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XLVIlI MÉTHODE PARTICULIÈRE


Mais j’élève ma voix insensiblement, et je sens qu’animé par votre présence, par le sujet de mon discours, par la majesté de ce lieu, j’entreprends de dire faiblement ce que vous avez dit avec tant de force. C’est à vous, Messieurs, à faire les couronnes du vainqueur ; je ne puis que semer quelques fleurs sur la route de son triomphe.

— Les applaudissements que nous vous devions seront désormais, non pas plus vifs, mais plus tendres. Dans un concert de louanges, il est difficile de distinguer les voix de ceux qui admirent et de ceux qui aiment toute votre gloire est devenue la nôtre.

— Si les qualités du cœur faisaient les rangs, sa droiture, sa sincérité, son courage, lui en auraient fait un au-dessus même de celui où sa naissance l’avait placée.

— La pompe de votre sacre, et les fêtes brillantes qui l’ont suivie, sont devenues le spectacle de toute l’Europe. Vous avez vu, Sire, toutes ces merveilles ; mais, en les voyant, V. M. n’a vu encore, pour ainsi dire, que les décorations du trône et les magnificences de la royauté. Votre jeunesse vous avait dispensé d’en porter tout le poids ; mais votre majorité vous en impose les devoirs et les soins. En devenant majeur, vous devenez, Sire, le père de vos peuples : ils n’ont pas attendu, pour vous aimer, que vous devinssiez le dispensateur des grâces et des récompenses. Leur amour s’est déclaré sans l’attrait des bienfaits.

— Nous ne comptons pas la protection que vous avez d’un prince, la seconde tête de l’État. Ces grandes protections sont une parure pour le mérite, mais elles ne sont pas un ; et quand on veut les employer dans toute leur force, quand on ne veut pas qu’elles trouvent de résistance, osons le dire, elles déshonorent le mérite lui-même.

— Il joignait à un beau génie une âme plus belle encore : les qualités de l’esprit n’étaient chez lui que dans le second ordre ; elles ornaient le mérite, mais ne le faisaient pas.

Ponctuation dans les idées élevées.

— Un grand roi, dès qu’il est en âge de se connaître et de faire sentir sa puissance, dissipe bientôt tous les troubles qui s’étaient élevés dans sa minorité.

— Ces suites ordinaires de la minorité des rois finirent avec celle de Louis-le-Grand. La grande âme de ce héros, comme enveloppée sous les faiblesses de l’enfance, découvrant peu à peu ce riche fonds de vertu et de lumière qui nous éblouit, dissipa insensiblement les faibles nuages qui troublaient la sérénité de son règne : on éprouva bientôt la force de ce génie supérieur., visiblement né pour commander aux autres, et de ce caractère de domination si naturel, qui lui soumet tout sans effort : 1 Image de la divinité imprimée sur le front des rois, et qui ne fut jamais plus reconnaissable que sur le front majestueux de ce monarque, réunit bientôt tous les esprits.

— Si nous sommes trompés dans la noble idée que nous nous formons de la gloire des conquérants, grand Dieu ! j’ose presque dire que c’est vous qui nous avez trompés ; car enfin, sous quelle image plus pompeuse les saintes Écritures, qui doivent régler nos sentiments, nous représentent-elles Dieu même, que sous celle d’un général qui marche lui-même à la tête des légions innombrables d’esprits qui combattent sous ses étendards ? Elles nous le font voir sur un char tout brillant d’éclairs, la foudre à la main. La terreur et la mort marchent devant sa face, renversent ses ennemis à ses pieds ; et, se faisant sentir aux choses insensibles même, ébranlent jusqu’à leurs fondements, et ouvrent la terre jusqu’aux abîmes. Le plus auguste des titres que Dieu se donne à lui-même, n’est-ce pas celui de Dieu des armées ? Les Anges ne le font-ils pas retentir au-dessus de tous les autres dans le ciel même, qui est le centre de la paix ? Et enfin, lorsque Dieu paraît sur la montagne de Sinaï, comme un législateur, pour parler d’un ton de grandeur et d’une voix de magnificence, ne donne-t-il pas ses lois parmi les éclairs et les foudres ?

Ponctuation dans les pensées nobles et ingénieuses.

— Il fit tour-à-tour les amusements et l’instruction d’une cour où les lettres sont en honneur, où les noms marchent après les talents, et où on ne craint pas la science, parce que la science y habite.

— Cincinnatus vainqueur retournait à sa charrue : dans un siècle plus heureux, Scipion triomphant revenait goûter avec Lélius et Térence les charmes de la philosophie et des lettres, et ceux de l’amitié, plus précieux encore.

— Cette science du monde, qui n’est pas tonjonrs familière aux gens de lettres ; si agréable, toute profonde qu’elle est ; sans laquelle les autres sciences ne seraient que d’un commerce sec et rebutant, et qui seule se passerait de toutes les autres ; ce sentiment prompt des convenances, qui lui est du, qui sait mesurer si juste les différents degrés de respect, d’amitié, d’affabilité, selon les personnes et les circonstances : tout cela ne paraît-il pas en vous un don de la nature ? J’ajoute le génie de la conversation qui semble vous inspirer toujours : vous savez l’animer sans vouloir y briller ; plus content d’avoir mis en mouvement l’esprit des autres, que d’avoir fait remarquer le vôtre même. C’est cette politesse, ces grâces, cette gaieté française, qui, pour ainsi dire, vous ont rendu chez les étrangers l’apologie de notre nation. Une jeunesse indiscrète leur avait donné quelquefois une fausse idée de notre caractère : ils nous accusaient de légèreté, d’imprudence, et d’un dédain ridicule pour des manières éloignées des nôtres. Vous leur avez donné, Monsieur, une idée bien différente ; ils vous ont vu joindre l’enjouement à la raison la liberté aux égards, et la prudence à la vivacité même.

Ponctuation dans les pensées pompeuses.

Lorsqu’au dedans de l’État il (le cardinal de Richelieu) recueillait les débris de nos guerres civiles ; qu’il ramenait à la subordination des âmes altières, fortifiées dans l’habitude de l’indépendance ; que par la plus nécessaire de toutes les conquêtes il domptait l’hérésie fière de la tolérance et de l’impunité ; lorsque par une entreprise, qui attendait, pour être justifiée, que le succès la couronnât, il donnait des lois aux vagues de l’Océan : au milieu de ces pénibles veilles, il songeait à vous, Messieurs, comme à la plus noble et à la plus durable portion de sa gloire.

— Ce grand ministre tira du chaos les règles de la monarchie, apprit à la France le secret de ses forces, à l’Espagne celui de sa faiblesse ; ôta à l’Allemagne ses chaînes, lui en donna de nouvelles ; brisa tour-à-tour celles de toutes les puissances, et destina, pour ainsi dire, Louis-le-Grand aux grandes choses qu’il fit depuis.

Tandis que, par ses ordres (du roi), des hommes choisis passent, d’une partie du monde à l’autre, pour recueillir soigneusement ce qui aura échappé par ses recherches, il veut que tous les arts concourent à l’envi à faire de sa bibliothèque un palais dont toutes les parties annoncent le goût du prince et la majesté de son empire.

Ange saint, qui présidiez à l’oraison de cette sainte princesse, et qui portiez cet encens au-dessus des nues, pour le faire brûler sur l’autel que saint Jean a vu dans le ciel ; racontez-nous les ardeurs de ce cœur blessé de l’amour divin : faites-nous paraître ces torrents de larmes que la reine versait devant Dieu pour ses péchés, tout légers qu’ils pouvaient être !

Ponctuation dans les idées sublimes.

À quelle perfection l’âme chrétienne ne peut-elle pas aspirer dans l’auguste et saint ministère de la justice, puisque, selon l’Écriture, l’on y exerce le jugement, non des hommes, mais du Seigneur même ? Ouvrez les yeux, chrétiens ; contemplez ces augustes tribunaux où la justice rend ses oracles ; vous y verrez avec David les dieux de la terre, qui meurent à la vérité comme des hommes, mais qui cependant doivent juger comme des dieux, sans crainte, sans passion, sans intérêt ; le Dieu des dieux à leur tête, comme le chante ce grand roi d’un ton si sublime dans ce divin psaume : Dieu assiste, dit-il, a l’assembler des dieux, et au milieu il juge les dieux. O juges, quelle majesté de vos séances ! quel président de vos assemblées ! mais aussi quel censeur de vos jugements !

— Il en est de ce cœur noble et généreux comme d’un aiglon qui, dès le moment que le nid d’où il a été élevé est détruit, tend les ailes, prend son essor, se dérobe a nos yeux, et va contempler d’un œil fixe et d’une paupière intrépide le bel astre dont le hibou ne peut soutenir la lumière.

Et vous, doctes interprètes des lois, fidèles dépositaires de leurs secrets, et implacables vengeurs de leur sainteté méprisée, suivez ce grand exemple. Tout l’univers a les yeux sur vous : affranchis des intérêts et des passions, sans yeux comme sans mains, vous marchez sur la terre, semblables aux esprits célestes ; ou plutôt, images de Dieu, vous en imitez l’indépendance. Comme lui, vous n’avez besoin ni des hommes, ni de leurs présents ; comme lui, vous faites justice à la veuve et au pupille ; l’étranger n’implore pas en vain votre secours ; assurés que vous exercez la puissance du juge de l’univers, vous n’épargnez personne dans vos jugements. Puisset-il, avec ses lumières et son esprit de force, vous donner cette patience, cette attention et cette docilité toujours accessible à la raison, que Salomon lui demandait pour juger son peuple !

Ponctuation dans l’énumération des différentes parties ou qualités d’une chose.

— Cette sagesse était la source de tant de prospérités éclatantes. Elle entretenait cette union de soldats avec leur chef qui rend une armée invincible… Elle rendait des hommes grossiers capables de gloire. Car, Messieurs, qu’est-ce qu’une armée ? C’est un corps animé d’une infinité de passions différentes, qu’un homme habile fait mouvoir pour la défense de la patrie ; c’est une troupe d’hommes armés qui suivent aveuglément les ordres d’un chef dont ils ne savent pas les intentions ; c’est une multitude