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sous Grégoire III. lequel en 740 proposa à Charles Martel de se soustraire à la domination de l’empereur, & de le proclamer consul.

Pepin, fils de Charles Martel, donna au pape l’exarcat de Ravenne, il ne lui donna pas la ville de Rome : le peuple alors ne l’eût pas souffert ; c’est apparemment cette donation de Pepin qui a donné lieu à la fable de la donation prétendue faite au pape Sylvestre par l’empereur Constantin le Grand. Celle de Pepin fut faite du tems de Constantin Copronyme, mais sans son consentement ; il paroît pourtant que c’est cette équivoque de nom qui a servi de fondement à la prétendue donation de Constantin, que l’on imagina dans le xe. siecle.

Sous Charlemagne le pape n’avoit encore qu’une autorité précaire & chancelante dans Rome : le préfet, le peuple & le sénat, dont l’ombre subsistoit encore, s’élevoient souvent contre lui.

Adrien I. reconnut Charlemagne roi d’Italie & patrice de Rome. Charlemagne reconnut les donations faites au saint siege, en se réservant la suzeraineté, ce qui se prouve par les monnoies qu’il fit frapper à Rome en qualité de souverain, & parce que les actes étoient datés de l’année du regne de l’empereur, imperante domino nostro Carolo ; & l’on voit par une lettre du pape Léon III. à Charlemagne, que le pape rendoit hommage de toutes ses possessions au roi de France.

Ce ne fut que long-tems après que les papes devinrent souverains dans Rome, soit par la cession que Charles le Chauve leur fit de ses droits, soit par la décadence de l’empire, depuis qu’il fut renfermé dans l’Allemagne ; ce fut sur-tout vers le commencement du xij. siecle que les papes acheverent de se soustraire de la dépendance de l’empereur.

Boniface VIII. porta les choses encore plus loin ; il parut en public l’épée au côté & la couronne sur la tête, & s’écria : je suis empereur & pontife.

Plusieurs empereurs s’étant fait couronner par le pape, pour rendre cette action plus sainte & plus solemnelle, les papes ont pris de-là occasion de prétendre que le nouvel empereur étoit obligé de venir en Italie se faire couronner ; c’est pourquoi autrefois aprés l’élection, & en attendant le couronnement, on envoyoit à Rome pour en donner avis au pape, & en obtenir la confirmation. Le pape faisoit expédier des lettres qui dispensoient l’empereur de se rendre en Italie pour y être couronné à Milan & à Rome, ainsi que les papes prétendoient que les empereurs y étoient obligés.

Ces deux couronnemens furent abolis par les états de l’empire en 1338 & 1339 : il fut décidé que l’élection des électeurs suffisoit ; & que quand l’empereur avoit prêté serment à l’empire, il avoit toute puissance.

Cependant les papes veulent toujours que l’empereur vienne à Rome recevoir la couronne impériale, & dans leurs bulles & brefs, ils ne le qualifient que d’empereur élu.

Quelques papes ont même prétendu avoir le droit de disposer des couronnes.

Sylvestre II. érigea le duché de Hongrie en royaume en faveur du duc Etienne, c’est le premier exemple d’une semblable érection faite par le pape.

Léon IX. donna aux Normans toutes les terres qu’ils avoient conquises, & qu’ils prendroient sur les Grecs & sur les Sarrasins.

Urbain II. prétendit que toutes les îles lui appartenoient.

D’autres encore plus ambitieux, tels que Grégoire VII. & Boniface VIII. ont voulu entreprendre sur le temporel des souverains, délier leurs sujets du serment de fidélité, & disposer de leurs états ; mais en France on a toujours été en garde contre ces sortes

d’entreprises ; & toutes les fois qu’il a paru quelques actes tendant à attenter sur le temporel de nos rois, le ministere public en a interjetté appel comme d’abus, & les parlemens n’ont jamais manqué par leurs arrêts de prendre toutes les précautions convenables pour prévenir le trouble que des pareilles entreprises pourroient causer.

Voyez les libertés de l’église gallicane, les mémoires du clergé, les loix ecclésiastiques, l’histoire du droit public ecclésiastique, le tableau de l’empire germanique, le traité des mat. bénéf. de Fuet, le recueil de jurisprud. can. de la Combe, la bibliotheque canonique, les définitions canoniques.

Voyez aussi les mots Bénéfices, Chancellerie romaine, Cardinaux, Cour de Rome, Légat, Nonce. (A)

PAPECHIEN, voyez Vanneau.

PAPEGAI, PAPEGAUT, voyez Perroquet.

Papegai, s. m. usage, le papegai ou papegaut, comme l’on parle en quelques provinces, est proprement un but, ou, pour mieux dire, un oiseau de bois garni de plaque de fer, & que des habitans d’une ville ou bourgade se proposent d’abattre à coup de fusil : c’est ce qu’on nomme ordinairement l’exercice de l’arquebuse. Le vainqueur ou le roi, c’est-à-dire celui qui abat l’oiseau a, dans plusieurs contrées du royaume, des attributions assignées sur le produit des aides.

Sur quoi j’observe que cet exercice n’étant plus nécessaire, comme il pouvoit l’être autrefois, il conviendroit de le supprimer tout-à-fait ; d’autant plus qu’il est dangereux, à bien des égards, & qu’on en voit souvent arriver des malheurs ; outre que la chasse étant communement défendue aux bourgeois & aux peuples, il leur est inutile, ou même nuisible de contracter une habitude qui peut devenir vicieuse. Cela posé, les attributions faites aux rois de l’arquebuse pourroient devenir beaucoup plus utiles, si l’on en faisoit un encouragement pour les opérations champêtres, que notre ministere s’empresse d’aider & de perfectionner.

Dans cette vue, on pourroit fonder pour prix annuel de l’économie rustique en chaque arrondissement de la campagne, une médaille d’or de cinquante francs, au moins, à prendre sur le produit des aides, ou sur les autres fonds destinés à l’arquebuse ; & cela en faveur des laboureurs & menagers qui au jugement de leurs pareils seront reconnus les plus laborieux & les plus habiles ; & que l’on estimera tant par les productions & les récoltes, que par les entreprises & les inventions nouvelles. Chaque laureat portera sa médaille, comme une marque d’honneur, & cette distinction l’exemptera pendant l’année, lui & toute sa famille, de la milice, des collectes & des corvées. Ceux qui rendront leur médaille, recevront la valeur en argent. Ce genre de récompense paroîtroit mieux employé qu’à l’exercice de l’arquebuse.

PAPELINE, s. f. (Manufacture.) ainsi nommée, à ce que croit Furetiere, de ce qu’elle a d’abord été fabriquée à Avignon, & autres lieux du Comtat, qu’on appelle terre papale, parce qu’il appartient au pape.

La papeline est une étoffe très-légere, dont la chaîne est de soie, & la tréme de fleuret ou filosele. Il s’en fait de pleines, de figurées & de toutes couleurs. La plûpart de ce que l’on appelle en France des grisettes, ne sont que de véritables papelines. Elles se font à deux, à quatre fils, & même au-dessus ; mais toutes, quelque nom qu’on leur donne, & à tel nombre de fils qu’elles soient travaillées, doivent avoir de largeur ou une demi-aune entiere, ou une demi-aune demi-quart ; & pour les discerner des étoffes de fine & pure soie, elles doivent avoir d’un seul côté une lisiere de différente couleur à la chaîne. Savary (D. J.)