Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/182

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Monsieur Hardouin.

On en a disposé sans mon aveu. Elle vivait avec une amie ; celle-ci, accoutumée au rôle de maîtresse dans la maison, a tout pris, tout donné, tout vendu, lits, glaces, linge, vaisselle, meubles, batterie de cuisine, argenterie, et il ne me reste de mobilier non plus que vous en voyez sur ma main.

Monsieur des Renardeaux.

Cela était-il considérable ?

Monsieur Hardouin.

Assez. Je ne sais quel parti prendre. Perdre une bonne partie de son bien, surtout quand on n’est pas mieux dans ses affaires que moi, cela me paraît dur ; attaquer l’ancienne amie d’une sœur, cela me semble indécent. Que me conseillez-vous ?

Monsieur des Renardeaux.

Ce que je vous conseille ? De rester en repos.

Monsieur Hardouin.

C’est bientôt dit.

Monsieur des Renardeaux.

Demeurez en repos, vous dis-je. Savez-vous ce que c’est que votre affaire ? La même que celle que j’ai avec votre vieille amie madame Servin, qui dure depuis dix ans, qui en durera dix autres ; pour laquelle j’ai fait cinquante voyages à Paris, qui m’y rappellera cinquante fois encore ; qui me coûte en faux frais à peu près deux cents louis, qui m’en coûtera plus de deux cents autres ; et qui, grâce aux puissantes protections de la dame, ou ne sera jamais jugée, ou dont après la sentence, si j’en obtiens une, je ne tirerai pas le quart de mes déboursés.

Monsieur Hardouin.

Ainsi vous ne voulez pas absolument que je plaide.

Monsieur des Renardeaux.

Non, de par tous les diables qui emportent et votre amie madame Servin et l’amie de votre sœur !

Monsieur Hardouin.

Si c’était à recommencer, vous ne plaideriez donc pas ?

Monsieur des Renardeaux.

Non… À quoi pensez-vous ?