Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/773

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très-imparfait, d’un blanc bleuâtre fort brillant, lorsqu’il a été fraîchement coupé, mais qui devient d’un gris mat lorsqu’il est resté long-tems exposé à l’air ; il est très-mou, & si tendre, qu’on peut aisément le tailler ; c’est après l’or, le mercure & la platine, le corps le plus pesant de la nature ; il n’est ni sonore ni élastique ; il s’étend aisément sous le marteau, mais ses parties ont très-peu de ténacité ; il se fond avec beaucoup de promptitude à un feu médiocre, & sa surface se couvre d’une espece de crasse ou de chaux ; il se vitrifie avec beaucoup de facilité, & il a la propriété de changer pareillement en verre les autres métaux, à l’exception de l’or & de l’argent ; il change aussi en verre les terres & les pierres avec qui on le mêle ; l’air, l’eau, les huiles, les sels, en un mot, tous les dissolvans agissent sur lui.

Le plomb se trouve en différens états dans le sein de la terre. Les Minéralogistes ne sont point encore d’accord, pour savoir s’il se trouve du plomb vierge ou natif dans la nature, c’est-à-dire, si l’on rencontre ce métal tout pur & sans être minéralisé. On trouve à Massel, en Silésie, des grains & des masses de plomb, ductiles & malléables ; ces grains sont recouverts d’une substance blanche, semblable à de la céruse, mais on soupçonne que ce plomb a été porté par accident dans l’endroit où on le rencontre.

Quant aux mines de plomb, elles sont très-communes, & très-universellement répandues dans toutes les parties du monde. On les trouve ordinairement par filons suivis, qui sont plus riches à mesure qu’ils s’enfoncent plus profondément en terre ; cependant on en rencontre aussi par masses détachées. La mine de plomb la plus ordinaire, est ;

1°. La galene ; c’est une mine de plomb composée d’un assemblage de cubes qui ont la couleur brillante du métal qu’ils renferment lorsqu’il est fraîchement coupé. Ces cubes sont composés de lames ou de feuillets luisans, placés les uns sur les autres, & faciles à distinguer lorsque les cubes sont grands. En effet, ces cubes varient pour la grandeur, & quelquefois ils sont si petits, que l’œil ne peut point distinguer leur figure. Il y a même des mines de plomb composées de particules si fines, qu’elles ressemblent à du fer ou à de l’acier dans l’endroit de la fracture. Dans d’autres ces particules sont disposées, de maniere que la mine paroît striée, ou par aiguilles. Les cubes dont la galene est composée, sont quelquefois si abondans en plomb, qu’on peut les couper avec un couteau. Dans toutes ces mines, le plomb est minéralisé avec le souffre ; il y en a qui sont si riches, qu’elles donnent jusqu’à 50, 60, & même 75 livres de plomb par quintal, mais elles ne sont point toutes, à beaucoup près, si chargées de métal. Ces mines de plomb ou galenes, contiennent plus ou moins d’argent. On a observé que celles qui sont composées de gros cubes, sont moins riches en argent, que celles qui sont en petites particules déliées ; les premieres n’en donnent guere qu’une ou deux onces d’argent par quintal, tandis que les dernieres en donnent souvent le double, & même davantage. Parmi les mines de plomb d’Europe, on ne connoît que celle de Villach en Esclavonie qui ne contienne point d’argent.

2°. De la mine de plomb, qui n’affecte point de figure réguliere, sa couleur est souvent la même que celle du plomb pur, & quelquefois elle est si tendre, qu’on peut la couper avec un couteau. Cette mine est composée de plomb minéralisé avec du soufre & de l’arsenic ; elle est quelquefois très-riche, au point que, selon M. de Justi, on en a trouvé dans les mines du Hartz, qui donnoit 82, & jusqu’à 84 livres de plomb au quintal. Les Allemands appellent cette mine pleyschweif.

3°. La mine de plomb crystalisée ; elle est ou verte,

ou blanche ; elle forme des groupes de crystaux oblongs, & prismatiques comme des sels ; c’est l’arsenic qui met le plomb dans l’état où il est dans ces sortes de mines ; elles contiennent une grande quantité de ce métal, & quelquefois jusqu’à 70 & 80 livres par quintal. M. de Justi croit que cette mine est une espece de sucre de saturne naturel, c’est-à-dire un plomb qui a été dissout par un acide, & crystallisé à la maniere des sels. Il conjecture que quelques-unes de ces mines ont pu aussi se former comme le plomb corné, c’est-à-dire, par une dissolution de plomb précipitée par le sel marin. Quoi qu’il en soit de ce sentiment, la mine de plomb crystallisée verte, est d’un verd plus ou moins vif, ses crystaux sont tantôt des prismes très-bien formés, tantôt ils sont moins apparens, & ressemblent à la mousse fine qui s’attache au pié des arbres ; quelquefois elle est poreuse & remplie de creux comme une scorie. Cette mine est communément accompagnée d’une terre rougeâtre ou jaune, semblable à de l’ochre. A l’égard de la mine de plomb crystallisée blanche, elle est aussi formée par un assemblage de prismes blancs & luisans comme le gypse strié, ou comme l’asbeste. On trouve quelquefois ces crystaux blancs, mêlés avec les crystaux verds dont on vient de parler. Ces deux sortes de mines de plomb sont assez rares, & plus propres à orner les cabinets des curieux, qu’à être traitées pour en tirer le métal. Cependant on en trouve à Zschoppau & à Freyberg en Saxe, ainsi que dans quelques mines de Bohème & du Hartz. Quant à la mine de plomb verte, il y en a une grande quantité dans les mines du Brisgau, qui sont à peu de distance de Fribourg. Les Directeurs vendent cette mine aux potiers-de-terre, qui ne font que l’écraser pour en vernisser leurs poteries.

4°. La mine de plomb spathique ; c’est une mine de plomb composée de lames ou de feuillets opaques, comme le spath, à qui elle ressemble beaucoup. Cependant elle en differe, en ce qu’elle ne fait point effervescence avec l’eau forte, comme fait le spath, qui est une pierre calcaire. Cette mine est ou blanche ou grise, ou jaunâtre ; elle varie pour la figure & l’arrangement de ses feuillets ; elle est plus pesante que le spath ordinaire.

5°. La terre de plomb, que l’on pourroit appeller céruse fossile. Elle ressemble à de la craie ou à de la marne ; il y en a de blanche, de jaune, & de rouge ; ces couleurs sont dûes vraissemblablement à de l’ochre avec qui cette terre est mêlée ; on peut la reconnoître à son poids. Ces sortes de terres sont prodigieusement rares ; on en a cependant trouvé à Johann-Georgen-Stadt en Misnie, ainsi qu’en Pologne & dans la basse Autriche. M. de Justi conjecture qu’elles ont été précipitées des eaux qui tenoient le plomb en dissolution par un sel alkali, vû que ces terres font effervescence avec les acides, mais cela pourroit venir des autres terres avec qui elles sont mêlées. Il paroit certain qu’elles ont été charriées & transportées par des eaux.

Outre cela la mine de plomb cubique ou la galene se trouve mêlée avec presque toutes les mines des autres métaux, dans lesquelles on voit souvent très sensiblement que la premiere est répandue. Quant aux pierres qui lu servent de matrice ou de miniere, c’est tantôt du quartz, tantôt du spath. Lazare Ercker parle d’un grais qui contenoit du plomb, ce qui paroit fort extraordinaire ; peut-être étoit-ce une pierre de la nature du spath composée de petits grains.

A l’égard du traitement des mines de plomb, on commence par les piler & les laver ; celles qui sont pures peuvent être portées au fourneau de fusion sans avoir été grillées ; d’autres, sur-tout celles qui sont arsénicales & chargées de beaucoup de soufre,