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iis non uti, dit Masclef (Gramm. heb. cap. j. n°. 5.) nihil aliud est quàm, invento pane, glande vesci. (B. E. R. M.)

Point, en Géométrie, c’est, selon Euclide, une quantité qui n’a point de parties, ou qui est indivisible. Voyez Quantité & Indivisible, &c.

Wolf définit le point ce qui se termine soi-même de tous côtés, ou ce qui n’a d’autres limites que soi-même. C’est ce que l’on appelle autrement le point mathématique : quelques-uns prétendent qu’on ne le conçoit que par imagination, c’est-à-dire, qu’il n’existe pas réellement hors de l’esprit ; mais qu’y a t-il de plus réel dans la matiere ou dans les dimensions des corps que leurs limites ou leurs extrémités ? Une ligne n’a-t-elle pas deux bouts ou deux termes ; or ce sont ces termes que l’on appelle points ? Voyez là-dessus le premier tome des institutions de Géométrie, imprimées en 1746, pag. 260. (E)

On peut dire cependant dans un autre sens, & avec beaucoup de vérité, que le point, la ligne, la surface n’existent que par une abstraction de l’esprit, puisqu’il n’existe point réellement dans la nature de surface sans profondeur, de ligne sans largeur, & de point sans étendue. Tout ce qui existe a nécessairement les trois dimensions. Voyez Dimension. Ce n’est que par abstraction de l’esprit qu’on regarde une ou deux de ces dimensions comme non-existante. Sur quoi voyez l’article Géométrie. (O)

Si l’on se représente qu’un point coule, il tracera une ligne ; & une ligne qui couleroit engendreroit une surface, &c. Cette maniere de considérer la génération des dimensions ou des propriétés des corps, paroît être le premier fondement de la Géométrie moderne, c’est-à-dire, de la Géométrie analytique qui fait usage du calcul différentiel & intégral ; il semble aussi que la méthode des indivisibles soit dans le même cas : cependant, malgré les especes de miracle que produisent ces deux méthodes, il subsiste contre leurs principes des difficultés si fortes, que les génies les plus fins ou les plus sublimes n’ont pû jusqu’à-présent les résoudre directement ; aussi beaucoup de personnes s’en servent-elles comme de ces machines qui nous montrent la durée du tems, & dont il est si commun d’ignorer les ressorts : on ne sauroit croire combien ces sortes de nuages ralentissent le progrès des Sciences, & par conséquent combien ils sont contraires à l’utilité publique ; il est impossible d’inventer dans les choses que l’on ne comprend pas. Si Descartes avoit manifesté tout le secret de sa géométrie en la mettant au jour, on n’auroit pas eu le désagrément de la voir, pendant près de cent ans, être l’objet des commentaires de très-bons esprits, lesquels, après avoir épuisé la vigueur de leur génie à expliquer des découvertes avec une juste étendue, sont devenus incapables d’en faire. combien d’autres, qui avoient très-bien compris les élémens de Géométrie, ont renoncé à cette belle science, ou, pour ainsi dire, à cette unique science de la raison, parce qu’ils ont senti que de vouloir pénétrer dans ses profondeurs, c’est s’enfoncer dans des obscurités.

Si l’on veut donc que les Sciences marchent à grands pas vers leur perfection, il faut en rendre la route la plus unie qu’il est possible, & être intimement convaincu que de perfectionner une découverte, c’est en faire une nouvelle : il seroit donc de la très-grande utilité publique que nos sublimes géometres voulussent bien se rabattre vers les premiers principes des nouvelles méthodes ; qu’ils les éclaircissent avec tout le soin imaginable, & qu’ils y missent toute la sagacité & la pénétration dont ils sont capables ; il nous semble qu’il est bien aussi glorieux d’être utile au public qu’à un petit nombre de particuliers, dont on ne doit guere attendre que de la jalousie ; par-là le mérite de ces bienfaiteurs du genre hu-

main étant plus connu, seroit aussi mieux récompensé.

Revenons à notre point.

Une ligne n’en peut couper une autre qu’en un point. Trois points quelconques étant donnés, pourvû qu’ils ne soient pas en ligne droite, on pourra toujours y faire passer un cercle ou une partie de cercle. Voyez Cercle.

Ce sont des problèmes fort communs que de tirer une parallele, une perpendiculaire, une tangente, &c. d’un point donné. Voyez Parallele, Perpendiculaire, Tangente, &c. (E)

On appelle, dans la haute Géométrie, point d’inflexion, celui où une courbe se plie ou se fléchit dans un sens contraire à celui où elle étoit auparavant ; quand elle tourne, par exemple, sa convexité vers son axe ou quelqu’autre point fixe du côté duquel elle tournoit sa concavité. Voyez Courbe & Inflexion.

Quand la courbe revient vers le côté d’où elle est partie, le point où elle commence ce retour est appellé point de rebroussement. Voyez Rebroussement & Courbe.

En Physique, on appelle point, punctum, le plus petit objet sensible à la vûe : on le marque avec une plume, la pointe d’un compas, &c.

C’est ce que l’on appelle vulgairement un point physique, qui a réellement des parties ; quoique l’on n’y ait pas d’égard, toutes les grandeurs physiques sont composées de ces points. Voyez Grandeur.

Ce point physique est ce que M. Locke appelle le point sensible, & ce qu’il définit la moindre particule de la matiere ou de l’espace, que nous puissions discerner. Voyez Vision. Chambers.

Point simple d’une courbe, est un point tel que, quelque direction qu’on donne à l’ordonnée, elle n’aura jamais en ce point qu’une seule valeur à-moins qu’elle ne soit tangente, auquel cas elle aura deux valeurs seulement. Voyez Tangente.

Point singulier, est un point où l’ordonnée étant supposée touchante, peut avoir plus de deux valeurs. Tels sont les points d’inflexion, de serpentement, de rebroussement, &c. Voyez ces mots.

Point double, triple, quadruple, &c. ou en général point multiple, se dit du point commun, où deux, trois, quatre, &c. & en général plusieurs branches d’une courbe se coupent. Il est d’abord évident que sans un pareil point l’ordonnée a plusieurs valeurs égales, savoir deux si le point est double, trois s’il est triple, &c. cependant il n’en faut pas toujours conclure que si l’ordonnée a plusieurs valeurs égales, le point est un point multiple ; car si l’ordonnée touche la courbe en un point simple, elle y aura deux valeurs égales ; si elle touche la courbe en un point d’inflexion, elle aura trois valeurs égales, &c.

Le caractere du point multiple est qu’en ce point ait différentes valeurs représentées par une équation de cette forme, &c… car alors donne par les différentes valeurs la direction des différentes branches de la courbe. C’est là-dessus qu’est fondée toute la théorie des points multiples. La nature de cet ouvrage ne nous permet pas de nous étendre davantage sur ce sujet. Il nous suffit d’avoir donné le principe ; on trouvera tout ce qu’on peut desirer sur ce sujet dans l’introduction à l’analyse des lignes courbes, par M. Cramer, chap. x. & xiij.

Dans le cas où le point est multiple, si on différencie l’équation de la courbe à la maniere ordinaire, on trouvera , ce qui ne fait rien connoître ; mais alors au lieu de différencier à l’ordi-