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avait eu quelque part dans la rédaction des visions de l’Apocalypse[1] ; les gnostiques lui réservèrent une large place dans leurs spéculations[2] et, après eux, les adeptes du manichéisme, originaires de Babylonie, restèrent suspects d’une adoration idolâtre pour les corps célestes[3]. Plusieurs indices montrent que les fidèles mêmes n’échappaient pas tous à la contagion. Une vieille épitaphe chrétienne de Rome note qu’un enfant est né la quatrième heure de la nuit, le jour de Saturne, dans le signe du Capricorne, géniture funeste qui explique sa mort prématurée[4]. Un bracelet, où sont gravées les notations astronomiques des douze constellations, a été trouvé dans un loculus des catacombes, et, s’il est peut-être de fabrication païenne, il a certainement été porté par une chrétienne[5]. Les figures zodiacales apparaissent aussi sur des amulettes de date incertaine, qui ne sont probablement pas dues toutes aux sectes gnostiques ou hérétiques auxquelles on les attribue[6]. Le premier empereur chrétien croyait à la puissance des étoiles : dans l’ancienne église de Sainte-Sophie, bâtie par lui, se voyaient des statues des douze signes, du Soleil, de Vénus et d’Arcturus, et l’on a supposé qu’elles représentaient l’horoscope que Constantin aurait fait tirer lors de la fondation du sanctuaire, comme il le fit pour celle de la ville même de Constantinople[7]. L’empereur s’est fait représenter sur une de ses monnaies comme seul maître du monde, couronné par la Victoire et tenant de la main droite l’anneau zodiacal[8].

Les doctrines astrales propagées par les hérétiques survécurent longtemps au triomphe de l’Église. Du temps d’Orose et jusqu’au vie siècle les Priscillianistes continuaient à enseigner que les diverses parties du corps humain étaient soumises chacune à un des douze astérismes[9] et Priscillien lui-même, sans doute à l’imitation des manichéens, interprétait comme étant le zodiaque la rota geniturae, en réalité le cycle orphique des naissances, dont il est fait mention dans un passage obscur du Nouveau Testament[10]. Au iie siècle, Théodose le Valentinien avait assimilé les Apôtres aux douze signes ; car, disait-il, de même que ceux-ci régissent la génération de l’homme, ceux-là président à sa régénération[11] ; quelle fut la fortune de ce rapprochement saugrenu, nous le voyons sur plusieurs sarcophages, où les figures des Apôtres sont surmontées chacune d’une étoile, comme l’étaient auparavant celles des divinités sidérales[12]. On assignait même aux Apôtres le rôle autrefois dévolu aux douze dieux (p. 1055) ; car on les mettait en relation avec les mois, comme le Christ avec le soleil[13]. Les divinités des décans, au contraire, tout au moins en Égypte, furent regardées comme des démons, qui faisaient escorte à Satan (p. 1059). D’autres pensaient mettre l’astrologie mieux d’accord avec la Bible en introduisant dans le zodiaque les noms des douze patriarches[14]. Aux fables mythologiques, qui entachaient les constellations de paganisme, on substitua des interprétations bibliques : le Verseau tira son origine de saint Jean-Baptiste, le Poisson fut la baleine de Jonas, le Lion celui de la fosse de Daniel, la Vierge fut Marie, le Sagittaire David, etc.[15] Ainsi exorcisé, le zodiaque put continuer sans danger à être reproduit dans les églises comme une image du ciel étoilé, qui embrasse le monde entier, ou de l’année et de ses douze mois.

III. Type, caractère et influence des douze signes. — Il fallait une certaine complaisance pour reconnaître dans les points brillants qui parsèment le firmament les dessins des personnages ou objets qu’on prétendait y voir. Aussi les figures de la sphère ont-elles varié, malgré la fixité relative que leur assurait leur caractère sacré. Les Grecs prétendirent rattacher les étoiles, regardées comme divines, à leur religion nationale[16] ; le « catastérisme », c’est-à-dire la translation parmi les astres, devint un moyen commode de donner à d’anciennes fables une heureuse conclusion ; des récits poétiques représentèrent les héros ou les animaux de la mythologie, vivant au ciel sous la forme d’étoiles brillantes. Les assimilations opérées par la fantaisie des mythographes eurent souvent pour effet de modifier l’apparence qu’on prêtait aux constellations et de leur faire donner des attributs nouveaux. Nous ne pouvons énumérer ici toutes les variantes qu’offre le type de chacun des douze signes, ni toutes les interprétations qui en furent proposées. Nous nous bornons à signaler les plus importantes[17].

Le Bélier est représenté le plus souvent bondissant, parfois couché, et généralement il tourne la tête en arrière. Parfois il saute à travers un cerceau, qui représente la colure de l’équinoxe[18]. On voit en lui le bélier d’Ammon, ou le bélier à la Toison d’or, ou encore celui que se disputèrent Atrée et Thyeste[19].

    le zodiaque à Issoire en Auvergne (xiie siècle), à Reims, à Amiens, à Chartres et ailleurs ; cf. Mâle, L’art religieux du xiiie siècle en France, 1902, p. 87 sq. et supra, p. 1055, n. 10.

  1. Boll, Aus der Offenbarung Johannis, Leipzig, 1914, p. 39, 99. L’auteur songe au zodiaque à propos de la description de la Jérusalem céleste avec ses douze portes, de même (c. 12) pour la Vierge céleste avec une couronne de douze étoiles ; cf. supra, p. 1059 n. 12.
  2. Bouché-Leclercq, op. l. p. 608 sq. ; cf. supra, p. 1059, n. 1. Nous avons reproduit plus haut (fig. 7590) un bas-relief qui a été interprété comme représentant la Vierge de Lumière entourée du zodiaque.
  3. Beausobre, Histoire du manichéisme, 1739, t. II, p. 584 sq. ; cf. supra, p. 1038, n. 18, et infra, note 10.
  4. De Rossi, Inscr. crist. I, No 172 : Puer natus Α Ω divo Ioviano Aug(usto) et Varroniano co(n)sulibus [= 364 ap. J.-C.] hora noctis IIII… die Saturnis, luna vigesima, signo apiorno (sic).
  5. Boldetti, Osservazioni sopra i cimiteri, Rome, 1720, p. 500 = Kraus, Realencycl. der christl. Alt. s. v. « Zodiacus », fig. 545.
  6. Montfaucon, Ant. expliquée. t. II, pl. clix, clxviii, clxx, etc. Jaspe de Vienne (no 775) reproduit par Thiele, op. l. p. 71, fig. 15 ; cf. Piper, op. l. p. 286, et supra, p. 1059, n. 3.
  7. Scriptores originum Constantinopolit. éd. Preger, p. 26, 5 ; 140, 5 ; 201, 20 ; Suidas, s. v. Σοφία ; cf. Maas, Analecta sacra et profana, Marbourg, 1901, p. 4 sq. ; Cat. codd. astrol. V (Romani), pars 1, p. 118, n. 2.
  8. Stevenson, A dictionary of Roman coins, Londres, 1889, p. 928.
  9. Oros. Commonit. 2, dans Migne, P. L. XLII, p. 667 (= Priscill. éd. Scheps, p. 153 sq.) ; cf. Concil. Bracarense, anni 563, can. 2 (Mansi, IX, p. 775) et supra, p. 1034.
  10. Epist. Iacob, iii, 6, τροχὸς γνῶσεως ; cf. Priscillian. Tract. I (p. 26, 21 Scheps).
  11. Clem. Alexandr. Excerpta ex Theodoto, 71 (p. 129 Stählin) : Οἱ ἀποστολοι μετετέθησαν τοῖς β’ζωδίοις, ὡς γὰρ ὑπ’ ἐκείνων ἡ γένεσις διοικεῖται, οὕτως ὑπὸ τῶν ἀποστόλων ἠ ἀναγίννησις ἐφορᾶται.
  12. Sarcophage de Manosque : Le Blant, Sarcoph. de la Gaule, 1880, pl. l, p. 142 ; cf. dom Leclercq, (l. c., p. 3014, fig. 1044. S. d’Arles : Le Blant, Sarc. chrét. d’Arles, 1878, pl. xlv. S. de Palerme : Garrucei, Storia dell’ arte cristiana, V, 1878, pl. 349, fig. 4.
  13. Clem. Rom. Romul. II, 23 ; Τῶ κυρίω γεγόνασιν δώδεκα ἀπόστολοι τῶν τοῦ ἡλίου δώδεκα μηνῶν φέροντες τὸν ἀριθμόν ; cf. Piper, op. l. p. 292 ; Cumont, Monum. myst. de Mithra, t. I, p. 356.
  14. Oros. Comm. l. c. ; cf. Kopp, Paleographia critica, t. III, 1829, p. 382 sq. ; cf. Bouché-Leclercq, op. l. p. 320, n. 1 ; 609, n. 1 ; 623.
  15. Piper, op. l. p. 298 ; cf. p. 283.
  16. Les principales sources de la mythologie zodiacale sont les Phénomènes d’Aratus (éd. Maas, 1893) avec les commentaires (éd. Maas, Comm. in Aratum, 1898). les Aratea de Cicéron et surtout de Germanicus (éd. Baehrens, 1899) avec les scholies (éd. Breysig, 1867) ; les Caractérismes d’Ératosthène (éd. Olivieri, 1897) ; les Astronomiques d’Hygin (éd. Bunte, 1875) ; le Liber memorialis d’Ampelius, c. 2 (éd. Wölftlin, 1873) ; mais des indications nombreuses se trouvent ailleurs, notamment chez les astrologues ; cf. p. ex. Cat. codd. astrol. V, pars I, p. 210 ; VIII, pars III. p. 120 sq.
  17. Sur l’iconographie du zodiaque, cf. Gädechens. op. l. p. 54-57 : Thiele, Himmelsbilder, p. 64-72 ; Bouché-Leclercq, Astrol. gr. p. 130 sq. ; cf. Boll, Sphaera, p. 121 sq. et passim ; Cumont, Mon. myst. de Mithra, t. I, p. 112 ; Rethe, Rheinisches Museum, LV, 1900, p. 419 sq. ; Graeven, Athen. Mitt. XXVIII, 1913, p. 294 sq.
  18. Cf. Boll, Offenbarung Ioannis, p. 41.
  19. Les textes latins sont réunis Thes. ling. lat., s. v. Aries.