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dans lesquelles, par le système de notation habituel, on disposait les signes du zodiaque suivant leur ordre naturel. On répartissait entre ceux-ci les planètes selon leur position, et l’on y joignait parfois le chiffre du degré, μ(οῖρα), et même de la minute où elles étaient situées. On ajoutait enfin, en quantité variable, d’autres indications (ὡροσκόπος, μεσουράνημα, κλῆρος τῆς Τύχης, ascendant, culmination supérieure, sort de la Fortune, etc.) nécessaires ou utiles à la sûreté des pronostics. Ces figures sont nombreuses dans nos manuscrits ; nous en reproduisons une à titre d’exemple (fig. 7594)[1].

On se bornait souvent à indiquer le signe qui présidait au mois où un personnage était né, où un acte avait été accompli ; car son influence passait pour prédominante. Auguste n’était pas né, mais il avait été conçu en janvier, sous le signe du Capricorne, où se trouve l’exaltation de Mars, protecteur des guerriers. Il fit placer, on le sait, ce signe sur ses monnaies[2] et on le retrouve à côté de la tête de l’empereur sur le grand camée de Vienne (gemma Augustea)[3]. Bien plus, Auguste donna le Capricorne comme emblème aux légions qu’il créa [signa, fig. 6411]. Cet exemple fut suivi par Tibère : le Scorpion, domicile de Mars et signe de sa nativité, distingua désormais les cohortes prétoriennes. Peut-être le Taureau, le Lion et le Bélier ornèrent-ils pour des raisons analogues les enseignes d’autres corps de troupes[4]. Sur le socle du beau buste de Commode en Hercule, au musée du Capitole [hercules, fig. 3810], est sculpté un globe céleste portant le Scorpion, le Bélier et le Taureau ; comme ces signes ne sont pas groupés suivant leur position astronomique, on a supposé qu’ils rappelaient trois moments décisifs de la vie de l’empereur, adepte fervent des croyances orientales[5]. On a reconnu ainsi avec plus ou moins de certitude, sur divers monuments, l’indication de la nativité de personnages ou du moment où s’étaient passés des actes importants[6]. C’est certainement aussi pour une raison astrologique que, sur un candélabre de marbre conservé au musée du Louvre, les trois signes de l’automne, Balance, Scorpion, Sagittaire, sont joints à Vénus, Mars et Jupiter, c’est-à-dire aux trois planètes qui y avaient respectivement leurs domiciles[7].

Les astrologues soumettaient à chacun des signes du zodiaque une portion du corps humain, la tête au Bélier, chef de file de la dodécade, le cou au Taureau à la forte encolure, et ainsi de suite[8]. Cette « mélothésie », importante au point de vue médical pour déterminer les maux de tout genre qui à chaque instant menaçaient les divers membres et organes, est fréquemment exposée par les docteurs de la divination astrale[9], et saint Augustin même en fait mention[10]. On la représente par une figure où l’homme microcosme est placé, comme notre monde dans l’univers, au centre du cercle zodiacal, et un trait, partant de chaque signe, vient frapper la partie de son corps nu qui lui est soumise, ou bien on dispose les signes le long du corps même du personnage, sur les membres subissant leur influence. Ces figures, dont l’origine est certainement antique, sont assez fréquentes dans nos manuscrits grecs et latins[11] ; elles se sont perpétuées à travers le moyen âge jusqu’à la Renaissance et elles ont inspiré notamment à l’auteur des Très riches heures du duc de Berry (1416) une page d’une étrange beauté[12].

Les calendriers, les douze mois et les douze dieux. — Les calendriers sont à la fois astrologiques et religieux : astrologiques, car chaque instant du temps qui s’écoule est soumis aux influences produites par la révolution des étoiles ; religieux, parce que le retour de dates déterminées impose périodiquement la célébration de certaines cérémonies du culte. C’est ainsi que, dans le remarquable calendrier liturgique d’Athènes, commenté à l’article calendarium (fig. 824), les signes zodiacaux présidant à chaque mois attique[13] servent en quelque sorte d’introduction à la représentation des fêtes principales, que ramenait le passage du soleil dans ces constellations. L’interprétation de ce monument unique, qui paraît dater du Ier siècle de notre ère, a fait un sérieux progrès depuis qu’on a reconnu dans certaines figures, restées énigmatiques, des personnifications des Mois et des Saisons divinisées[14]. Pour le zodiaque, il est à noter qu’aux Pinces du Scorpion on paraît avoir substitué, non la Balance (p. 19), mais une Couronne[15]. Dans son ensemble ce bas-relief est un document très remarquable, attestant l’existence à Athènes de cette religion du Ciel

    Memnoneion d’Abydos, Paris, 1917, no 641.

  1. D’après Usener, Kleine Schriften, t. III, p. 322. Un autre système laisse un treizième carré vide au centre du rectangle (Ibid. p. 321) ; cf. Bouché-Leclercq. Astrol. gr. p. 285. Ces figures d’horoscopes sont fréquentes dans nos manuscrits, p. ex. Cat. codd. astrol., VII (Germanici), cod. 7. f. 23 ; 20, f. 139 v ; 22, f. 156 ; VIII (Parisin.), cod. 4, f. 131 sq. etc.
  2. Sueton. Aug. 94, 12 ; Manil. Astron. II, 507, etc. ; cf. Gardthausen, Augustus, t. II, p. 18, où l’on trouvera énumérées une série de monnaies portant le Capricorne avec le globe. Cf. Corp. inscr. lat. XII, 4339.
  3. S. Reinach, Répert. reliefs, t. II, p. 144.
  4. Von Domaszewski, Die Tierbilder der Signa, dans Arch. epigr. Mitt. aus Oesterr. XV, 1892, p. 183 sq. ; XVII, 1894, p. 34. Mais voyez l’article signa, p. 1312.
  5. Helbig, Führer Samml. Rom. 3e éd. no 930.
  6. Un lièvre sur un cippe funéraire du musée de Mantoue y représenterait la constellation παρανατέλλων, qui fait les prestidigitateurs (Labus, Museo di Montova, t. II, pl. XXIV, p. 163 sq.), mais cette interprétation est douteuse. Lion avec les Vents et les Saisons sur une mosaïque trouvée près de Poligny (Bruand, Dissertation sur une mos. de P., Paris, 1816 ; cf. Blanchet, Inv. mosaïques de la Gaule, II. 1909, no 1481). Le dessin paraît inexact. — Lion, Bélier et Sagittaire sur un siège de marbre autrefois à la villa Casali, (aujourd’hui dans la collection Lenbach à Munich) : cf. Matz-Duhn, Antique Bildwerke in Rom. III, no 3704 ; Brunn, Verhandl. Philologenversamml. XLI, Munich, 1891, p. 262. Le sujet représenté est la prise d’une ville ; les signes rappelleraient le moment où l’action fut engagée. Ils forment un trigone astrologique. (Cf. p. 1058. n. 5.
  7. Clarac, pl. 201, 202, cf. t. II, p. 186 — S. Reinach, Répert. statuaire, I, p. 89-90 : Fröhner, Sculpture du Louvre, no 5, p. 24. Cette interprétation me paraît la plus plausible ; mais les bas-reliefs ont été défigurés par des restaurations arbitraires. Derrière le Scorpion est sculpté un cheval marin, pour rappeler que c’est un signe aquatique (ὑδατῶδες, cf. Cat. codd. astrol. I, p. 146, 15 sq. : Vettius Valens, pp. 10, 26 ; 56, 9 Kroll, etc.). Il est probable que ce candélabre faisait partie d’un groupe de quatre, et que les trois qui sont perdus portaient les signes des autres saisons et les emblèmes des autres éléments.
  8. Bouché-Leclercq, Astrol. grecque, p. 318 sq. ; cf. infra, p. 1062.
  9. Manil. II, 453 sq. ; Firmic. Mat. Mathes. II, 24 ; Vettius Valens, 11, 36 (p. 109 Kroll) ; Sextus Empir. Adv. astrol. 21 ; Porphyr. Isag. in astr. p. 198 ; Paul. Alex., Introd. A, 2. Hermès Trismeg. dans Berthelot et Ruelle, Alchimistes grecs, t. I, p. 101, 106 ; Cat. codd. astrol. II (Veneti), cod. 7, f. 127 V ; m (Mediolan.), cod. 22, f. 339 t. IV (Italici). p. 126, note, etc.
  10. August. De haeres. 70 ; cf. infra, p. 1060, n. 9.
  11. Parisin. graec. 2419, f. 1 (cf. Cumont, Revue archéol. 1910, I, p. 7) ; Parisin. gr. 2180, f.108 ; Cat. codd. astrol. III (Mediolan.), cod. 23, f. 254 v ; Parisin. lat. 7351, f. 7 ; cf. Cumont, (l. c. p. 9. Cf. Piper, Symbol. und Mythol. der christl. Kunst, t. II, 1851, p. 289.
  12. Paul Durrieu, Les Très riches heures du duc de Berry, 1904, pl. xiii et p. 29. Cf. Cumont, l. c. p. i sq. ; Deonna, Revue hist. des relig. LXIX, 1914, p. 183 sq. La mélothésie planétaire, qu’on opposait à la « mélothésie zodiacale » (Bouché-Leclercq, p. 321 sq.), a été illustrée par des figures analogues (p. ex. Cat. codd. astr. IV (Ital.), cod. 18 (= Bononiensis, 3632), f. 311. La présence de cette figure de « l’homme anatomique » est à peu près constante dans les livres d’heures imprimés à Paris au xve siècle [Durrien]. Les Égyptiens assignaient un pouvoir semblable aux trente-six décans (infra, p. 1059) ; mais on n’a conservé aucune figure qui rende sensible aux yeux leur répartition compliquée.
  13. La correspondance des mois et des signes est la suivante : ♏︎ Pyanepsion, ♐︎ Maimaktérion. ♑︎ Poseidéon, ♒︎ Gamélion, ♓︎ Anthestérion, ♈︎ Élaphéholion, ♉︎ Mounichion, ♊︎ Thargélion, ♋︎ Skirophorion, ♌︎ Hékatombaion. ♍︎ Métageitnion, ♎︎ Boédromion.
  14. Svoronos, Journal intern. d’archéol. numismatique, II, 1899. p. 21 sq., qui refuse à tort tout caractère liturgique à ce répertoire de l’héortologie attique ; cf. Robert, Cott. gel. Anzeigen, 1899, p. 544 sq.
  15. Cf. Thiele, Himmelsbilder, p. 57-64, avec de bonnes reproductions du marbre.