Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nel qui le meut, qui est acte & substance, & qui ne se meut point.

27. Mais comment agit ce premier moteur ? En desirant & en concevant. Toute son action consiste en une influence par laquelle il concourt avec les intelligences inférieures pour mouvoir leurs spheres.

28. Toute la force effectrice du premier moteur n’est qu’une application des forces des moteurs subalternes à l’ouvrage qui leur est propre, & auquel il coopere, de maniere qu’il en est entierement indépendant quant au reste ; ainsi les intelligences meuvent le ciel, non par la génération des choses inférieures, mais pour le bien général auquel elles tendent à se conformer.

29. Ce premier moteur est Dieu, être vivant, éternel, très-parfait, substance immobile, différente des choses sensibles, sans parties matérielles, sans quantité, sans divisibilité.

30. Il jouit d’une félicité complete & inaltérable ; elle consiste à se concevoir lui-même & à se contempler.

31. Après cet être des êtres, la premiere substance, c’est le moteur premier du ciel, au-dessous duquel il y a d’autres intelligences immatérielles, éternelles, qui président au mouvement des spheres inférieures, selon leur nombre & leurs degrés.

32. C’est une ancienne tradition que ces substances motrices des spheres sont des dieux, & cette doctrine est vraiment céleste. Mais sont-elles sous la forme de l’homme, ou d’autres animaux ? c’est un préjugé qu’on a accrédité parmi les peuples pour la sûreté de la vie & la conservation des lois.

De l’athéisme d’Aristote. Voyez l’article Aristotélisme.

Principes de la morale ou de la philosophie pratique d’Aristote. 1. La félicité morale ne consiste point dans les plaisirs des sens, dans la richesse, dans la gloire civile, dans la puissance, dans la noblesse, dans la contemplation des choses intelligibles ou des idées.

2. Elle consiste dans la fonction de l’ame occupée dans la pratique d’une vertu ; ou s’il y a plusieurs vertus, dans le choix de la plus utile & la plus parfaite.

3. Voilà le vrai bonheur de la vie, le souverain bien de ce monde.

4. Il y en a d’autres qu’il faut regarder comme des instrumens qu’il faut diriger à ce but ; tels sont les amis, les grandes possessions, les dignités, &c.

5. C’est l’exercice de la vertu qui nous rend heureux autant que nous pouvons l’être.

6. Les vertus sont, ou théoritiques ou pratiques.

7. Elles s’acquierent par l’usage. Je parle des pratiques, & non des contemplatives.

8. Il est un milieu qui constitue la vertu morale en tout.

9. Ce milieu écarte également l’homme de deux points opposés & extrèmes, à l’un desquels il péche par excès, & à l’autre par défaut.

10. Il n’est pas impossible à saisir même dans les circonstances les plus agitées, dans les momens de passions les plus violens, dans les actions les plus difficiles.

11. La vertu est un acte délibéré, choisi & volontaire. Il suit de la spontanéité dont le principe est en nous.

12. Trois choses la perfectionnent, la nature, l’habitude & la raison.

13. Le courage est la premiere des vertus ; c’est le milieu entre la crainte & la témérité.

14. La tempérance est le milieu entre la privation & l’excès de la volupté.

15. La libéralité est le milieu entre l’avarice & la prodigalité.

16. La magnificence est le milieu entre l’économie sordide & le faste insolent.

17. La magnanimité qui se rend justice à elle-même, qui se connoît, tient le milieu entre l’humilité & l’orgueil.

18. La modestie qui est relative à la poursuite des honneurs est également éloignée du mepris & de l’ambition.

19. La douceur comparée à la colere, n’est ni féroce, ni engourdie.

20. La popularité ou l’art de capter la bienveillance des hommes, évite la rusticité & la bassesse.

21. L’intégrité, ou la candeur se place entre l’impudence & la dissimulation.

22. L’urbanité ne montre ni grossiereté ni bassesse.

23. La honte qui ressemble plus à une passion qu’à une habitude, a aussi son point entre deux excès opposés ; elle n’est ni pusillanime ni intrépide.

24. La justice relative au jugement des actions, est ou universelle ou particuliere.

25. La justice universelle est l’observation des lois établies pour la conservation de la société humaine.

26. La justice particuliere qui rend à chacun ce qui lui est dû, est ou distributive, ou commutative.

27. Distributive, lorsqu’elle accorde les honneurs & les récompenses, en proportion du mérite. Elle est fondée sur une progression géométrique.

28. Commutative, lorsque dans les échanges elle garde la juste valeur des choses, & elle est fondée sur une proportion arithmétique.

29. L’équité differe de la justice. L’équité corrige le défaut de la loi. L’homme équitable ne l’interprete point en sa faveur d’une maniere trop rigide.

30. Nous avons traité des vertus propres à la portion de l’ame qui ne raisonne pas. Passons à celle de l’intellect.

31. Il y a cinq especes de qualités intellectuelles, ou théorétiques ; la science, l’art, la prudence, l’intelligence, la sagesse.

32. Il y a trois choses à fuir dans les mœurs ; la disposition vicieuse, l’incontinence, la férocité. La bonté est l’opposé de la disposition vitieuse ; la continence est l’opposé de l’incontinence. L’héroïsme est l’opposé de la férocité. L’héroïsme est le caractere des hommes divins.

33. L’amitié est compagne de la vertu ; c’est une bienveillance parfaite entre des hommes qui se payent de retour. Elle se forme ou pour le plaisir ou pour l’utilité ; elle a pour base ou les agrémens de la vie, ou la pratique du bien ; & elle se divise en imparfaite & en parfaite.

34. C’est ce que l’on accorde dans l’amitié, qui doit être la mesure de ce que l’on exige.

35. La bienveillance n’est pas l’amitié, c’en est le commencement ; la concorde l’amene.

36. La douceur de la société est l’abus de l’amitié.

37. Il y a diverses sortes de voluptés.

38. Je ne voudrois pas donner le nom de volupté aux plaisirs deshonnetes. La volupté vraie est celle qui naît des actions vertueuses, & de l’accomplissement des desirs.

39. La félicité qui naît des actions vertueuses est ou active, ou contemplative.

40. La contemplative qui occupe l’ame, & qui mérite à l’homme le titre de sage, est la plus importante.

41. La félicité qui résulte de la possession & de la jouissance des biens extérieurs n’est pas à comparer avec celle qui découle de la vertu, & de ses exercices.

Des successeurs d’Aristote, Théophraste, Straton, Lycon, Ariston, Critolaüs, Diodore, Dicéarque, Eudeme, Héraclide, Phanias, Demetrius, Hyeronimus.

Théophraste naquit à Eresse, ville maritime de l’île de Lesbos. Son pere le consacra aux muses, & l’envoya sous Alcippe. Il vint à Athenes ; il vit Pla-