Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/152

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vous considérez, et ce qui est, en effet, sous beaucoup de rapports, une bonne fortune littéraire.

Mais permettez-moi de vous exposer en peu de mots ce qui m’empêche de donner suite à cette offre bienveillante.

D’abord, je ne partage pas complètement votre enthousiasme pour l’œuvre de Diderot.

N’auriez-vous pas été séduit par le paradoxe plus que par la réalité des situations et des caractères ?

Certes, il y a une notable dépense de fantaisie, d’entrain, d’humour, dans cette pièce si mal intitulée : Est-il bon ? etc.

Mais est-ce là une pièce de théâtre ? Je n’entends pas seulement parler du théâtre de la Gaîté, mais du théâtre en général.

Peu ou point d’intérêt, des caractères plutôt exprimés que finis, des situations où l’intrigue — et quelle intrigue ! — supplée à la passion et à la combinaison. Voilà pour le fond.

Quant à la forme, je me montrerai plus disposé à la louer. Non pas que le dialogue étincelle de traits philosophiques, satiriques ou comiques ; mais, à défaut de ces qualités précieuses, le style a une allure vive, animée, pressée d’aller au but, ce qui ne manque pas de charme pour nous autres Français, toujours si affairés quand nous écoutons, et si disposés à tenir en grande estime la brièveté de ceux qui nous parlent.

Voilà mon opinion sur l’œuvre dans son application à la scène française en général ; en ce qui concerne la Gaîté en particulier, permettez-moi de vous déclarer que nous ferions une bien triste, bien déplorable épreuve, si nous soumettions à ce public l’œuvre de Diderot.

Oh ! monsieur, venez-vous si peu dans notre théâtre, que vous ayez pu vous faire un seul instant d’illusion sur ce point ?

Je n’entreprendrai pas de vous décrire l’esthétique du genre. Qu’il me suffise de vous affirmer que je fais fausse route toutes les fois que je ne me borne pas, purement et simplement, à être le continuateur (je dis continuateur et non imitateur) des Pixérécourt, Caignez, etc.

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Votre dévoué,
Hostein.


Nous devons, après avoir reproduit ces documents, déclarer que nous pensons que le paradoxe de Baudelaire consistait surtout dans le choix du théâtre et que, sur une scène appropriée où ne régneraient de préjugés d’aucun genre et devant un public choisi, la comédie de Diderot ne chômerait pas d’applaudissements. C’est une expérience qui pourrait être tentée, dans une de ses Matinées dramatiques, par M. Ballande, à l’initiative duquel nous devons déjà tant d’heureuses résurrections. La seule difficulté sera de trouver un acteur pour le rôle de M. Hardouin.

Mais retenons au moins un mot de tout ce qui précède. C’est celui de M. Taschereau : « une comédie comme on n’en fait plus depuis