduisant le char oii monte Marc Aurèle : ibid. p. 1*4, 3 (relief d’Éphcsc, provenant d’un monument coniniémoratif des victoires de l’empereur sur les Parthcs, 161-165) ; V. couronnant M. Aurèle sur le i|uadrigc triomphal : ibid. p. 37 1, 2 (Home, Palais des Conservateurs) ; V. survolant M. Aurèle, de retour à Uome après sa campagne du Danube en 174, et tenant une guirlande, sans doule pour eu décurer le temple de Fortuna Hcdui ; derrière elle : ibid. p. 245 (arc de Constantin) ; Commode couronné par V. ; Cohen, III, p. 116, il" 412 ; p. 117, n" 415 ; p. 102, n" 694 ; V. couronnant Scptime Sévère et Caracalla qui sacrifient : ibid. III, p. 295 ; V. couronnant Gordien dans un quadrige ; Cohen, IV, p. 137, n"’ 105, 111, 112 ; p. 149, n" 192, 193 ; V. couronnant Gordien <|ui sacrifie : ibid. p. 147, n» 186 ; Gordien à cheval, précéd’é par la V. : ibid. p. 148, n° 188 ; p. 150, n» 194 ; p. 153, n" 202 ; p. 16’7, n" 335 ; V. debout derrière Gordien qui se rend au ciripie sur un char attelé de six chevaux : Annales de l’inslitul arch. 183 :>, pi. ii ; Cohen, IV, pi, vu, a’ 189 et notre fig. 1538 ; v. couronuant Postume qui harangue ses troupes ; Cohen. V, p. 43, n» 203, avec l’inscr. adi.ociitio ; V. venant chercher (ialère sur un char après sa victoire sur les Perses en 297 : S. Reinach, op. cil. I, p. 390, 2 ; Galère assis, couronné par V. : ibid. p. 391, 1 (arc de Salonique) ; V. survolant et couronnant Con- stantin pendant son passage des Alpes ; V. debout près de Constantin pendant la balaille contre Maïeuce : ibid. p. 254. 1 et 3 (arc de Constantin à Rome). — 16 Cf. la coutume des rois d’Orient rapportée par Plutarque, Sylla, 15 : à Pergame, statue de Nikc qui tenait une couronne et qui dcvail, par le moyen d’une machine, descendre sur la tête de Mithridate, coutume imitée déjà par Metellus : Plut. Sertor. 22, 2. — " Cf. Lamprid. Alex. Sever. 14. 2 : le père d’Alesandre Sévère voit en songe son fils porlé au ciel sur les ailes de la Victoire. La déesse est fréquemment figurée sur les médailles de consécration qui représentent l’apothéose impériale. Divus Vcspasianus en dieu ,icèphore : Co- hen, JJéd.imp. I, p. 346. n- 36. — 1» Sueton. Octav. 100, 2. — 19 Ivoire Barberini, au musée du Louvre ; Schlumberger dans Monumcnta Piot, VU, pi. ict p. 84(croit i|u’il s’agit de l’empereur Juslinien). — ’20 S. Keinacb, op. cil. I, p. 389, 1, d’après