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pieusement momifié[1]. La numismatique d’Alexandrie prouve pareillement la puissance des croyances astrologiques dans cette grande métropole ; non seulement ses monnaies nous montrent le buste de Sérapis ou ceux de Sérapis et d’Isis, dieu solaire et déesse lunaire, entourés du zodiaque[2], mais une série curieuse de pièces, datant de la huitième année du règne d’Antonin le Pieux (145-146), figurent les planètes
Fig. 7588. — Le zodiaque sur une monnaie d’Alexandre.
associées aux signes où les astrologues plaçaient leurs « domiciles[3] » (fig. 7588) ; elles rappellent le commencement d’une nouvelle période sothiaque ; car, suivant la doctrine égyptienne, les planètes se trouvaient dans ces « domiciles » au commencement du monde[4]. On a mis au jour récemment en Égypte une plaque de marbre reproduisant le zodiaque avec les douze animaux de la « dodé­caoros[5] », et ceux-ci apparaissent aussi sur le « planisphère de Bianchini » découvert à Rome, mais qui est purement égyptien[6].

La sphère barbare[7]. — Considérons de plus près le zodiaque circulaire de Dendérah, aujourd’hui conservé au Cabinet des médailles (fig. 7589) : on y reconnaît aisément la série des douze signes du zodiaque, dessinant un cercle oblique, c’est-à-dire inégalement éloigné du pôle situé au centre de la pierre. Les cinq planètes, sous l’apparence de divinités égyptiennes, se trouvent : Saturne près de la Balance, Jupiter du Cancre, Mars du Capricorne, Vénus des Poissons, Mercure de la Vierge, c’est-à-dire qu’elles sont figurées dans le signe où les astrologues plaçaient leur « exaltation » (ὕψωμα), celui où elles acquièrent leur maximum d’énergie. Dans le zodiaque rectangulaire qui décore le pronaos du temple, on les voit au contraire dans les signes qui étaient regardés comme leur « domicile ». Les figures curieuses de personnages et d’animaux sculptées des deux côtés du zodiaque sont celles des « paranatellons », c’est-à-dire des constellations boréales et australes qui se lèvent en même temps que chacun des signes (παρανατέλλειν) et dont l’influence modifie la leur. Enfin les trente-six dieux des décans forment comme une bordure autour de la plaque circulaire. Nous avons donc sous les yeux une représentation astrologique du ciel, tel qu’on le concevait en Égypte vers le début de notre ère[8].

Une série de textes d’astrologues, qui dérivent la plupart d’un ouvrage de Teucros le Babylonien, exposent la doctrine des paranatellons et, particularité remarquable, les astérismes qui y sont mentionnés ne sont pas exclusivement ceux que l’antiquité classique a légués à tous les peuples civilisés : au lieu de quarante-huit constellations de Ptolémée, nous en trouvons ici près de cent cinquante. Or une partie des figures nouvelles mentionnées dans ces textes (le Laboureur taurocéphale, Isis tenant Horus enfant, etc.) se retrouvent dans les zodiaques égyptiens. Ceux-ci servent d’illustration à ceux-là, ceux-là de commentaire à ceux-ci. Une autre partie des constellations décrites par Teucros et ses successeurs est très probablement empruntée aux « Chaldéens » ; quelques-unes sont en relation avec les cultes phrygiens et doivent avoir pour patrie l’Asie Mineure.


Fig. 7589. — Zodiaque circulaire de Dendérah.

Nous savons par de brèves mentions des auteurs anciens qu’à côté de la sphère grecque on posséda jusqu’à la fin de l’antiquité des « sphères barbares des Égyptiens et des Chaldéens[9] ». À une époque reculée les Grecs avaient reçu de l’Orient au moins une partie de leurs constellations, mais avant la période alexandrine leur uranographie était constituée et déjà fixée par une tradition séculaire. Ils apprirent alors à connaître un monde nouveau de dieux et de monstres sidéraux auxquels les peuples étrangers attribuaient des vertus puissantes. Le goût de l’érudition, qui distingue cette époque, engagea les hommes d’études à s’y intéresser, en même temps que l’astrologie en vulgarisait la connaissance parmi ses nombreux adeptes. Ces figures exotiques jouent ici à peu près le même rôle que les « noms barbares » dans les invocations magiques. Un grammairien de Bithynie, Asclépiade de Myrlée, qui enseigna à Rome du temps de Pompée, est, à notre connaissance, le premier qui ait écrit sur ce sujet[10] ; puisant


    la nuit ; cf. Maspéro. Hist. anc. des peuples de l’Orient classique I, p. 89 ; cf. p. 205.

  1. Cf. infra, p. 1058.
  2. Poole, Catal. greek coins Brit. Mus., Alexandria, 1892, pl. xii, cf. p. lvi ; cf. Millin, Gal. mythol. XXIX no 90 : Thiele, op. cit. p. 68 ; Dattari, Rivista ital. di numismatica, 1901. p. 166. Sur ce type cf. infra, p. 1057.
  3. Poole, l. c. ; Svoronos, Journal international d’archéol. numism. II, 1899, p. 78-84, pl. vi ; Boll, op. cit. p. 230. Notre fig. 7588 d’après Duruy, Hist. des Romains, VI, p. 97.
  4. Bouché-Leclercq, Astrologie grecque, 1899, p. 185.
  5. Daressy, Recueil de travaux rel. à la philol. et à l’archéol., XXIII, 1901, p. 126 ; Boll, Sphaera, p. 305. Sur la dodécaoros, supra, p. 1047.
  6. Cf. infra, p. 1053. Nous reproduisons plus bas (p. 1053) une notation de l’horoscope d’après un graffite du Memnoneion d’Abydos.
  7. La nature et l’histoire de la « sphère barbare » ont été élucidées par Boll, Sphaera, 1903 ; cf. Revue archéol. 1903. I, p. 437 sq.
  8. Boll, op. l. 232-244.
  9. Proclus, In remp. Plat. II, p. 318, 11. Kroll : Ἐνετύχομεν σφαίραις βαρβαρικαῖς Αἰγυπτίων τε καὶ Χαλδαίων ; cf. Boll, op. l. p. 364 sq.
  10. Cat. codd. astrol. V, pars 1, p. 188, 22 : Ἀσκληπιάδης ὁ Μυρλιανός ἐν τῇ Βαρβαρικῃ Σφαίρα ; cf. Boll, op. cit. p. 544 sq. ; Alb.