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à toutes les sources et juxtaposant les mythes et les types sidéraux des Grecs et des Orientaux, il donna l’exemple d’un syncrétisme qu’adoptèrent la plupart de ses émules et qu’on retrouve même dans les monumens égyptiens. En même temps un sénateur romain, curieux de sciences abstruses, Nigidius Figulus, composait le premier en latin un livre sur la Sphaera Barbarica à côté de deux autres sur la sphaera Graecanica[1]. Sous Auguste, le poète Manilius, dans son Ve livre, où il expose, non sans quelques bévues, la théorie des paranatellons[2], paraît s’être inspiré des recherches d’Asclépiade. Enfin au Ier siècle, ce semble, Teucros composa en grec le traité qui devait servir de répertoire aux astrologues postérieurs. Car, si les constellations barbares étaient répudiées par la science hellénique (son plus illustre représentant, Ptolémée, ne les mentionne jamais), l’astrologie, jusqu’à l’époque byzantine, ne cessa pas de leur accorder une place importante dans ses spéculations, quand, après avoir parlé du zodiaque, elle abordait la théorie de ses paranatellons[3]. L’ouvrage de Teucros fut même traduit en persan, sans doute vers 342, sur l’ordre de Chosroès Anoushirvân, et ses doctrines se propagèrent dans le monde arabe et, par son intermédiaire, revinrent après un long détour en Europe, sans que le moyen âge en soupçonnât l’origine première.

Transmission aux peuples asiatiques. — L’astrologie, on le sait, fut adoptée avec l’astronomie par les Arabes et elle fut cultivée chez tous les peuples mahométans[4] ; le fatalisme islamique s’accorda plus facilement avec elle que la théologie chrétienne. Les astrologues arabes empruntèrent leurs doctrines en grande partie à leurs prédécesseurs grecs, dont ils traduisirent les œuvres, mais ils mirent aussi à contribution les écrits des Hindous[5] et recueillirent des traditions indigènes restées vivaces en Mésopotamie[6], notamment chez les Harraniens. Rien d’étonnant donc à ce qu’on trouve en Orient de nombreuses représentations du zodiaque et des planètes, qui mériteraient d’être étudiées systématiquement et soumises à une analyse critique[7]. Mais ce n’est pas le lieu d’aborder ici ce genre de recherches, non plus que d’exposer l’histoire de la transmission des douze signes à travers la Perse[8] et l’Inde[9] jusqu’en Chine et au Japon[10].

Grèce. — Anaximandre passait pour avoir le premier, au vie siècle, tracé sur la sphère le cercle oblique du zodiaque, où Cléostrate de Ténédos aurait marqué les signes, notamment ceux du Bélier et du Sagittaire[11]. Une autre tradition attribue cette invention à Œnopide de Chio, qui vécut à la fin du ve siècle[12]. Ils ont tout au plus introduit dans la science grecque des figures empruntées directement ou indirectement à l’astronomie babylonienne. De même on fait remonter à Calippe de Cyzique (ive siècle) la division en dodécatomories égales, distinctes des constellations zodiacales[13] ; mais il ne fit qu’adopter un système de mensuration en usage chez les « Chaldéens[14] ». La plus ancienne description qui nous soit parvenue de ces constellations, puisque nous ne connaissons celle d’Eudoxe de Cnide que par des extraits d’Hipparque[15], est celle qu’on trouve dans les Phénomènes d’Aratus (vers 270 av. J.-C.) ; mais les astronomes antérieurs, dont les œuvres sont perdues, s’en étaient évidemment tous occupés. C’est probablement en suivant une habitude déjà classique qu’au ier siècle avant notre ère Géminus met en tête de son Introduction un chapitre Περὶ τοῦ ζωδιακοῦ κύκλου[16].

Il faut noter que ces astronomes grecs, Eudoxe, Aratus, Hipparque, peut-être même Géminus[17], comptaient en réalité, non pas douze signes, mais onze. Les Pinces (Χηλαί) du Scorpion occupaient la place de la Balance. Bien que celle-ci soit d’origine babylonienne[18], c’est seulement au Ier siècle avant J.-C. qu’on en fit le signe de l’équinoxe d’automne, où la nuit et le jour s’équilibrent[19].

Nous n’avons d’ailleurs que des données insuffisantes pour déterminer les transformations que les Grecs firent subir au zodiaque oriental. Nous savons que de bonne heure ils eurent des sphères célestes, qui étaient employées pour l’enseignement de l’astronomie[20]. Sur celle qu’avait construite et commentée Eudoxe de Cnide, étaient marqués le pôle nord, la bande oblique du zodiaque et les autres astérismes visibles en Grèce[21]. Au IVe siècle, le comique Alexis décrit même un plat monté qui représentait un hémisphère avec diverses


    Müller, De Asclepiade Myrl. Leipzig. 1903. p. 22 sq.

  1. Nigid. Figul. Reliquiae, éd. Swoboda, 1889, p. 26 sq. ; cf. Boll, op. cit. p. 350 sq.
  2. Manilius ne mentionne que deux constellations barbares : Haedus (V, 312) et Fides V, 410. Firmicus Maternus, VIII, 5 sq., ne fait que paraphraser dans sa prose boursouflée les beaux vers de Manilius.
  3. Ces textes astrologiques (Teucros, Antiochus d’Athènes, Vettius Valens, I, c. 2, Rhétorios, Camatéros, etc.) ont été réunis et commentés par Boll, op. cit. p. 5 sq. 465 sq.
  4. Nallino, Encyclopédie de l’Islam, s. v. « Astrologie » ; Suter, Die Mathematiker und Astronomen der Araber, 1900 ; Cf. Cat. codd. astrol. V (Romani), pars 1, p. 86 sq.
  5. Cf. Cat. codd. astrol. ibid. p. 136.
  6. Cf. Saxl. Der Islam, III, 1912, p. 152 sq.
  7. Une liste fort incomplète des zodiaques orientaux est donnée par Gulecheus, Der marmorne Himmelsglobus zu Arolsen, 1862, p. 52 sq. ; cf. Chwolsohn, Die Ssabter, 1856, II, p. 661 ; Thiele, Himmelsbilder, 1898, p. 44. Le monument le plus remarquable de toute la série est le pont de Djéziret-ibn-Omar près de Mossoul, datant du xiie siècle ; il est décoré de hauts reliefs qui nous montrent (comme à Dendérah) les planètes dans les signes du zodiaque où ils ont leur exaltation (Preusser, Nordmesopotamische baudenkmäter, Leipzig, 1911, pl. 38-40). Sur les cuivres au contraire, les planètes et les signes du zodiaque sont presque toujours combinés suivant le système des domiciles [cf. supra, p. 1049, Sarre et Van Berchem, Das Metallbeckhen des Mabeks Lulu von Mossul, dans Münchener Jahrb. der bild. Kunst., 1907 ; cf. Migeon, Manuel d’art musulman. t. II, Paris, 1907, p. 180, fig. 156). Il en est de même d’un miroir du xiiie siècle décrit par Reinaud, Monuments arabes et persans du cabinet de Blacat, t. II, Paris, 1828, p. 400 sq. Les Seldjoucides et les Grands Mogols ont frappé de nombreuses « monnaies zodiacales » ; cf. Lane Poole, Catalogue of Oriental coins in the Brit. Mus. 1877, t. III, Introduction, et The coins of the Moghul emperors of Hindustan in the Brit. Mus. 1892, Introd. p. lxxix sq. : Ghalib Eilhem, Catalogue des monnaies turcomanes du musée imp. ottoman, Constantinople, 1894 (planches). [Note communiquée par M. Max Van Berchem].
  8. Dans les livres sacrés du mazdéisme, les passages qui se rapportent aux planètes et au zodiaque sont inspirés par la religion babylonienne ; cf. Spiegel, Eran. Altertumskunde, II, p. 75 ; Darmesteter, Ormuzd et Ahriman, 1877, p. 270. La littérature pehlvie donne les noms des douze signes (Boundahish, II, 2 ; p. 11, trad. West : Mînôkhard, VIII, 17 ; p. 34, trad. West.
  9. Les Hindous ont adopté, après le zodiaque lunaire (supra, p. 1047, n. 1) de 27 ou 28 constellations (naksatra), le zodiaque solaire, qui leur est certainement venu d’Occident ; cf. Mollien, Recherches sur le zod. indien, dans Mém. div. sav. Acad. inscr. 1re série, t. III, 1833, p. 240 sq. ; Thibaut, Astronomie, Astrologie (dans le Grundriss der indo-arischen Philologie). 1899, p. 23 et 31 sq. ; Boll, Sphaera, p. 342 sq.
  10. Cf. supra, p. 1047, à propos de la Dodékaoros ; Boll, Sphaera, p. 326 sq.
  11. Plin. Nat. h. II, 31 ; cf. Boll, Sphaera, p. 191 sq.
  12. Diels, Fragm. der Vorsokratiker, 3e éd. l. I, p. 297, no 7, 10. Cf. Cat. codd. astr. V, pars III, p. 95, 13.
  13. Tannery, Recherches sur l’histoire de l’astronomie ancienne, 1893, p. 131.
  14. Cf. supra, p. 1047.
  15. Hipparch. In Arati et Eudoxi Phaenom. commentarii (éd. Manilius, 1894), II, 2 sq. — La prétendue « Sphère d’Empédocle » paraît être une contamination d’Aratus et d’Eudoxe ; cf. Wieck, Sphaera Empedoclis quae dicitur, 1897.
  16. Geminus, Introd. in Phaenomena, éd. Manilius, 1898.
  17. Geminus, éd. Manilius, appendice, p. 263, n. 15.
  18. Boll, Sphaera, p. 180 sq.
  19. Le premier qui la mentionne est Varron, De lingua lat. VII, 16. Cf. infra, p. 1039.
  20. Thalès aurait le premier [à avoir] exécuté une sphère solide (Cicer. De rep. I, 14 § 22) et Anaximandre après lui (Diels, Vorsokratiker, 3e éd. p. 14, 10). D’autres textes attribuent cette « invention » à Musée ou à Atlas ; cf. Fabricius-Harles, Bibliotheca Graeca, V, p. 299.
  21. Cicer. l. c. ; cf. Tannery, Mémoires scientifiques publiés par Heiberg et Zeulhen, t. II, 1912, p. 247 sq. ; Hultsch dans Pauly-Wissowa, Realencycl. s. v. « Eudoxos », col. 944 et 950 ; Bethe, Rhein. Museum, LV, 1890, p. 419 sq. Sur la correspondance des douze