Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

santé… sa fortune… ses mœurs… Que sais-je ? sa vie… son honneur… le mien… (Il se lève brusquement, et dit :) Quelles idées me poursuivent !



Scène VII


LE PÈRE DE FAMILLE, UN INCONNU.
(Tandis que le Père de famille erre, accablé de tristesse, entre un inconnu, vêtu comme un homme du peuple, en redingote et en veste, les bras cachés sous sa redingote, et le chapeau rabattu et enfoncé sur les yeux. Il s’avance à pas lents. Il paraît plongé dans la peine et la rêverie. Il traverse sans apercevoir personne.)


Le père de famille, qui le voit venir à lui, l’attend, l’arrête par le bras, et lui dit :

Qui êtes-vous ? où allez-vous ?

L’inconnu. (Point de réponse.)
Le père de famille.

Qui êtes-vous ? où allez-vous ?

L’inconnu. (Point de réponse encore.)
Le père de famille, relève lentement le chapeau de l’inconnu, reconnaît son fils, et s’écrie :

Ciel !… c’est lui !… C’est lui !… Mes funestes pressentiments, les voilà donc accomplis !… Ah !… (Il pousse des accents douloureux ; il s’éloigne, il revient, il dit :) Je veux lui parler… Je tremble de l’entendre… Que vais-je savoir !… J’ai trop vécu, j’ai trop vécu.

Saint-Albin, en s’éloignant de son père, et soupirant de douleur.

Ah !

Le père de famille, le suivant.

Qui es-tu ? d’où viens-tu ?… Aurais-je eu le malheur ?

Saint-Albin

Je suis désespéré.

Le père de famille.

Grand Dieu ! que faut-il que j’apprenne !