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Du Taureau, énorme, tourné dans le sens opposé au Bélier, on n’aperçut d’abord que l’avant-train, la tête baissée. Plus tard il apparut tout entier accroupi, ou debout, ou courant, mais il resta généralement cornupète. Ce pouvait être le taureau d’Europe, ou de Pasiphaé, ou même la vache Io, ou bien le bœuf Apis.

Les Gémeaux sont deux jeunes gens enlacés ou se tendant la main, debout ou assis. Très anciennement on les identifia avec Hercule et Apollon, qui sont l’un et l’autre des substituts du dieu babylonien Nergal[1], et ils ont alors pour attributs, respectivement, la massue et la lyre ou parfois le trépied. On vit plus généralement en eux les Dioscures, dont ils portent le manteau court, et c’est pourquoi les deux étoiles les plus brillantes de la constellation s’appellent encore Castor et Pollux. On reconnaissait aussi en eux les frères thébains Amphion et Zéthos, l’un avec la lyre, l’autre avec le sceptre, ou Thésée et Hercule, ou Phosphoros et Hespéros, ou enfin les Cabires de Samothrace. Le couple amical des deux jumeaux fut transformé plus tard en un couple amoureux d’un jeune homme et d’une jeune fille[2].

Le Cancer est toujours un gros crabe, celui qui, ayant mordu Hercule au talon dans les marais de Lerne, fut transporté au ciel par Héra. Les théologiens faisaient du Cancer et du Capricorne les portes par lesquelles les âmes descendaient du ciel et y remontaient[3].

Le Lion, qui apparaît presque toujours bondissant, était celui qu’Hercule avait étouffé à Némée. Il porte exceptionnellement une couronne étoilée ; car c’est le signe royal (p. 1047).

La Vierge, conçue tantôt comme stérile et tantôt comme féconde[4], est le signe sur lequel l’imagination des mythographes s’est le plus exercée. Le type le plus ancien paraît être celui d’une femme ailée, chastement vêtue, tenant un bouquet d’épis (l’Épi est une étoile de première grandeur). On l’appela naturellement Démêter ; mais on l’assimila aussi à l’Isis égyptienne[5] et à l’Atargatis syrienne et elle participa du caractère multiple de ces divinités panthées[6]. On en fit une Tychè et on lui donna la corne d’abondance ; une Aphrodite, et elle parut nue, quelquefois avec un voile flottant ; une Iris, et elle porta alors le caducée ; ou bien, déesse ailée, elle prit la palme et la couronne de la Victoire. On la nomma aussi Astrée ou Dikè ou Ilithyie[7] ou Érigone, la fille d’Icare[8]. Il n’est pas de constellation plus disputée.

La Balance, le dernier venu des douze signes (p. 1050), fut d’abord simplement l’instrument, dont les plateaux, se substituant aux pinces du Scorpion, parurent à cause de leur équilibre un symbole approprié de l’équinoxe. Plus tard, on la fit porter soit par un jeune homme, soit par une femme vêtue, qui n’est autre que l’Équité [aequitas], souvent figurée sur les monnaies impériales. Les variations de détail sont nombreuses.

Le Scorpion se conserva presque sans altération depuis l’époque babylonienne (p. 1016), sauf que l’insertion de la Balance l’obligea à rentrer ses pinces. Cet animal, importé d’Orient, était devenu en Grèce le scorpion qui, envoyé par Artémis, avait piqué le chasseur Orion ; car Orion disparaissait quand il se levait sur l’horizon.

Le Sagittaire[9] était, à Babylone, un archer monstrueux, ailé, à torse d’homme sur un corps de cheval, avec une double tête et une double queue, dont l’une de scorpion (fig. 7600)[10], et il apparaît encore à peu près sous cet aspect sur les zodiaques égyptiens. Les Grecs l’humanisèrent davantage : ils en firent un Centaure bondissant et tirant de l’arc et virent en lui Chiron. Un autre type, plus rare, est celui d’un archer pourvu de deux jambes et d’une queue de cheval. Ce tireur bipède est probablement, comme le quadrupède, emprunté aux Fig. 7600. — Sagittaire babylonien.
Fig. 7600. — Sagittaire babylonien.
Babyloniens ; mais les Grecs voulurent y reconnaître un Silène ou un Satyre, plus particulièrement Krotos, ami des Muses[11].

Le Capricorne, chèvre à queue de poisson, est également figuré sous cette apparence dimorphe depuis son origine chaldéenne. Il arrive qu’on lui supprime sa queue marine ou qu’on lui adjoigne, à Rome, une corne d’abondance ou un globe ; car il est le signe d’Auguste (p. 1034). Les Grecs firent de lui le dieu Pan ou Égipan, nourri par la chèvre Amalthée. Le Verseau est quelquefois représenté par un simple vase, d’où l’eau s’échappe en abondance, plus souvent par un jeune homme, épanchant son urne vers les Poissons, soit qu’il la tienne devant lui ou qu’il la renverse par-dessus son épaule. Il a parfois deux urnes, peut-être primitivement des symboles de l’Euphrate et du Tigre[12]. On voyait en lui l’Éridan[13] et c’est pourquoi il arrive qu’il prenne l’apparence d’un fleuve couché ; ou Ganymède, et il est alors vêtu du costume oriental, tunique à manches et anaxyrides[14]. On fait aussi de lui Cécrops, offrant l’eau aux dieux ; Deucalion, à cause du déluge ; Aristée, qui obtint du ciel la pluie[15].

Les Poissons sont couchés parallèlement, en sens opposé l’un à l’autre, et leurs têtes sont d’ordinaire réunies par un ligament transversal, le fil de la ligne (λίνον). Les Chaldéens donnaient à celui du nord une tête d’hirondelle[16], que les Grecs ont supprimée ; mais ceux-ci gardèrent le souvenir que ces poissons étaient ceux d’Atargatis, l’Aphrodite syrienne, soit que celle-ci fût née d’un œuf tiré de l’Euphrate par des poissons, soit que, poursuivie, elle se fût jetée à l’eau et eût été changée en poisson[17].

Toutes ces fables astrales n’ont pas seulement une importance iconographique (les images traditionnelles gravées sur nos cartes célestes sont les résidus d’une végétation touffue de légendes) et elles ne restèrent pas non plus un simple jeu d’esprit des poètes et des mythologues. Elles eurent des conséquences pratiques très importantes, l’identification d’une constellation avec un héros ou un dieu ayant eu une action sensible sur la puissance que les astrologues lui attribuèrent. Les influences zodiacales, telles qu’elles nous sont exposées assez confusément dans les auteurs[18] doivent, comme les

  1. Boll, Sphaera, p. 125.
  2. Gädechens, l. c. ; Boll, op. l. p. 235, n. 1.
  3. Porphyr. De antro nymph. 22 ; Macrob. Somn. Scip. I, 12, 1 ; Sat. I, 17, 63 ; cf. Servius, Ad Georg. I, 34. Autres textes latins sur le Cancer dans le Thes. ling. lat. s. v. p. 229.
  4. Comptes rendus Acad. Inscr. 1911, p. 293 sq.
  5. Boll, op. l. p. 214.
  6. Cf. Corp. inscr. lat. VII, 759 = Bücheler, Carm. epigr. no 29.
  7. Boll, op. l. p. 212 passim.
  8. Manil. IV, 189.
  9. Sur les transformations du Sagittaire, cf. Boll, op. l. p. 188-196 ; Bethe, Rhein. Mus. LV, 1900 p. 427 sq.
  10. Sagittaire gravé sur une borne du xiie siècle av. J.-C. (British Museum, 101) d’après Perrot et Chipiez. Histoire de l’art, III, p. 604.
  11. Ératosth. Catast. c. 25 ; Hygin, II, 27, d’après Sosithée.
  12. Boll, op. l. p. 137.
  13. Ibid. p. 235.
  14. Thiele, op. l. p. 67, fig. 12 = S. Reinach, Pierres gravées, lxii (Gori, II, 88, 4).
  15. Bouché-Leclercq, op. l. p. 146. Les textes latins sont réunis. Thes. ling. lat. s. v. Aquarius, p. 367.
  16. Boll, op. l. p. 132.
  17. Cf. Cumont art. Dea Syria, dans Pauly-Wissowa, Realenc. col. 2241.
  18. Tous les