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re, suspendu pendant trente ans dans sa balance, quelques canons diététiques à ce sujet. Ce médecin, ami de l’humanité, a marqué soigneusement les alimens qui diminuoient ou augmentoient la transpiration ; il faut choisir ceux qui la favorisent, évitant avec attention ceux qui l’interrompent ; tels sont les laitages, tel est sur-tout la chair de cochon, dont l’usage, peu modéré, passe pour être une des causes les plus ordinaires des maladies de la peau, & sur-tout de la lepre : les lois politiques des Juifs, d’accord avec celles de la Médecine, avoient défendu cet aliment à ces peuples sujets à la lépre, & en avoient même fait un point de religion qui subsiste encore, pour les contenir plus surement.

5°. Enfin il est très-essentiel d’avertir les malades d’écarter avec soin la main meurtriere du chirurgien imprudent, d’éviter avec la derniere circonspection toute application extérieure, tout remede qui pourroit agir en quelque façon sur la peau ; il n’y a point de milieu, si le remede n’est pas inutile, il sera pernicieux, il ne sauroit faire du bien ; le plus grand mal qui puisse résulter & qu’on ait à craindre, c’est l’action de ces topiques que le charlatan, prometteur effronté, distribue sans connoissance, & que le peuple ignorant & crédule achete & emploie avec confiance ; les mauvais effets de ces remedes sont terribles & prompts. Ils dissipent assez bien l’affection de la peau ; ils font disparoître les pustules, les exanthèmes, & c’est de cette cessation trop prompte que vient tout le danger. Combien de morts soudaines ont suivi ces sortes d’inconsidérations ; tous les livres sont pleins des funestes accidens qu’attire cette sorte de crédulité ; il n’y a personne qui n’ait vu ou entendu raconter quelqu’événement semblable ; & cependant l’on est toujours la dupe de ces médecins subalternes fertiles en promesses, l’espérance de la guerison prévaut à la crainte du danger. On espere facilement ce qu’on desire avec ardeur, & il n’est point d’affaires où l’on cherche moins à fonder ses esperances que dans ce qui regarde la santé, aussi n’y en a-t-il point où l’on soit le plus souvent trompé. (m)

Peau, (Médec. Séméiotiq.) l’état de la peau variant dans bien de maladies & dans plusieurs circonstances de ces maladies, peut sans doute, & doit nous éclairer sur leur nature, leur marche & leur terminaison ; tout phénomene peut être un signe aux yeux attentifs d’un habile observateur. Voyez Séméiotique, Signe. La peau du visage est celle qui change le plus ordinairement dans les maladies, & c’est surtout sa couleur qui est altérée ; les signes qu’on tire de ces changemens, sont exposés aux articles Face, Visage, Couleur, Paleur, &c. Il ne nous reste qu’un mot à dire sur l’état de la peau en général considerée comme signe.

Tant que subsiste cette admirable harmonie entre toutes les parties du corps, leurs vies & leurs actions, qui constitue proprement la santé, l’organe extérieur ou la peau, contrebalance avec efficacité la résistance & les efforts des puissances internes, & il est à son tour soutenu & comme repoussé par leur action opposée ; cet organe plus actif que ne le croit le commun des médecins, dans une tension continuelle, les nerfs, les vaisseaux, les glandes, &c. dont il est composé sont vivans, animés, & exercent leur fonction avec uniformité ; des liquides de différente nature, poussés par l’action du cœur & des gros troncs continués, ou plutôt attirés, & pour ainsi dire sucés par l’action propre & combinée des plus petits rameaux, les parcourent, circulent dans leur cavité, s’épanchent par les ouvertures des vaisseaux exhalans, sont ensuite dissipés ou repris par les tuyaux absorbans, ils humectent & lubréfient tous ces solides, & servent enfin à mille différens usages ; un des principaux effets qui résulte de cet amas d’humeur & de vais-

seaux est l’insensible transpiration qui purifie le sang,

& le délivre du superflu d’acide qu’il contenoit ; le dis acide, & j’ai des observations particulieres qui justifient ce mot ; voyez Transpiration. L’exercice complet de toutes ces fonctions se manifeste par le bien-être général, & en particulier par les qualités de la peau, qui est alors sensible, modérement chaude, molle, souple, humectée, & d’une couleur particuliere propre, qu’on appelle couleur de chair. Lorsque quelque dérangement local ou intérieur trouble & empêche cet exercice ; la peau s’en ressent, & son état varie plus ou moins, 1°. dans quelque cas le sentiment devient plus aigu, plus fin, au point même d’être affecté désagréablement par les objets familiers du toucher : tout le corps est d’une sensibilité exquise ; c’est le cas des rhumatismes universels, voyez Rhumatisme : si l’affection est particuliere & sans rougeur, sans chaleur, sans tumeur, c’est un simple rhumatisme ; si les autres phénomenes s’y rencontrent, il y a inflammation, voyez ce mot ; dans d’autres maladies le contraire arrive, le sentiment diminue ou se perd, la peau est insensible ; cette privation de sentiment générale ou particuliere, parfaite ou incomplette, forme les différentes especes de paralysie & d’engourdissement, voyez ces mots & Sentiment. Ces maladies ne sont pas restreintes à la peau, elles peuvent affecter d’autres parties.

2°. La chaleur de la peau augmente dans presque toutes les fievres ; à ce seul signe, bien des médecins jugent de la présence de cette maladie ; ils en ont même fait un signe pathognomonique de la fievre, mais c’est à tort ; ce signe généralisé est trompeur, même dans leur façon inexacte de compter la fievre ; on croit que c’étoit un des principaux signes dont se servoit Hippocrate pour la reconnoître, faisant peu d’usage du pouls. Voyez Fievre. Cette chaleur de la peau est très-sensible dans les fievres ardentes, dans les fievres bilieuses, dans les fievres lentes hectiques, sur-tout dans la paume de la main ; au reste cette chaleur peut être âcre ou humide, selon que la peau est séche ou humectée. Voyez Chaleur. La peau devient froide, ou perd de sa chaleur naturelle dans les syncopes, dans quelques fievres malignes ; dans les fievres lipiries la peau est froide, & le malade se sent brûler ; au contraire dans le commencement de plusieurs accès de fievre, pendant le tems du froid, le malade tremble, frissonne, gele de froid, & cependant la peau est trouvée brûlante par les assistans. Voyez Froid, Fievre, &c. Quoique la peau fournisse ces signes, c’est moins comme peau, comme tégument, que comme partie extérieure.

3°. La peau perd de sa souplesse, de sa douceur, de son humidité dans un grand nombre de maladies, au commencement de presque toutes les fievres elle devient séche, inégale & raboteuse ; ces défauts s’observent dans des degrés très-hauts pendant le cours des fievres malignes ; la peau ressemble à du cuir tanné ; c’est un signe qu’il ne se fait presque point, ou très-peu de transpiration ; tant que la peau reste dans cet état, on ne peut s’attendre à aucun mieux durable, il ne se fait ni crise, ni coction ; mais dès qu’il commence à se dissiper, on peut en tirer un favorable augure, c’est une marque que l’harmonie commence à se rétablir, que la nature long-tems affaissée & presque vaincue reprend le dessus ; l’exercice des fonctions recommence, le jeu, la vie & l’action des vaisseaux se renouvelle, les humeurs reprennent leurs cours, la transpiration est rappellée, la peau s’humecte & redevient molle & souple comme auparavant ; alors la coction est faite ; la crise est prochaine ; & on peut assurer qu’elle sera salutaire, & que le malade ne tardera pas à entrer dans une heureuse convalescence ; c’est de tous les signes celui qui me fait le plus de plaisir dans les fievres malignes ; dès