Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/233

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enfumé. Mon fils n’a rien de cela, regardez-le donc : ses cheveux sont brun-clair, son front haut et large, sa bouche petite, ses lèvres fines ; pour le nez, M. Bertrand l’avait épaté, et celui de mon fils est presque aquilin.

Monsieur Poultier.

C’est son regard vif et doux.

Madame Bertrand.

Son père l’avait sévère et dur.

Monsieur Poultier.

Combien cela fera de folies !

Madame Bertrand.

Grâce à vos bontés, j’espère qu’il sera bien élevé, et grâce à son heureux naturel, j’espère qu’il sera sage. N’est-il pas vrai, Binbin, que vous serez bien sage ?

Binbin.

Oui, maman.

Monsieur Poultier.

Combien cela vous donnera de chagrin ! que cela fera couler de larmes à sa mère !

Madame Bertrand.

Est-il vrai, mon fils ?

Binbin.

Non, maman. Monsieur, j’aime maman de tout mon cœur, et je vous assure que je ne la ferai jamais pleurer.

Monsieur Poultier.

Quelle nuée de jaloux, de calomniateurs, d’ennemis, j’entrevois là !

Madame Bertrand.

Des jaloux, je lui en souhaite, pourvu qu’il en mérite ; des calomniateurs et des ennemis, s’il en a, je m’en consolerai, pourvu qu’il ne les mérite pas.

Monsieur Poultier.

Comme cela aura la fureur de dire tout ce qu’il est de la prudence de taire !

Madame Bertrand.

Pour ce défaut-là, j’en conviens, c’était bien un peu celui de son père.