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étendu », fût la Terre mère elle-même ’ ; dans son sein croît le forgeron estropié. Ainsi, dans les légendes alle- mandes, le nain, démon du feu, habite tantôt une caverne souterraine, tantôt une grotte sous-marine. On a noté aussi que la mythologie présente Iléphaistos à son retour dans l’Olympe, comme escorté du thiase joyeux et burlesque des Silènes, et ceux-ci sont les porteu’-s des présents de la terre ; à cette terre Héphaistos n’a cessé d’être attaché plus qu’au ciel- ; ce n’est pas l’éclai" qui descend des nuées d’orage, mais la flamme mystérieuse émanée des profondeurs du sol.

B. Les forynes delà personnification. — 1. Iléphaisfos boiteux. — Le symbole du feu ne devait pas suffire toujours, comme aux ori- gines, à expri- mer la nature du dieu lycien et lemnien ; l’es- prit grec, habile à personnifier, dégagea de plus on plus Héphai- stos de l’élé- ment physique et, avantde créer sa légende, se soucia de lui composer un type distinct.

En même temps qu’il recevait la forme humaine, Héphaistos fut afîecté d’un indice caractéristique : il devint estropié. L’infirmité est congénitale, comme le montre l’anecdote de la colère d’Héra ^. Les plus anciens témoignages littéraires et plastiques constatent avec com- plaisance cette difformité des jambes et des pieds, qui était double*. La première mention, celle de l’épopée homérique ^ mentionne déjà la claudication des deux jambes ^. L’épithète TjTteSavoç de l’hymne à Apollon est opposée dans V Odyssée au mot àpxîiio ; qui caractérise Ares ’■. L’à,a<piYu-iΣiç est boiteux des deux côtés ’, le xuÀXoi :o5twv soufTre d’une enflure des pieds ’. Toutes ces particularités se fondent dans une caractéristique géné- rale : le dieu est estropié des deux jambes, il a les membres raideset maladroits, des pieds enflés et tordus ;

» Sur Eiirynomé, pendant fôminiii d’Eurynomos, dùmon de la mort, que i’olygiiole de Thasos peiguit dans la Xekyia^ mère des Chantes et révérée à Phigalic, cf. Maltcu, Arch. Jahrb. l. l. p. 261 ; llesiod. Theagon. 907 sq. ; Vauaauias, Vlll, 41, 4 ; X, 28, 7.-2 Dans le mythe de la naissance d’Éri- chlhonios, tandis qu’H. est repoussé par la sage Athéna, vierge, c’est encore la Terre (lui recueille la semence perdue ; Érichthonios est frère de ces géants qui s’associeront plus tard à II. dans les forges des volcans occidentaux.

— 3 Ci-dessus, p. 979 et noie 11. — 4 Malten, Ueph. p. 333 sq. : Arch. Jahrb. l. t. p. iii sq. — 6 Pendant la visite de Thélis (,/liad. XVIll, 410 ; XX, 37) se lève le sfAup ar»,To., ^...V.iO,.,. | J„ !i *i «viju.a. f..-,o»To 4ç«.« ;. Péni- blement, clopin-clopant, le dieu s’avance vers l’élégante jeune femme (420 sq.).

— t> Malien, qui a insiste assez longuement sur la claudication d’H-, compare l’expression yw’t.ht iôv^a, 397, par laquelle est justifiée l’intention d’Méra au sujet d’un enfant malvenu, avec la locution employée en un autre cas. à propos de Ther- sile (lixad. II, 217 : yw’Ai ; ’tte ?ov ^ïôSa). C’est aux deux jambes (|ue s’applique aussi 1c Mxyb ; itôSa ; de l’hymne à Apollon (v. 317) ; les jambes sont raides et tordues comme il arrive pour les vieilles gens (Apoll. Hbod. 1, 6G9 ; M, 198). — 7 Hymn. Apoll. 316 ; Jliad. Vlll, 104 ; Odyss. VIll, 308, 310 sq. — 8 Schol. lUad. I, 609 ; ScAoi. Odyss. Vlll, 300 : lliad. VIII. Mil. 410 ; Malien, Ueph. p. 331. avec une discussion générale sur le sens du mot, et d’aulres références. — 9 lliad. XVIII, 371 ; XX, 270 ; XXI, 331 ; cf. pour /c’ji.lrtou ;, Nicand. Theriac. 438. — ’OJliad. XX, 37 ; I, 597 sq. — " Malien, Arch. Jahrb. I. t. p. 232, note i, utilise ici un passage de VArsino^ de Callima(|uc, nouvellement retrouvée (cf. Wilamowitz, Silzunijsber. Herl. Akad. 1912, p. 524 sq.), où, suiv.inl toulo vraisemblance, jumilSo ; s’applique à H. (v. 63, p. 53(1) ; pour le voyage de la Charilo l’hilotéra,

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à chaque pas que fait un tel infirme, fût-ce à l’aide de béquilles, comme dans la dispute des dieux ou dans la scène de l’échanson ’", le hauldeson corps se déhanche, produisant cet effet qui déride les Immortels". Il est bien évident qu’une telle difformité diffère de celle d’un Thersite ou d’un Philoctète ; ceux-ci boitent acci- dentellement, et d’un seul pied. Les vases du début du vi» siècle nous montrent sensiblement le carac- tère spécial de la claudication d’Héphaistos. Un des plus intéressants par son réalisme est l’hydrie ionienne du musée de Vienne qui représente Héphaistos allant à la rencontre de Dionysos : l’infirme chevauche un

mulet ; mais on aperçoit toute la difl’ormité misérable de ses jambes et de ses pieds (fig. 7376) ’ On est frappé aussi de sa peti- tesse, que n’ex- pliquerait pas suffisamment la convention de Visoképhalie : ce sont les pro- portions d’un corps de nain. Une amphore corinthienne du vi« siècle, au musée national d’Athènes, montre une représentation d’une force et d’une franchise comparables : Héphais- tos est assis sur sa monture, les deux pieds visibles d’un même côté, déformés et arqués". De moindre valeur documentaire sont les deux représentations du vase François : l’une figure Héphaistos à la fin du cor- tège des dieux, dans les noces de Thétis et Pelée ; assis sur une couverture épaisse, il tient les rênes et le fouet ; ses pieds, peints en blanc pour attirer l’attention sur sa difformité, ont les pointes tournées en dehors. Dans l’autre, où il paraît avec le thiase dionysiaque, un seul des pieds est retourné, si bien que la pointe et le talon ont changé leur direction naturelle ; fantaisie, qui prouve assez la diminution du sens du réalisme dans la peinture ionienne ". Cette tendance s’accentuera, dans

épouse d’Héphaislos, de Lemnos à l’Alhos, cf. Malien, /. (. qui ajoute aux textes cités par VVilamowiU . sur la concordance avec quelques-unes des histoires de la vie légendaire, Malien, ibid. (liera el Ilypnos à Lemnos) ; la promesse du trône d’or ; faite par Héra ,-i llypnos, et i|ui doit être l’œuvre de son fils H. ; sur le refus d’Hypnos et sa crainte de la colère de Zeus, cf. H. précipité de l’Olympe ; sur la promesse de Pasiihéc à llypnos et la ressemblance avec les unions d’H. ibid.

— 12 Masner, ,’iammt. anl. Vasen und Terrak. d. k. k. ôsterr. Mus. pi. n, 218 ; texte, p. 22 ; Diimmler, liôm. AJitt. 111, 18S8, p. 167 ; Loeschcke, dans Schrôdcr, Aphrod. Eros und Héphaistos, p. 91 ; Athen. Mitl. XIX, 1894, p. 512. Le vase est reproduit dans l’article de Malien, Arch. Jahrb. I. l. p. 240 (= notre lîg. 7576i.

— 13 Loeschcke, Athen. Mitt. i. t. pi. viii ; reproduit par Malten, l. I p. 247, fig. 6. Sur l’inlerprétalion des personnages, ftlalten, ibid. p. 253, note 3. — ilFurtwaenglcr-Rcichhold, Gr. Vasenmaler. I, pi. 1-2, et 12, texte I, 6. Représentation d’il, sur le coffre de Cypsélos, cf. l’ausan. V, 19, 8 : oaTs T0Ù5 «o5«î loti’ Ifouin’ïoî. Les amphocos à figures noires de la fabrique de la coupe de Phineus (Malten. /. (. p. 251, fig. 9) ne montrent plus qu’une indication do dilTorniilé à un pied, et un vase sign.ilé par MaHen, p. 2S4, note 3, qui est aussi, semble-t-il, du vi" siècle [provenance cycladique], repré- sente le dieii avec des pieds tout à fait normaux. La difformité du pied droit sur l’amphore attiqua reproduite par Malten. p. 253, fig. 10, n’est pas certaine ; quant au dieu sur un char ailé que nionlre, dans le même article, la fig. 11 (= notre fig. 7574), il n’est pas sûr que ce soit un H. (l’inscription est douteuse : KurtwaiMigler interprète le personn.nge comme un Triplolème ; il se pourrait alors (|mc la courbure des pieds fut duc à l’arrondisscmont de la coupe).