Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/36

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tat d’une combinaison telle que je la suppose, cette combinaison aura ses lois aussi invariables que celles de la génération. La môle aura donc une organisation constante. Prenons le scalpel, ouvrons des môles, et voyons ; peut-être même découvrirons-nous des môles distinguées par quelques vestiges relatifs à la différence des sexes. Voilà ce que l’on peut appeler l’art de procéder de ce qu’on ne connaît point à ce qu’on connaît moins encore. C’est cette habitude de déraison que possèdent dans un degré surprenant ceux qui ont acquis ou qui tiennent de la nature le génie de la physique expérimentale ; c’est à ces sortes de rêves qu’on doit plusieurs découvertes. Voilà l’espèce de divination qu’il faut apprendre aux élèves, si toutefois cela s’apprend.

2. Mais si l’on vient à découvrir, avec le temps, que la môle ne s’engendre jamais dans la femme sans la coopération de l’homme, voici quelques conjectures nouvelles, beaucoup plus vraisemblables que les précédentes, qu’on pourra former sur ce corps extraordinaire. Ce tissu de vaisseaux sanguins, qu’on appelle le placenta, est, comme on sait, une calotte sphérique, une espèce de champignon qui adhère, par sa partie convexe, à la matrice, pendant tout le temps de la grossesse ; auquel le cordon ombilical sert comme de tige ; qui se détache de la matrice dans les douleurs de l’enfantement, et dont la surface est égale quand une femme est saine et que son accouchement est heureux. Les êtres n’étant jamais, ni dans leur génération, ni dans leur conformation, ni dans leur usage, que ce que les résistances, les lois du mouvement et l’ordre universel les déterminent à être, s’il arrivait que cette calotte sphérique, qui ne paraît tenir à la matrice que par application et contact, s’en détachât peu à peu par ses bords, dès le commencement de la grossesse, en sorte que les progrès de la séparation suivissent exactement ceux de l’accroissement du volume, j’ai pensé que ces bords, libres de toute attache, iraient toujours en s’approchant et en affectant la forme sphérique ; que le cordon ombilical, tiré par deux forces contraires, l’une des bords séparés et convexes de la calotte qui tendrait à le raccourcir, et l’autre du poids du fœtus, qui tendrait à l’allonger, serait beaucoup plus court que dans les cas ordinaires ; qu’il viendrait un moment où ces bords coïncideraient, s’uniraient entièrement, et formeraient