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vée, au coin de la boutique de Pasquin, & d’un commun consentement on lui donna le nom du mort.

Depuis ce tems-là on attribue à sa statue toutes les satyres & les brocards ; on les lui met dans la bouche, ou on les affiche sur lui, comme si tout cela venoit de Pasquin ressuscité. Pasquin s’adresse ordinairement à Marforio, autre statue dans Rome, ou Marforio à Pasquin, à qui on fait faire la réplique.

Les réponses sont ordinairement courtes picquantes & malignes : quand on attaque Marforio, Pasquin vient à son secours ; & quand on l’attaque, Marforio le défend à son tour, c’est-à-dire que les satyriques font parler ces statues comme il leur plaît. Voyez Pasquinade.

Cette licence qui dégénere quelquefois en libelles diffamatoires, n’épargne personne pas même les papes, & cependant elle est tolérée. On dit qu’Adrien VI. indigné de se voir souvent en butte aux satyres de Pasquin, résolut de faire enlever la statue pour la précipiter dans le Tibre ou la réduire en cendres, mais qu’un de ses courtisans lui remontra ingénieusement que si on noyoit Pasquin, il ne deviendroit pas muet pour cela, mais qu’il se feroit entendre plus hautement que les grenouilles du fond de leurs marais ; & que si on le brûloit, les Poëtes, nation naturellement mordante, s’assembleroient tous les ans au lieu de son supplice, pour y célébrer ses obseques, en déchirant la mémoire de celui qui l’auroit condamné. Le pape goûta cet avis, & la statue ne fut point détruite. Le même motif peut la conserver long-tems.

PASQUINADES, s. f. (Hist. mod.) c’est ainsi que l’on nomme à Rome les épigrammes, les bons mots, & les satyres que l’on fait, soit contre les personnes en place, soit contre les particuliers qui donnent prise par quelque vice ou par quelques ridicules. Le nom de pasquinade vient de ce qu’on attache communément des papiers satyriques à côté d’une vieille statue brisée que les Romains ont appellé Pasquin, dans la bouche de qui les auteurs mettent les sarcasmes qu’ils veulent lancer à ceux qui leur déplaisent. Les souverains pontifes eux-mêmes ont été très-souvent les objets des bons mots de Pasquin. Quelquefois on lui donne un interlocuteur, c’est une autre statue que le peuple appelle Marforio, & qui est placée vis-à-vis de celle de Pasquin.

PASQUIS, est la même chose que pascage. Voyez Pascage. (A)

PASSACAILLE, s. f. (en Musique) est une espece de chaconne, dont le chant est plus tendre & le mouvement plus lent que dans les chaconnes ordinaires. Voyez Chaconne. (S)

PASSADE, s. f. (en terme de Manége) est le chemin ou la piste que le cheval trace en passant & repassant plusieurs fois sur une même longueur de terrain. Comme cela ne peut se faire sans changer de main, les passades sont différentes selon la différente maniere de changer de main & de fermer la passade, c’est-à-dire de tourner pour repartir & revenir sur la piste.

Passade d’un tems en pirouette ou demi-pirouette, est un tour que le cheval fait d’un seul tems de ses épaules & de ses hanches. Passade au demi-volte de cinq tems, est un demi-tour que le cheval fait au bout de la volte en cinq tems de galop. Passades furieuses, ou à la françoise, sont des demi-voltes en trois tems, en marquant un demi-arrêt : on s’en sert dans un combat singulier. Passades relevées, sont celles dont les demi-voltes se font à courbettes.

PASSAGE, s. m. se dit en général de l’action d’un corps qui se meut d’un lieu dans un autre : je l’ai tiré au passage.

Il se dit encore en général d’un chemin pratiqué d’un lieu dans un autre.

Passage, s. m. en terme d’Astronomie, se dit proprement d’une planete qui passe sur le soleil.

Le passage de la lune devant une étoile s’appelle plus proprement occultation de cette étoile par la lune. Voyez Occultation.

Mercure & Vénus dans leur passage sur le soleil, paroissent comme des taches noires ou obscures.

Les passages de Mercure sur le soleil sont assez fréquens ; depuis l’invention des grandes lunettes, c’est-à-dire depuis 1610, on en a dejà observé onze. Voyez Mercure. La premiere de ces observations fut faite à Paris par Gassendi, le 7 Novembre 1631, & comme le dit ce philosophe, selon le vœu & l’avertissement de Kepler : car Kepler avoit prédit ce passage, & en avoit publié ou écrit l’année précédente, qui fut celle de sa mort. Il est vrai que le même auteur avoit rapporté dans son optique d’après une ancienne histoire de la vie de Charlemagne, qu’en 807 ou 808 la planete de Mercure fut vue dans le soleil comme une petite tache noire pendant huit jours ; mais le fait est manifestement faux ou équivoque, cette planete ne pouvant demeurer tout au plus que 5 à 6 heures sur le disque solaire ; & quoique, selon Kepler, il faille lire huit fois, octoties, au lieu de 8 jours, octo dies, on sait aujourd’hui qu’il n’est pas possible que dans un si court intervalle Mercure passe 8 fois ni même 2 fois sur le soleil. Ainsi il y a apparence que l’on avoit pris pour Mercure une grosse tache qui parut alors dans le soleil. Il devroit y avoir eu trois autres passages de Mercure par le soleil en 1615, 1618 & 1628, tous visibles de quelque endroit de la terre, & celui de 1618 a pu même se voir de divers lieux de l’Europe. Mais ou l’on n’étoit point en ces tems-là assez au fait de la théorie de Mercure, ou on ne se tenoit pas assez assuré de ces sortes de phénomenes pour se préparer à les observer, moins encore pour aller les chercher dans des pays éloignés. Shakerley, astronome anglois, fut le premier qui alla exprès à Surate en 1651, pour y observer un passage de Mercure sur le soleil, qui ne devoit arriver que de nuit en Europe. Ce fut la seconde des neuf observations ; elle fut suivie de six autres en 1661, 1677, 1690, 1697, 1723, 1736, 1743, 1753, & enfin la derniere a été en 1756. Nous en aurions cinq ou six de plus si on avoit imité le zele de Shakerley.

Tous ces passages de Mercure par le disque du soleil, tombent dans le commencement de Mai ou de Novembre, leur retour se trouvant jusqu’ici renfermé dans ces limites. Ces retours ont aussi différentes périodes de six à sept ans, de dix, de treize, &c. mais qui reviennent les mêmes après un certain nombre d’années conformément à la théorie de M. Halley, le premier qui ait approfondi cette matiere.

Les passages de Vénus sur le soleil ne sont pas à beaucoup près si fréquens. Il paroît que le premier qu’on a observé a été le 3 Décembre 1639, & l’observation est rapportée dans l’astronomie philolaïque de Bouillaud. On en a eu un autre en 1761, & M. Halley a averti les Astronomes de s’y préparer à cause de l’usage qu’on pourra en faire pour déterminer la parallaxe du soleil.

Les observations des passages de Mercure & de Vénus sur le soleil, sont très-utiles pour déterminer différens points de la théorie de ces planetes. On trouve dans les Institutions astronomiques de M. le Monnier, un mémoire de M. Picard sur ce sujet. Hist. acad. des Sciene. 1743, & les Inst. de M. le Monnier. Voyez Mercure & Vénus.

Passage se dit aussi lorsqu’une planete ou une étoile passe par le méridien, ou par quelque autre