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DE PONCTUATION. XLIX


d’âmes, pour la plupart viles et mercenaires, qui, sans songer à leur propre réputation, travaillent à celle des rois et des conquérants : c’est un assemblage confus de libertins qu’il faut assujettir à l’obéissance ; de timides qu’il faut mener au combat ; de téméraires qu’il faut retenir ; d’impatients qu’il faut accoutumer à la constance. Quelle prudence ne faut-il pas pour conduire et réunir au seul intérêt public tant de vues et de volontés différentes ? Comment se faire craindre, sans-se mettre en danger d’être haï, et bien souvent abandonné ? Comment se faire aimer sans perdre un peu de l’autorité, et se relâcher de la discipline militaire ?

Ponctuation dans le développement des preuves de l’énumération des parties d’une pensée.

— Quel usage plus doux et pins flatteur, grands du monde, pourriezvous faire de votre élévation et de votre opulence que de soulager les malheureux ? Vous attirer des hommages ? mais l’orgueil s’en lasse. Commander aux hommes et leur donner des lois p mais ce sont là les soins de l’autorité, ce n’en est pas le plaisir. Voir autour de vous multiplier à l’infini vos serviteurs et vos esclaves ? mais ce sont des témoins qui vous embarrassent et vous gênent, plutôt qu’une pompe qui vous décore. Habiter des palais somptueux ? mais vous vous édifiez, dit Job, des solitudes, où les soucis et les noirs chagrins viennent bientôt habiter avec vous. Y rassembler tous les plaisirs ? ils peuvent remplir ces vastes édifices, mais ils laisseront toujours votre cœur vide. Trouver tous les jours dans votre opulence de nouvelles ressources à vos caprices ? la variété des ressources tarit bientôt ; tout est bientôt épuisé ; il faut revenir sur ses pas, et recommencer sans cesse ce que l’ennui rend insipide, et ce que l’oisiveté a rendu nécessaire. Employez tant qu’il vous plaira vos biens et votre autorité à tous les usages que l’orgueil et les plaisirs peuvent inventer, vous serez rassasiés, mais vous ne serez pas satisfaits : ils vous montreront la joie, mais ils ne la laisseront pas dans votre cœur.

Dans cet exemple le point interrogatif se distingue par un sous-entendu qui prête à la question. C’est comme s’il y avait : Est-ce pour, serait-ce pour, etc. Il faut observer aussi que ce point interrogatif n’a pas ici la valeur du point qui termine un sens ; mais il n’a que la coupure indiquée par le point-virgule.


Ponctuation dans les sujets de louange.


— On la vit souvent s’abaisser, et se dérober à sa dignité, pour se jeter aux pieds des pauvres ; et, si des yeux mortels pouvaient percer ces voiles qui couvrent au dedans de nous les opérations de la grâce, et les sentiments de nos consciences, on l’aurait vue établir au dedans d’elle le règne de Dieu selon la règle de l’Évangile, planter la croix de Jésus-Christ sur un tas de sceptres et de couronnes, recevoir le sang du Sauveur pour purifier le sang de ses pères, effacer les titres de sa maison pour y graver ceux de son baptême.

— Tout ce qui lui représenta Jésus-Christ souffrant fut l’objet de sa compassion ; et sa charité n’eut d’autres bornes que celles que Dieu avait données à son pouvoir ou à ses désirs. Retraites sombres, où la honte renferme la pauvreté, combien de fois a-t-elle fait couler jusqu’à vous ses consolations et ses aumônes, et plus soigneuse de cacher ses charités que vous ne l’étiez de cacher votre misère ! Combien de communautés fit-elle subsister par ses pensions et par ses bienfaits ! Combien, etc. Qui pourrait raconter ici tout ce que nous avons connu de sa charité ? Mais qu’est-il besoin de lever le voile qu’elle a jeté sur ses actions ? Voyons-la dans ces lieux où se ramassent toutes les infirmités et tous les accidents de la vie humaine, etc. Compagnes fidèles de sa piété, vous la suiviez quand elle marchait dans cette pompe chrétienne ; plus grande dans ce dépouillement de sa grandeur, lorsqu’entre deux rangs de pauvres, de malades, ou de mourants, elle participait à l’humilité et à la patience de Jésus-Christ, que lorsqu’entre deux haies de troupes victorieuses, dans un char brillant et pompeux, elle prenait part à la gloire et aux triomphes de son époux !

— Réduisons ce discours à vous faire voir une vie courte, mais toute réglée par la sagesse, …. etc. : mais de quelle sagesse dois-je ici vous entretenir ? Ce n’est pas de celle du siècle qui conduit des intrigues, qui démêle des intérêts, ou qui traite des affaires…. L’histoire de notre princesse n’est pas liée à celle du siècle ; elle n’a nulle part à la guerre, ni à la paix des nations. Ses actions n’ont point de plus grand éclat que celui que la vertu donne…. Je parle de cette sagesse dont parle l’apôtre saint Jacques, ch. 3 : Qui vient d’en haut, qui est chaste, paisible, modeste, équitable, susceptible de tout bien, docile, pleine de miséricorde et des fruits de bonnes œuvres, qui ne juge point, et qui n’est point dissimulée. Est-ce la sagesse qu’il loue ? Est-ce la princesse ? l’une et l’autre, ce n’est presque qu’une même chose.

— Qu’est-ce qu’élever un prince né pour le trône ? C’est, en sujet fidèle r lui tracer les routes de la véritable gloire ; lui dire ce qu’on ne lui dira jamais : que la pourpre, le diadème empruntent leur plus beau lustre de


l’éclat des vertus ; que le mente seul attire l’applaudissement ; que la dignité n’arrache que l’adulation, plus flétrissante pour le prince qui l’aime que pour le courtisan qui la prodigue.


PHRASES A CIRCONLOCUTIONS.


Ponctuation dans les pensées suivies, formées de plusieurs alinéas, dont les phrases sont à circonlocutions.

— Après la mort de la régente, et celle d’un grand ministre, qui l’avait aidée à soutenir le poids des affaires, Louis se trouva seul, jeune, paisible, absolu, puissant, à la tête d’une nation belliqueuse, maître du cœur de ses sujets, et du plus florissant royaume du monde : avide de gloire, environné des vieux chefs dont les exploits passés semblaient lui reprocher le repos où il les laissait encore. Qu’il est difficile, quand on peut tout, de se défier qu’on peut tout entreprendre !

— Les succès justifient bientôt nos entreprises : la Flandre est d’abord revendiquée comme le patrimoine de Thérèse ; et, tandis que les manifestes éclaircissent notre droit, nos victoires le décident.

— La Hollande, ce boulevart que nous avions élevé nous-mêmes contre l’Espagne, tombe sous nos coups : ses villes, devant lesquelles l’intrépidité espagnole avait tant de fois échoué, n’ont plus de murs à l’épreuve de la bravoure française ; et Louis est sur le point de renverser en une campagne l’ouvrage lent et pénible de la valeur et de la politique d’un siècle entier. Déjà le feu de la guerre s’allume dans toute l’Europe : le nombre de nos victoires augmente celui de nos ennemis ; et plus nos ennemis augmentent, plus nos victoires se multiplient. L’Escaut, le Rhin, le Pô, n’opposent qu’une faible digue à la rapidité de nos conquêtes.

— Toute l’Europe saigne, et ses forces réunies ne servent qu’à montrer la supériorité des nôtres : les mauvais succès irritent nos ennemis sans les désarmer : leurs défaites, qui doivent finir la guerre, les éternisent : tant de sang déjà répandu nourrit les haines, loin de les éteindre ! Les traités de paix ne sont que comme l’appareil d’une nouvelle guerre. Munster, Nimègue, Riswick, où toute la sagesse de l’Europe assemblée promettait de si beaux jours, ne forment que des éclairs qui annoncent de nouveaux orages : les situations changent, et nos prospérités continuent. La monarchie n’avait pas encore vu de jours si brillants : elle s’était relevée autrefois de ses malheurs ; elle a pensé périr et écrouler sous le poids de sa propre gloire.

— La terre toute seule ne semblait pas même suffire à nos triomphes. La mer encore gémissait sous le nombre et sous la grandeur énorme de nos vaisseaux. Nos flottes, qui suffisaient à peine pour mettre nos côtes à couvert de l’insulte des pirates, portaient partout au loin la terreur et la victoire. Les ennemis, attaqués jusque dans leurs ports, avaient paru céder à l’étendart de la France l’empire des deux mers. La Sicile, la Manche, les îles du Nouveau Monde, avaient vu leurs ondes rougies par les défàites les plus sanglantes. Et l’Afrique même, encore fière d’avoir vu autrefois échouer sur ses côtes la valeur de saint Louis, et toute la puissance de Charles-Quint, ne trouvant plus d’asile sous ses remparts foudroyés, avait été obligée de venir s’humilier, et d’en chercher un au pied du trône de Louis.

— Nous nous élevions du milieu de tant de prospérités, et nous ne savions pas que l’orgueil des empires est toujours le premier signal de leur décadence.

— Les Pyrénées venaient de voir figurer, par un traité glorieux, une guerre encore plus glorieuse à la nation. L’Espagne se consolait de ses pertes, en donnant à Louis une princesse pieuse, qui venait partager avec lui son trône et ses victoires. La France, sortie des troubles inséparables d’une longue minorité, voyait croître avec le roi ses espérances et sa gloire. Nos troupes aguerries par nos propres dissensions ; de grands généraux formés, let, en combattant même contre la patrie, devenus des chefs consommés pour la défendre ; les finances rétablies par les Soins d’un ministre d’un nom immortel ; la licence changée en règle ; les anciennes maximes presque oubliées, rappelées à leur premier esprit ; les arts déchus dans la faiblesse du gouvernement, reprenant. avec lui leur éclat et leur vigueur ; les lettres que nos troubles et nos malheurs avaient comme bannies, rétablies en honneur pour publier nos victoires ; ces hommes uniques, dont les ouvrages seront de tous temps, et qui jusque-là n’avaient paru que successivement de siècle en siècle, ou de règne en règne, parmi nous devenus communs, se pressant, pour ainsi dire, de naître tout à la fois sous un règne déjà si glorieux ; l’état, comme le roi, dans une jeunesse vive et florissante.

Au milieu de tant de prospérités, le dauphin est donné à la France, l’objet des vœux publics, le gage du bonheur des peuples, l’espérance de la monarchie, le lien de la succession royale l’enfant de la gloire et de la magnificence.