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éminences des écailles se terminent en une pointe qui est assez épineuse pour offenser la main ; son bois est souple, fort résineux, & il a le grain très-fin. Voilà les principales circonstances de la description que l’on trouve de cet arbre dans le traité des arbres de M. Duhamel.

18. Le pin à trochet ; ses feuilles sortent trois à trois d’une même gaîne, & elles sont plus longues que celles du précédent : ses cônes viennent rassemblés dans un gros bouquet, quelquefois au nombre de vingt. Cet arbre est encore très-rare en France.

19. Le pin de marais ; cet arbre vient en Amérique dans les places humides ; il se soutient difficilement dans les terreins secs, & il fait peu de progrès dans les lieux élevés. Ses feuilles viennent trois & souvent quatre ensemble, d’une gaîne commune ; elles ont quatorze pouces de longueur ; elles sont d’un verd foncé, plus grosses que celles d’aucune autre espece de pin, & les jeunes rameaux en sont très-garnis. Ses branches sont couvertes d’une écorce rude & crevassée, ce qui ôte beaucoup de l’agrément de cet arbre. C’est le plus délicat de toutes les especes de pin que l’on connoît ; il faut le garantir des gelées jusqu’à ce qu’il soit dans sa force ; ce qui étant difficile dans des lieux bas & humides où cet arbre se demande, on fera bien de le tenir en caisse jusqu’à ce qu’il soit en état de se soutenir contre le froid.

Pins à cinq feuilles.

20. Le pin blanc, ou le pin du lord Weymouth ; cet arbre se trouve dans le Canada, la nouvelle Angleterre, la Virginie, la Caroline, & autres pays de l’Amérique septentrionale, où on lui donne le nom de pin blanc. Il est fort fréquent dans toutes ces contrées & dans les terreins humides & de légere consistence, où il se plait ; il y prend souvent plus de cent piés d’élevation : il fait une tige droite ; sa tête prend d’elle-même la forme d’un cône ; son écorce est lisse, unie & d’un verd brun sur les jeunes rameaux, mais elle est blanchâtre sur le tronc & les grosses branches. Ses feuilles sortent au nombre de cinq ensemble d’une gaîne commune ; elles ont environ trois pouces de longueur, & elles sont d’un verd de mer des plus beaux : les jeunes rejettons en sont très-garnis ; le reste du branchage en est donné. Ses fleurs mâles ou chatons, qui sont d’abord très-blancs, prennent ensuite une teinte de violet : ses cônes tiennent aux branches par des queues d’un pouce de longueur ; ils ont environ quatre pouces de haut sur huit lignes de diametre : les écailles en sont minces, flexibles, & détachées à leur extrémité, ce qui donne à ces cônes quelque ressemblance avec ceux du sapin. Les pignons en sont assez gros, & bons à manger ; ils tombent des cônes si on ne les cueille de bonne heure en autonne : cet arbre fait bien du branchage qui est très-garni de feuilles d’une belle verdure ; c’est l’espece de pin la plus convenable pour les plantations d’agrément ; son bois est blanc ; il est chargé d’une résine fluide & transparente, qui coule assez abondamment des entailles qu’on fait au tronc : on en peut faire des planches, mais il est trop rempli de nœuds pour être employé à faire une bonne mature.

21. Le pinastre ou alviez, dans le Briançonnois ; quelques Botanistes ont aussi donné le nom de cembro à cet arbre ; on le trouve fréquemment sur les Alpes, où il se plait dans les endroits les plus froids qui sont couverts de neiges la plus grande partie de l’année : il fait une tige droite, & une tête ronde bien garnie de branches ; ses feuilles sortent d’une même gaine au nombre de cinq le plus souvent, quelquefois quatre, & plus rarement jusqu’à six ensemble ; elles sont fermes, épaisses, & des plus larges ; leur longueur est de quatre pouces & demi environ. Ses cônes sont courts & obtus ; leur longueur est de trois pouces sur près de deux de diametre ; les écailles se recouvrent

de la façon de celles des cônes du sapin. Les pignons qu’elles renferment sont presque triangulaires, faciles à rompre, mais moins gros que ceux du franc-pin ; l’amande en est douce & d’un goût agréable ; on les mange comme les noisettes, & on les fait entrer dans les ragoûts. Cet arbre prend une bonne hauteur ; il est de belle apparence, & la verdure de son feuillage est très-agréable.

Généralement tous les pins ne peuvent se multiplier que de graines : on pourra se régler pour la façon de les semer, sur ce qui a été indiqué à l’article du pin sauvage, ou du franc-pin, relativement à la grosseur des pignons.

Le pin est de tous les arbres, l’un des plus intéressans, par les différens usages auxquels il est propre, & qui sont très-profitables à la société ; mais ce qui en releve encore plus les avantages, c’est que la plûpart des especes de pins peuvent venir & réussir presque par-tout, même dans les endroits où tous les autres arbres se refusent. On ne sauroit trop répéter que le plus grand nombre des pins n’exigent aucune culture, ou plûtôt qu’ils en sont ennemis ; qu’ils supportent le froid comme le chaud, qu’ils ne craignent ni la sécheresse ni l’humidité ; qu’ils résistent encore mieux qu’aucun arbre à l’impétuosité des vents & aux vapeurs salines de la mer, & qu’ils réussissent dans des lieux élevés, incultes & abandonnés, dans des terreins pauvres, stériles & superficiels ; enfin dans l’argille, le sable, la craie, la pierraille, & même parmi les rochers. Cet arbre croît fort vîte, sur-tout dans les terreins où il se plait : dès l’âge de dix ans on en peut faire des échalas pour les vignes, & quand il en a quinze ou dix-huit, on peut l’abattre pour le brûler ; & si l’on prend la précaution de l’écorcer & de le laisser sécher pendant deux ans, il n’aura presque plus de mauvaise odeur. Ces arbres sont dans leur force à 60 ou 80 ans : quel avantage donc ne pourroit-on pas tirer de cet arbre pour différens besoins de la société, si on le semoit dans quantité de places vaines & vagues, où pas un buisson ne peut naître, & qui restent absolument inutiles & abandonnées ? Cependant le pin est encore inconnu dans plusieurs provinces du royaume ; on peut citer pour exemple la Bourgogne, où on ne trouve que dans le seul canton de Montbard un petit bois de pin de Genève, qui a été planté depuis vingt ans.

Le bois des différentes especes de pins est plus ou moins chargé de résine ; mais en général il est d’un excellent usage pour les arts ; il est de très-longue durée & de très-bon service ; il est propre à la charpente & à la menuiserie : il entre dans la construction des vaisseaux ; on l’emploie en planche ; on en fait des corps de pompe, & des tuyaux pour la conduite des eaux : c’est aussi un bon bois à brûler ; son charbon est très-recherché pour l’exploitation des mines, & on assure que l’écorce des pins peut servir à tanner les cuirs. Mais on retire encore de cet arbre, pendant qu’il est sur pié, d’autres services qui ne sont pas moins avantageux. Outre quelques especes de pins dont les pignons peuvent se manger, toutes ces sortes d’arbres donnent plus ou moins de résine, que l’on peut tirer de différentes façons, & dont on fait du brai gras, du brai sec, du goudron, de la résine jaune, du galipot, de la térebenthine, du noir de fumée, &c. On commence à tirer cette résine lorsque les arbres ont 25 ou 30 ans, & on pourra continuer de le faire pendant 30 autres années, si on y apporte les ménagemens nécessaires, après quoi les arbres seront encore de bon service pour la charpente.

Les pins ont encore le mérite de l’agrément ; ils conservent pendant toute l’année leurs feuilles, qui dans la plûpart des especes sont d’une très-belle verdure. Ces arbres sont d’une belle stature, & d’un accroissement régulier ; ils ne sont sujets ni aux insectes,