Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/774

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou mêlées de substances étrangeres, exigent d’être grillées, & même quelquefois à plusieurs reprises, avant que d’être mises en fusion. Lorsque les mines de plomb ont été ainsi préparées, on les porte au fourneau de fusion. Ce fourneau est plus étroit que ceux qui servent à la fonte des mines de cuivre ; on le dispose à l’ordinaire en le garnissant d’une brasque, c’est-à-dire d’un enduit de terre & de charbon pilés. Il en essentiel que ce fourneau soit construit de pierres solides & qui résistent au feu, parce que le plomb vitrifie aisément toutes les pierres. On échauffe pendant quelques heures le fourneau avec des charbons, pour achever de secher l’enduit dont il a été revêtu intérieurement. On arrange la tuyere de maniere qu’elle dirige le vent des soufflets horisontalement. Les choses ainsi disposées, on commence par charger le fourneau avec du charbon, ensuite on met alternativement des couches de minerai & de charbon ; on y joint des scories fraîches des dernieres opérations, de la litharge, de la chaux de plomb, & des crasses qui ont été produites dans les fusions précédentes. Quand le fourneau est rempli, on l’allume & l’on fond durant neuf heures la premiere fois, & ensuite pendant six heures pour les fontes subséquentes ; au bout de ce tems on laisse couler la matiere fondue par l’œil du fourneau, c’est-à-dire par une ouverture qui est au bas de la partie antérieure du fourneau, & que l’on a tenue bouchée avec de la glaise pendant la fonte ; cette matiere fondue est reçue dans le bassin concave qui est au pié du fourneau, & cette matiere est ce qu’on appelle la matte de plomb ; c’est un mélange de plomb, de soufre, d’arsenic, d’argent, &c. en un mot de toutes les substances qui étoient contenues dans la mine qui a été fondue, & que le grillage n’a point pû entierement débarrasser. On prend une portion de cette matte pour en faire l’essai en petit, afin de s’assurer de ce qu’elle contient. A Freyberg on fait trente-six fontes en une semaine. Les différentes mattes qui résultent de ces fontes se grillent de nouveau, pour achever d’en dégager le soufre & l’arsenic ; on est obligé pour cela de les faire passer par trois ou quatre feux de grillage différens, après quoi on les remet de nouveau en fusion dans un fourneau semblable au premier

On donne alors de l’inclinaison à la tuyere qui dirige le vent du soufflet. On joint à ces mattes grillées de la nouvelle mine de plomb grillée, des scories chargées de plomb, de la litharge & des crasses, &c. & l’on procede à une nouvelle fonte en faisant des couches alternatives de différentes matieres avec du charbon ; on laisse fondre le tout pendant quinze heures la premiere fois, & pendant huit heures seulement pour les fontes suivantes. Au bout de ce tems on laisse couler le plomb fondu dans le bassin qui est au-bas du fourneau. On referme l’œil ou le trou aussitôt qu’on s’apperçoit qu’il se forme de la matte ou du laitier au-dessus du plomb qui a coulé ; on enleve cette substance avec un crochet de fer ; pour-lors on verse le plomb fondu qui est chargé d’argent, & que l’on nomme plomb d’œuvre, dans des bassines de fer enduites d’un mélange de glaise & de charbon ; alors l’essayeur prend des échantillons de ce plomb d’œuvre pour en faire l’essai & pour savoir combien il contient d’argent. Pour enrichir encore davantage ce plomb d’œuvre, on le remet de nouveau en fonte au fourneau à manche ; on y joint des mattes de plomb grillées, des scories encore chargées de métal, & des scories vitrifiées ou du laitier, de la litharge, &c. & on fait fondre ce mélange de la maniere qui a été décrite en dernier lieu. Lorsque le plomb est suffisamment enrichi, c’est-à-dire chargé d’argent, on le sépare au fourneau de grande coupelle, où l’on réduit le plomb en litharge, & l’argent reste pur & dégagé

de toute substance étrangere. Voyez Coupelle. Comme par cette opération le plomb a perdu sa forme métallique, on est obligé de le faire fondre de nouveau par les charbons dans le fourneau de fusion, par ce moyen la litharge qui s’étoit faite dans l’opération de la grande coupelle se réduit en plomb ; mais comme ce métal n’est point parfaitement pur, vû qu’il s’est chargé des substances métalliques qui étoient jointes à l’argent qui a été coupellé, on le refond de nouveau. Cette fonte se fait à l’air libre dans un foyer entouré de murs peu élevés ; on y forme des lits avec des fagots, & l’on y jette le plomb qui se fond suffisamment & va couler dans le bassin destiné à le recevoir ; c’est dans ce bassin qu’on le puise avec des cuilleres de fer, & on le verse dans des moules de fer, pour lui donner la forme de masses ou de saumons qui sont alors propres au débit. Voilà la maniere dont se traite le plomb à Freyberg en Misnie. La facilité avec laquelle le feu dissipe ce métal est cause qu’il souffre du déchet dans chaque opération par laquelle il passe ; cette perte est inévitable, c’est à l’intelligence du métallurgiste à faire ensorte que cette perte soit la moindre qu’il est possible.

Lorsque la mine de plomb se trouve jointe avec de la mine de cuivre assez riche en métal pour qu’on veuille le retirer, le plomb uni avec l’argent se séparera du cuivre par la liquation. Si la mine de cuivre ne contenoit point de plomb par elle-même, on seroit obligé de lui en joindre, afin qu’il se charge de l’argent qui peut y être contenu. Voyez Liquation & Rafraichir. Voyez nos Pl. de Métallurgie.

Examinons actuellement les propriétés que les expériences chimiques font découvrir dans le plomb. Ce métal se fond très-promptement & avant que d’avoir rougi ; il n’y a que l’étain qui entre en fusion plus promptement que lui ; il se calcine avec beaucoup de facilité, pour cet effet on n’a qu’à le faire fondre, il se formera perpétuellement une pellicule grise à sa surface, qui se reproduit aussi-tôt qu’on l’a enlevée ; c’est une vraie chaux de plomb, mais elle n’est que foiblement privée de son phlogistique ; cette chaux est sous la forme d’une poudre grise, si on l’expose à un feu plus violent elle devient d’un beau jaune, & forme la couleur que les Peintres nomment massicot. Si on calcine cette chaux au feu de reverbere, elle devient d’un rouge très-vif tirant un peu sur le jaune ; c’est ce qu’on appelle le minium ou le vermillon.

Le plomb mis dans un creuset avec partie égale de soufre, se réduit en une poudre noire, que l’on nomme plomb brûlé, plumbum ustum. Par cette opération le plomb loin d’être réduit en chaux, comme quelques-uns se l’imaginent, devient plus difficile à calciner, car alors ce métal est dans le même état que la matte qui résulte de la premiere fonte des mines de ce métal.

En faisant fondre de la chaux de plomb dans un creuset à grand feu, on obtient une matiere semblable à du verre d’une couleur jaune par écailles, & qui a peu de liaison, c’est ce qu’on nomme de la litharge ; on obtient aussi cette matiere par l’opération de la coupelle.

Si on mêle trois parties de chaux de plomb avec une partie de sable ou de caillou calciné & pulvérisé, & qu’on mette ce mélange en fusion dans un creuset, on aura un verre jaune & transparent, que l’on appelle verre de plomb. Le plomb est un des plus puissans fondans de la Chimie ; non-seulement il entre très-aisément en fusion lui-même, mais encore il vitrifie & fait entrer en fusion les autres substances auxquelles on le joint ; c’est à cause de cette propriété du plomb qu’on le fait entrer dans les couvertes ou les émaux dont on couvre les poteries & la fayance. Voyez Fayance & Poterie. Mais la gran-