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si on leur résiste, ils tournent le dos, & un instant après font volte face : cette perpétuelle alternative harcelle extrèmement l’ennemi ». Les pintades qui se sentent du lieu de leur origine, ont conservé le génie numide. Les coqs d’inde glorieux de leur corpulence, se flattent de venir aisément à bout des pintades ; ils s’avancent contre elles avec fierté & gravité, mais celles-ci les désolent par leurs marches & contremarches : elles ont plûtôt fait dix tours & donné vingt coups de bec, que les coqs d’inde n’ont pensé à se mettre en défense.

Les pintades nous viennent de Guinée : les Génois les ont apportées en Amérique dès l’an 1508, avec les premiers negres, qu’ils s’étoient engagés d’amener aux Castillans. Les Espagnols n’ont jamais pensé à les rendre domestiques ; ils les ont laissé errer à leur fantaisie dans les bois & dans les savannes, où elles sont devenues sauvages. On les appelle pintades marones ; c’est une épithete générale qu’on donne dans les Indes à tout ce qui est sauvage & errant. Lorsque les François commencerent à s’y établir, il y en avoit prodigieusement dans leurs cantons ; mais ils en ont tué une si grande quantité, qu’il n’en reste presque plus.

Entre les auteurs romains qui ont parlé de la pintade, les uns l’ont confondue avec la méléagride, & n’en ont fait qu’une seule espece. Tels sont Varron, Columelle & Pline. D’autres les ont distinguées, & en ont fait deux diverses especes ; tels sont Suétone, suivi par Scaliger, avec cette différence que Scaliger prétend mettre Varron de son côté, en quoi il est abandonné de ceux même qui suivent son sentiment sur la diversité de la pintade & de la méléagride, & en particulier de M. Fontanini, archevêque titulaire d’Ancire, lequel a donné une curieuse dissertation sur la pintade, dont on trouvera l’extrait dans les mem. de Trévoux, année 1729, au mois de Juin ; cependant le P. Margat a combattu le sentiment de M. Fontanini, dans le recueil des lettres édifiantes.

La pintade faisoit chez les Romains les délices des meilleures tables, comme il paroît par plusieurs passages d’Horace, de Pétrone, de Juvenal & de Varron ; ce dernier prétend qu’elle n’étoit recherchée que par les gourmands, propter fastidium hominum, c’est-à-dire pour piquer leur goût, & les remettre en appétit. Pline dit, veneunt magno pretio propter ingratum virus, expression assez difficile à entendre, mais qui vraissemblablement ne veut pas dire qu’on vendoit cher les pintades, parce qu’elles étoient détestables au goût. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Pintade, (Diete.) La chair de cet oiseau est très savoureuse & très-salutaire. Les experts en bonne-chere prétendent que son goût ne ressemble à celui d’aucune volaille, & que ses différentes parties ont différens goûts. Les gens qui ne sont pas si fins trouvent que la viande de cet oiseau a beaucoup de rapport avec celle de la poule d’inde. Voyez Poule d’inde, diete. On peut assurer en général que c’est un très-bon aliment. (b)

PINTE, s. f. (Mesure de continence.) espece de moyen vaisseau ou mesure dont on se sert pour mesurer le vin, l’eau-de-vie, l’huile, & autres semblables marchandises que l’on débite en détail.

La pinte de Paris revient à-peu-près à la sixieme partie du conge romain, ou, pour parler plus surement, elle est équivalente à 48 pouces cubiques ; elle est à celle de Saint-Denis comme 9 à 14, & pese une livre 15 onces, selon M. Couplet. Il met la pinte comble équivalente à 49 pouces . Nous entrerons tout-à-l’heure dans de plus grands détails ; nous dirons seulement en passant que la pinte ordinaire de Paris se divise en deux chopines, que quelques-uns appellent septiers ; la chopine est de deux demi-septers, & le demi-septier contient deux poissons, cha-

que poisson étant de six pouces cubiques. Les deux

pintes font une quarte ou quarteau, que l’on nomme en plusieurs endroits pot ; mais il faut entrer dans des détails plus intéressans, car il importe de constater la quantité juste de liquide qu’une pinte doit contenir, parce que c’est de-là qu’on doit partir pour fixer toutes les autres mesures.

La pinte jusqu’à-présent a été regardée de deux manieres, ou comme pinte rase, ou comme pinte comble : de-là vient que M. Mariotte, dans son traité des mouvemens des eaux, distingue deux sortes de pintes, dont l’une qu’il dit ne remplir la pinte de Paris qu’à fleur de ses bords, pese deux livres moins sept gros d’eau, & qui étant remplie à surpasser ses bords sans répandre, pese deux livres d’eau.

Pour constater la juste mesure de la pinte & celle de ses parties, comme la chopine, le demi-septier, &c. il faut en rapporter la capacité à celle d’une mesure fixe. M. d’Ons-en-Bray, dans les mém. de l’acad. ann. 1739, propose le pié cube rase pour cette mesure fixe, comme la plus convenable : or le pié cube contient 36 pintes de celles qui ne sont remplies que jusqu’au bord, ou qui pesent environ deux livres moins sept gros ; car si l’on vouloit se servir de la pinte qui pese environ deux livres, ou qui surpasse les bords, le pié cube n’en contient que 35. Voici les avantages particuliers qui se trouvent dans chacune de ces deux pintes.

La pinte comble pesant à-peu-près deux livres d’eau ou de 35 au pié cube, est très-commode pour la mesure du pouce d’eau, parce qu’on prend communément avec M. Mariotte pour un pouce d’eau, l’eau qui coulant continuellement par une ouverture circulaire d’un pouce de diametre, donne par minute 14 pintes de celles de 35 au pié cube, ou qui pesent à-peu-près deux livres. Cette façon de compter & de régler le pouce d’eau, seroit très-commode pour les distributions des eaux de la ville, car à ce compte un pouce d’eau donne trois muids par heure, & 72 muids en 24 heures.

Les avantages de la pinte de 36 au pié cube, ou de la pinte qui pese deux livres moins sept gros, sont en premier lieu que la capacité ou solidité de cette pinte est de 48 pouces cubes justes, ce qui est une partie aliquote du pié cube ; au lieu que la pinte de 35 au pié cube, ou qui pese à-peu-près deux livres, sa capacité ou solidité est de 49 pouces de pouce.

Mais en second lieu un avantage très-important de la pinte de 36 au pié, & qui peut seul faire décider en sa saveur, est que le muid contenant 8 piés cubes, on a dans le muid 288 de ces pintes : ce qui s’accorde avec l’usage ordinaire, qui est de compter 280 pintes claires au muid, & 8 pintes de lie ; au lieu que si on prenoit la pinte de 35 au pié cube, il n’y auroit au muid que 272 de claires, & 8 pintes pour la lie.

Il semble par toutes ces raisons qu’il convient de prendre pour mesure fixe le pié cube ras, qui contient 36 pintes rases, ou qui, suivant M. Mariotte, pese environ deux livres moins sept gros.

Les mesures de Paris, tant celles qui servent de matrices pour le septier, la pinte, la chopine, &c. que celles qui servent journellement à étalonner celles des marchands, ne se rapportent point juste l’une à l’autre, non plus qu’entr’elles, c’est-à-dire que le septier ne contient point exactement 8 pintes, la pinte deux chopines, &c. En voici la principale cause

Les diametres des orifices ne sont point uniformes, c’est-à-dire deux mesures de pinte, par exemple, dont la forme est différente, n’ont pas chez les marchands des ouvertures égales ; & si elles ne sont pas remplies à ras, quoiqu’à pareille hauteur, il se trouve moins de liqueur dans la mesure dont l’ouverture est la plus grande.