Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XX.djvu/39

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Je dois cependant vous faire quelques excuses, en laissant à part les bons ou mauvais penchants de mon caractère. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous avons tous été malades, le père, la mère et l’enfant. Depuis deux mois passés nous plongeons chaque matin dans un bain chaud cet enfant pour lequel ma tendresse est sans bornes. J’ose vous parler de ces affections, à vous qui m’avez révélé par votre bonté que ce qui m’intéresse profondément ne vous est pas tout à fait indifférent.

M. Maurice vient de m’apprendre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Je vous déclare sur l’honneur, princesse, qu’aucune lettre de vous ne m’est parvenue.

Si j’étais sûr que ce que je suis en train d’écrire ne dût pas tomber en d’autres mains que celles auxquelles je le destine, je pourrais vous dire qu’un avocat général a chassé les Jésuites de Bretagne. Ces hommes remuants et vindicatifs ont mis de leur côté le gouverneur de la province ; ce gouverneur est un grand homme violent, déterminé, despotique ; ce grand homme a jeté en prison l’avocat général. Le parlement de la province défend son magistrat, et voilà l’affaire portée devant le parlement de la capitale ; le parlement de la capitale appelle la vengeance sur le représentant de la cour, et la cour, avec une chaleur égale, défend son représentant. Tandis que se roule ce plaisant écheveau, le maître[1] prend pour son compte une maîtresse ; le premier ministre nomme un magistrat à la place de chancelier, immédiatement ce chancelier travaille à renverser le ministre, et il y réussit. Ledit chancelier prend en main la cause du représentant de la cour ; et comme il ne voit pas d’autre moyen de soustraire son protégé à la rigueur des lois que de renverser le parlement de la capitale, il soumet audit parlement un édit qu’il est sûr que celui-ci repoussera.

En effet, l’édit est rejeté, et le parlement de la capitale est dissous ; les charges des magistrats qui le composaient sont annulées ; et ce qui formait les attributions de ce parlement est maintenant divisé en un certain nombre de petites cours de judicature.

Cet événement a produit une grande émotion parmi tous les ordres de l’État. Les princes font des remontrances, les autres

  1. Le Roi.