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la Méchanique, ou qui se regle par la nature & les lois du mouvement. Voyez Mouvement.

Nous disons dans ce sens, puissances méchaniques, propriétés ou affections méchaniques, principes méchaniques.

Les affections méchaniques sont les propriétés de la matiere qui résultent de sa figure, de son volume & de son mouvement actuel. Voyez Matiere & Corps.

Les causes méchaniques sont celles qui ont de telles affections pour fondement. Voyez Cause.

Solutions méchaniques, ce sont celles qui n’emploient que les mêmes principes. Voyez Solution.

Philosophie méchanique, c’est la même qu’on appelloit autrefois corpusculaire, c’est-à-dire celle qui explique les phénomenes de la nature, & les actions des substances corporelles par les principes méchaniques, sçavoir le mouvement, la pesanteur, la figure, l’arrangement, la disposition, la grandeur ou la petitesse des parties qui composent les corps-naturels. Voyez Corpuscule & Corpusculaire, Attraction, Gravité, &c.

On donnoit autrefois le nom de corpusculaire à la philosophie d’Epicure, à cause des atomes dont ce philosophe prétendoit que tout étoit formé. Aujourd’hui les Newtoniens le donnent par une espece de dérision à la philosophie cartésienne, qui prétend expliquer tout par la matiere subtile, & par des fluides inconnus, à l’action desquels elle attribue tous les phénomenes de la nature.

Puissances méchaniques, appellées plus proprement forces mouvantes, sont les six machines simples auxquelles toutes les autres, quelque composées qu’elles soient, peuvent se réduire, ou de l’assemblage desquelles toutes les autres sont composées. Voyez Puissance & Machine.

Les puissances méchaniques sont le levier, le treuile, la poulie, le plan incliné, le coin, & la vis. Voyez les articles qui leur sont propres, Balance, Levier, &c. On peut cependant les réduire à une seule, savoir le levier, si on en excepte le plan incliné qui ne s’y réduit pas si sensiblement. M. Varignon a ajouté à ces six machines simples, la machine funiculaire, ou les poids suspendus par des cordes, & tirés par plusieurs puissances.

Le principe dont ces machines dépendent est le même pour toutes, & peut s’expliquer de la maniere suivante.

La quantité de mouvement d’un corps, est le produit de sa vîtesse, c’est-à-dire de l’espace qu’il parcourt dans un tems donné, par sa masse ; il s’ensuit de-là que deux corps inégaux auront des quantités de mouvement égales, si les lignes qu’ils parcourent en même tems sont réciproquement proportionnelles à leurs masses, c’est-à-dire si l’espace que parcourt le plus grand, dans une seconde par exemple, est à l’espace que parcourt le plus petit dans la même seconde, comme le plus petit corps est au plus grand. Ainsi, supposons deux corps attachés aux extrémités d’une balance ou d’un levier, si ces corps ou leurs masses, sont en raison réciproque de leurs distances de l’appui, ils seront aussi en raison réciproque des lignes ou arcs de cercle qu’ils parcoureroient en même tems, si l’on faisoit tourner le levier sur son appui ; & par conséquent ils auroient alors des quantités de mouvement égales, ou, comme s’expriment la plûpart des auteurs, des momens égaux.

Par exemple, si le corps A (Pl. mech. fig. 4.) est triple du corps B, & que dans cette supposition on attache les deux corps aux deux extrémités d’un levier AB, dont l’appui soit placé en C, de façon que la distance BC soit triple de la distance AC, il s’ensuivra de-là qu’on ne pourra faire tourner le le-

vier sans que l’espace BE, parcouru par le corps situé en B se trouve triple de l’espace AD parcouru en même tems par le corps élevé en A, c’est-à-dire, sans que la vîtesse de B ne devienne triple de celle de A, ou enfin sans que les vîtesses des deux corps dans ce mouvement soient réciproques à leurs masses. Ainsi les quantités de mouvement des deux corps seront égales ; & comme ils tendent à produire des mouvemens contraires dans le levier, le mouvement du levier deviendra par cette raison absolument impossible dans le cas dont nous parlons ; c’est-à-dire qu’il y aura équilibre entre les deux corps. Voyez Equilibre, Levier & Mouvement.

De-là ce fameux probleme d’Archimede, datis viribus, datum pondus movere. En effet, puisque la distance CB peut être accrue à l’infini, la puissance ou le moment de A, peut donc aussi être supposé aussi grand qu’on voudra par rapport à celui de B, sans empêcher la possibilité de l’équilibre. Or quand une fois on aura trouvé le point où doit être placé le corps B pour faire équilibre au corps A, on n’aura qu’à reculer un peu le corps B, & alors ce corps B, quelque petit qu’il soit, obligera le corps A de se mouvoir. Voyez Moment. Ainsi toutes les méchaniques peuvent le réduire au problême suivant.

Un corps A avec sa vîtesse C, & un autre corps B étant donnés, trouver la vîtesse qu’il faut donner à B, pour que les deux corps aient des momens égaux. Pour résoudre ce probleme, on remarquera que puisque le moment d’un corps est égal au produit de sa vîtesse, par la quantité de matiere qu’il contient, il n’y a donc qu’à faire cette proportion, B : A ∷ C : à un quatrieme terme, & ce sera la vîtesse cherchée qu’il faudra donner au corps B, pour que son moment soit égal à celui de A. Aussi dans quelques machines que ce soit, si l’on fait en sorte que la puissance ou la force, ne puisse agir sur la résistance ou le poids, ou les vaincre actuellement sans que dans cette action les vîtesses de la puissance & du poids soient réciproques à leur masse, alors le mouvement deviendra absolument impossible. La force de la puissance ne pourra vaincre la résistance du poids, & ne devra pas non plus lui céder ; & par conséquent la puissance & le poids resteront en équilibre sur cette machine, & si on augmente tant-soit-peu la puissance, elle enlevera alors le poids ; mais si on augmentoit au contraire le poids, il entraîneroit la puissance.

Supposons, par exemple, que AB soit un levier, dont l’appui soit placé en C, & qu’en tournant autour de cet appui, il soit parvenu à la situation a, C, b (fig. 1 Méchan.) la vîtesse de chaque point du levier aura été évidemment dans ce mouvement proportionnelle à la distance de ce point à l’appui ou centre de la circulation. Car les vîtesses de chaque point sont comme les arcs que ces points ont décrits en même tems, lesquels sont d’un même nombre de degrés. Ces vîtesses sont donc aussi entr’elles comme les rayons des arcs de cercles par chaque point du levier, c’est-à-dire, comme les distances de chaque point à l’appui.

Si l’on suppose maintenant deux puissances appliquées aux deux extrémités du levier & qui fassent tout-à-la-fois effort pour faire tourner ses bras dans un sens contraire l’un a l’autre, & que ces puissances soient réciproquement proportionnelles à leur distance de l’appui, il est évident que le moment ou effort de l’une pour faire tourner le levier en un sens, sera précisément égal au moment de l’autre pour le faire tourner en sens contraire. Il n’y aura donc pas plus de raisons, pour que le levier tourne dans un sens que dans le sens opposé. Il restera donc nécessairement en repos, &