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LETTRE AU R. P. BERTHIER.

a rendus à la république des lettres. Nous y parlerons aussi de vous, mon Révérend Père ; oui, de vous en particulier ; vous méritez bien d’être traité avec distinction, et de n’être pas loué comme un autre. Vos secours nous seront nécessaires, d’ailleurs, sur certains articles importants ; par exemple, à l’article Continuation, nous espérons que vous voudrez bien nous donner des lumières sur les continuateurs ignorés des ouvrages célèbres, de l’Arioste, de Don Quichotte, du Roman comique ; et en particulier, d’un certain ouvrage que vous connaissez, qui se continue très-incognito, et sur la continuation duquel vous êtes le seul qui puissiez nous fournir des mémoires[1]. On tâchera surtout que vous ne soyez pas mécontent de l’article Journal ; nous y célébrerons avec justice vos illustres prédécesseurs, dont nous regrettons la perte encore plus que vous. Nous dirons que le P. Bougeant mettait dans vos mémoires de la logique ; le P. Brumoy, des connaissances ; le P. de La Tour, de l’usage du monde ; votre ami le P. Castel, du feu et de l’esprit ; nous ajouterons qu’on y distingue aujourd’hui les extraits du P. de Préville, votre collègue, à une métaphysique fine et déliée, à un style noble et simple, et surtout à une grande impartialité. En votre particulier, vous ne serez point oublié ; et nous tâcherons, car j’aime à me servir de vos expressions, de faire passer à la postérité l’idée de votre mérite. Enfin j’espère, mon Révérend Père, que vous trouverez dans ce grand ouvrage plus de philosophie que de mémoire : je serais fâché que ce plan ne fût pas de votre goût ; mais, comme vous l’avez fort bien remarqué d’après Bacon (car vous ne dites rien de vous-même), l’Encyclopédie doit mettre en évidence les richesses d’une partie de la littérature et l’indigence des autres.

J’aurais bien d’autres observations à faire sur votre extrait ; mais le public, comme vous savez, n’aime pas les discussions sérieuses ; et je suis bien aise qu’il me lise ; car vous y avez beaucoup d’amis. D’ailleurs, vous m’avez averti que vous n’aimiez pas les précisions métaphysiques ; et cette réponse n’est faite que pour vous amuser. Si j’apprends, par ceux qui lisent vos mémoires, que mes lettres méritent quelque attention de votre part, je ne vous en laisserai pas manquer ; grâces à Dieu et à

  1. Le P. Berthier continuait l’Histoire de l’Église gallicane du P. Longueval. Il l’a conduite du treizième au dix-huitième volume.