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lement la marque de la civilisalion romaine ; ils sont issus des mêmes traditions architecturales latines ; ils témoignent de la diffusion des mêmes méthodes de cul- ture et du même genre de vie. Nous ne saurions établir aucune distinction bien nette entre les fermes italiennes du début do notre ère et celles qui, en Gaule, en Germa- nie, en Angleterre en Afrique, semblent dater du second et du troisième siècle. On notera, sans doute, que le type à cour, qui prévaut autour de Pompéi, semble plus rare dans les provinces du nord, où se rencontre plus communément le plan à galerie antérieure ; mais il semble que Fllalie et l’Afrique aient aussi possédé des fermes analogues aux fermes de Gaule et du Limes. Aucune des particularités que nous avons signalées ne parait exclusivement propre ni à un temps ni à une région. On peut remarquer, évidemment, que les salles chaudes construites sur hypocaustesse multiplient dans les fermes des pays froids, tandis qu’ailleurs les bains seuls étaient chauffés ; mais, plus ou moins développé, le système de chauffage reste partout le même. Peut- être est-ce également la rigueur du climat qui a déterminé les colons de Gaule el de Germanie à fermer d’une galerie l’entrée de la cour intérieure et même à réduire les dimensions de cette cour jusqu’à la supprimer parfois entièrement. .Mais la galerie à auvent semble imiter les portiques à colonnades gréco-romains et toujours, qu’il soitbàti ou non, l’emplacement de la cour demeure distinct au centre des bâtiments. On remarque, en Bre- tagne, que les maisons des champs sont fréquemment construites sur le même plan que les maisons des villes ’ ; ce plan est toujours celui de la maison romaine ; et lorsqu’en Gaule ou en Germanie la cour semble devenue un atrium, cette disposition est inspirée évidemment par un modèle romain.

La conslruclion. — La construction accuse de même une technique à peu près uniforme et d’origine latine : c’est la conquête romaine qui enseigna l’art du maçon à la plupart des provinces barbares. Partout les fonda- tions des fermes montrent l’emploi du mortier et la construction en petit appareil. Dans les régions où abonde la pierre, les murs sont construits en moellons régulièrement taillés et soigneusement ajustés ; ils allient fréquemment des lits alternés de pierres et de briques. Ailleurs, en certains points du Limes notam- ment, l’usage de la brique l’emporte. Ces briques portent parfois l’estampille des légions qui les ont fabriquées ; il ne s’ensuit pas que les fermes aient été bâties par la main-d’œuvre militaire, ni même que les légions aient fourni les matériaux ; il semble plutôt que les constructions aient profité du voisinage de fortins ou d’édifices militaires abandonnés ; les marques légion- naires ne sauraient donc servir à dater les bâtiments civils^. En Gaule, en Germanie et en Bretagne, le bois dut aussi être fréquemment employé à l’édification des fermes. L’emplacement des ruines ne fournil en clfet le plus souvent qu’une faible quantité de décombres, tandis que les cendres et les débris de bois forment une couciie extrêmement épaisse. On y retrouve en grande abondance des clous de fer, qui n’ont pu servir qu’à fixer

• F. Sagol, Lu Bretagne romaine, p. 332 ; F. Uavorfiekl, 7’he romani- salioH of roman Brilain, p. 31 si|. — 2 Kropulschock, VI Ilericht rôm. germ. Kom. lOIO-ll, p. 67. Talladius, De re rmt. I, 8-15, trailo Ion- giirmciit dos mnlérianx (|iii convjcnnciil u la conslruclion de la ferme.

des pièces de charpente. Les panneaux de bois qui con- stituaient les parois reposaient toujours sur des substruc- tions en maçonnerie ; ils étaient, comme les murs eux- mêmes, enduits extérieurement d’un crépi stuqué et peint en couleur rougeàtre. L’intérieur des chambres semble aussi avoir été généralement orné de stucs peints de couleurs vives ; on en retrouve de nombreux débris. Les soubassements des murs sont toujours établis avec le plus grand soin ; la partie maçonnée repose sur plusieurs couches de moellons sans mortier, disposés souvent en arête de poisson, et sur un lit épais de bio- caille ; le tout est destiné à protéger les murs contre l’humidité. Des précautions minutieuses sont prises, même dans les bâtiments les plus modestes, pour drai- ner le terrain de la villa ; des conduites souterraines en pierres sèches partent de divers points pour aboutir à un puits collecteur. Le sol des pièces d’habitation, alors même qu’elles ne sont pas chauffées, est généralement formé d’un ciment mélangé, en plus ou moins fortes pro- jtorlions, de brique pilée ; une couche d’argile battue était jugée suffisante pour les communs et les écuries. Les toits paraissent avoir été ordinairement couverts de grandes tuiles plates, remplacées parfois par de l’ardoise ou même par des éclats de pierre. Chaque ferme possède une cave, parfois voûtée, logée le plus souvent sous l’un des pavillons de la façade. Dans les pays de vignobles, ces caves ont la forme de galeries longues et étroites et s’étendent sous toute la longueur soit du por- tique antérieur, soit de l’une des faces du bâtiment ; on y reconnaît des celliers’ ; une rampe inclinée parlant de la cour y accède. Dans les parois de la cave et de la rampe d’accès sont généralement ménagées de petites niches, pouvant servir d’armoires. Étant donné le peu de hauteur des ruines qui subsistent, il est difficile de juger de la façon dont étaient éclairées les pièces et de la disposition des fenêtres. A Boscoreale, la plu- part des chambres prenaient jour, simplement par leur porte, sur la cour intérieure ; les ouvertures sur le dehors étaient petites et fort rares. Mais les mosaïques de Tabarka nous montrent un certain nombre de fenêtres, de petites dimensions, dont plu- sieurs paraissent garnies d’une croisée. Il devait en être de même dans les provinces du Nord, surtout dans les fermes qui avaient réduit et même supprimé la cour intérieure. Ces fenêtres devaient se fermer, ainsi que les portes, par un volet de bois ; mais elles pouvaient aussi être garnies de vitres. On trouve en effet parfois, dans les ruines, des plaques d’un verre assez grossier, peu transparent et poli d’un côté seulement, qui, enchâssées dans du bois ou du plomb, devaient lais- ser filtrer dans les chambres un jour assez atténué [vithlm] ’.

Comme toute demeure antique, chaque ferme doit avoir son génie protecteur. Les ruines mises au jour à Boscoreale nous ont en effet montré le laraire installé contre le mur de la cuisine ; chez Kannius Synislor (fig. 7i84), il se trouvait dans le vestibule monumental, ha peinture de Pompéi décrite plus liant (lig. ’i.’iGO) nous montre les Lares protecteurs en avant de l’entrée de la

Beaiirrcdon, Voyatjc ayrie. chez tes anciens, p. 37. — ^ . Grenier,

Habitations gnuluises et villas latines, p. .t5 ; Kropalscheck, BericlU

rôm, germ. Kom. I91U-II, p. "3. — l Naclier. Bonner Jaltrbilcker, Tsi, 1883, p. 77.