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t-il, dans certaines circonstances critiques, où la commu- nauté Spartiate se trouvait menacée par quelque sédi- tion ’, quelque épidémie ou quelque autre calamité intérieure, comme en celte année de famine où, par suite de manque de vivres, il fallut, au dire de Théo- pompe -, user de moyens énergiques pour remédier à la situation presque désespérée, en expulsant tous les étrangers et en diminuant ainsi le nombre des bouches à nourrir. Mais c’était là des cas exceptionnels et il parait bien probable que peu à peu, et de très bonne heure, on se montra moins sévère dans l’application de cette loi dexpulsion, et que Sparte ne resta pas fermée systématiquement à tous les autres Grecs sans distinc- tion, déjà avant quelle ne se vit appelée à prendre la direction des affaires helléniques, et à avoir des relations de plus en plus fréquentes avec ses voisins. C’est ainsi que nous voyons, même du temps de Lycurgue’ et au moment où le régime institué par lui était en pleine vigueur, de nombreux étrangers habiter en toute sécurité la cité Spartiate. Il semble donc bien que la xénélasie ne fut jamais appliquée à tous les étrangers indistinctement, mais dès l’origine à ceux-là seulement qui, par leur conduite’, par leur iniluence, ou par leur désœuvrement, paraissaient, après enquête préalable des éphores % porter atteinte à l’antique discipline dorienne et devenaient par là suspects aux autorités. Si, au contraire, rien en eux n’attirait défa- vorablement l’attention et ne choquait les habitudes séculaires de leurs hôtes, ils pouvaient tranquillement prolonger leur séjour, tout en restant peut-être soumis, comme dans toute ville bien ordonnée, à la surveillance plus ou moins bienveillante des éphores, qui, sur une simple dénonciation reconnue fondée, étaient en droit de les chasser du territoire*.

S’il en eût été autrement et si là xénélasie avait été appliquée systématiquement, comment expliquerait-on que de tout temps, et déjà aux mii« et vii° siècles, de nombreux hôtes étrangers, célèbres par leur science, leur sagesse ou leurs talents, aient pu être appelés dans certains dangers pressants, ou accueillis en temps ordinaire, à Sparte, et y vivre tranquillement au milieu de la considération générale* .’ Comment, au temps de Socrate et probablement déjà auparavant, les curieux auraient-ils pu accourir en foule de toutes les parties de la Grèce et même du monde barbare, pour assister à certaines solennités religieuses’, telles que les Hyacinthies, les Carnéennes et surtout les Gymnopédies ? C’eût été le moment, semble-t-il, d’écarter de la cité tous ces visiteurs, venus on ne sait d’où et inconnus pour la plupau"t ; bien loin de là, on les recevait ouverte-

1 .irisloph. Aies, 101* S(|. — 2 Fragm. hist. gr. (éd. Didot), I, 311, n. 191 ; Arislopb. Avet, 1013 (Schol.). ÛDa fait remarquer avec raison (SchôiuanD-Ga’ liisUï, Antiquités grecguet, p. 317) que ce passage de Tliéopompe prouve à lui seul qu’à ce moment tout au moins les étrangers pouvaient séjourner à Sparte ; autrement ce parti eitrèmc n’aurait pas eu sa raison d’être et on s’ex- plique mal qui aurait pu être «puisé. — 3 plut. Agis, Î9 Cim. 10. — ’ Aristoph. Ares, lûlâ : ôito6j(»aSo* srzoStl-^ âx«i.Ta ; Toù ; 4V«î ;ôi.aî 5oxEΠ; rapprochez ;&vr.’AaTOjvrai

du T. 1013 ; Plut. Lye. il ; Agis, 10. — 5 Her. 111. U8, 2.-6 Plat. Hipp. maj. i<Z c, SS4 d ; cf. aussi plus haut, note S. — 1 Sans parler de Tyrlée, dont l’his- toire est trop légendaire, nous voyons Terpandre. Thalèlas, Théognis. Phérécvde et .^naximandre, le Scythe Anacharsis et un grand nombre d’hommes de mente hahiter à Sparte [Plut. Agis, 10), où ils étaient honorés ; cf. Schijmann, trad. Galusky, 1, p. 317 sq. ; Curtius, Bist. grecque, trad. Boucbé-Leclercq, I, p. 252 sq. ; Crome, o. c. p. 9 sq- ; de la Naoze, Mém. de l’Ac. d. inter. XII, p. 169 sq. — * Cf. note 6.-9 Plot. Ages. 29. — i" Aristoph. Pax, 622 (schol.). Cette scholic semble indiquer que toute interdiction de séjour était suspendue pendant les fêtes

ment’° et tel citoyen, renommé par ses richesses, pouvait pratiquer envers eux, au vu et au su de tout le monde, la plus large hospitalité" et mettre toute sa gloire à les accueillir chez lui à table ouverte ’-, tandis qoe de son côté, et dès les temps les plus reculés, l’État, désireux de récompenser des services rendus à la communauté, profitait de ces grandes fêtes pour accor- der à certains de ces hôtes la faveur spéciale, et très enviée, de s’asseoir à des places d’honneur ’^ pendant la célébration des jeux publics. Il allait même jusqu’à leur conférer l’exemption de tout impôt (àxéXeta), ce qui impliquait forcément la possibilité de séjourner à Sparte.

Ce n’est pas tout. Les relations amicales et les liens d’hospitalité" qui, de temps immémorial, existaient entre Spartiates et étrangers, de même que les proxé- nies, ces sortes de contrats, souvent héréditaires ’° dans la même famille, par lesquels les cités voisines chargeaient officiellement tel Spartiate notable de prendre en mains les intérêts de leurs sujets résidant en Laconie, de les aider de ses conseils et de son crédit, ne peuvent s’expliquer que s’il était réellement possible à ces étrangers d’aller librement à Lacédémone et d’y séjourner sans crainte. Enhn l’existence à Sparte"’ de toute une catégorie de proxènes, nommés par les j3 !X(7t),£tç pour recevoir les envoyés des autres Etats et pour exer- cer l’hospitalité à leur égard, tout- en les surveillant peut-être discrètement, suppose pour ces ambassadeurs et leur suite une complète liberté d’allures [proxe.ma].

Que conclure de tout cela, sinon que, si une loi d’expulsion systématique a peut-être existé à Sparte, du temps de Lycurgue et avant lui, et a pu alors déployer tous ses effets, ce qui est loin d’être prouvé, elle tomba peu à peu en désuétude et, sans avoir été peut-être jamais complètement abrogée ’^ ne fut bientôt plus en réalité qu’une mesure de police individuelle, préventive et très commode, destinée à réprimer les ^bus criants, à don- ner au besoin satisfaction à certains mécontents, admira- teurs attardés d’un passé qui avait fait la grandeur de l’Etal Spartiate, en éloignant de la Laconie, non pas tous les étrangers indistinctement, mais tel ou tel personnage qui, à n’importe quel titre, paraissait dangereux. Simple ordonnance de police, qui écartait les hommes suspects, les bavards et les oisifs, elle n’a jamais dû être beaucoup plus rigoureuse dans ses ell’ets, même aux viii° et vil’ siècles, que les règlements d’ordre général que nous voyons, dans beaucoup d’États modernes, appliqués aux étrangers qui troublent la paix publique. Le mot même par lequel on la désignait ne s’emploie généralement qu’au pluriel, ^evTjXacta ;, comme on l’a remarqué" ; d’où la conclusion qu’il paraît n’avoir

seulement et que Sparte savait alors exercer les devoirs du l’hospitalité. — " .eij. 3/em. 1, 2, 61 ; Plut. Cirn. 10 ; Ages. 29. — 12 plus lard même, à l’époque romaine, nous voyons quels égards tout particuliers on avait pendant les fétcâ pour Us étrangers ; Slarc. Aur. XI, 24. — 13 njoeSoia, Hcr. IX, 73. — «’ Thuc. 11, 13 ; VIU, 6 ; Xen. Hell. V, 3, 13 et 14 ; Herod. V, 91 (i.lvouî ioy-« ; *,i«t. T-i i»iiii.ioT«  se. toj ; nêiot9TçaTi$(z ;). Les Spartiates adoraient Zeù ; ^t’vi<i ; et ’A9civâ ; !V(’a(Paus. III, 11, 11). — ’» Plat. Leg. 1, p. 642 b. Les Spartiates, de même, conlîaient à cer- taines familles étrangères le soin de veiller aux intérêts des Spartiates. Ainsi Alcibiade avait repris pour son compte la proxénie de Lacédémone, à laquelle ses ancêtres avaient renoncé pour quelques mécontentements ; Thuc. V, 43 ; VI, 89. Callias, le dadouque athénien, lavait héritée de son père et de son aïeul ; Xen. Uell. VI, 3, 4. Ils avaient des proxènes dans les villes voisines ; Xen. Conv. Vlll, 39 ; cf. Gilbert, Bandbuch, II, p. 383 sq. — «6 Uerod. VI, 57, 3 ; cf. Tissot, Les Proxénies grecques, p. 20 sq. — 17 11 semble bien qu’elle était abrogée au temps de Xénci phon (De rep. Lac. XIV, 4). — ’» Goettliuï, Gesammelte Abhandlungen, 1, Halle, 1851, p. 233.