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Scène V.


MONSIEUR POULTIER, MADAME BERTRAND, BINBIN son enfant ; MONSIEUR HARDOUIN caché entre les battants de la porte, moitié en dehors, moitié en dedans, et se prêtant à tous les mouvements de cette plaisante scène.
Madame Bertrand, s’inclinant et fléchissant le genou de son fils devant M. Poultier.

Monsieur, permettez… Mon fils, embrassez les genoux de monsieur.

Monsieur Poultier.

Madame, vous vous moquez de moi… Cela ne se fait point… Je ne le souffrirai pas.

Madame Bertrand.

Sans vous, que serais-je devenue, et ce pauvre petit !

Monsieur Poultier, s’assied dans un fauteuil, prend l’enfant sur ses genoux, le regarde fixement et dit :

C’est son père, c’est à ne pouvoir s’y méprendre ; qui a vu l’un voit l’autre.

Madame Bertrand.

J’espère, monsieur, qu’il en aura la probité et le courage ; mais il ne lui ressemble point du tout.

Monsieur Poultier.

Nous pourrions avoir raison tous deux… Ce sont ses yeux, même couleur, même forme, même vivacité.

Madame Bertrand.

Mais non, monsieur ; M. Bertrand avait les yeux bleus, et mon fils les a noirs ; M. Bertrand les avait petits et renfoncés, mon fils les a grands et presque à fleur de tête.

Monsieur Poultier.

Et les cheveux ? et le front ? et le teint ? et le nez ?

Madame Bertrand.

Mon mari avait les cheveux châtains, le front étroit et carré, la bouche énormément grande, les lèvres épaisses et le teint