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forme de rein. Le même botaniste distingue 26 especes de capsicum ; la plus commune est celle qu’on appelle vulgairement poivre de Guinée, & en Botanique capsicum vulgare, siliquis longis, propendentibus. I. K. H. 152.

La racine de cette plante est courte, grêle, garnie sur les côtés d’un grand nombre de fibres ; elle pousse une tige à la hauteur d’un ou deux piés, anguleuse, dure, velue, rameuse ; ses feuilles sont longues, pointues, plus larges que celles de la persicaire, un peu épaisses & charnues, glabres ou sans poil, d’un verd brun, tirant quelquefois sur le jaune, attachées à des queues longues d’un pouce ou deux, sans dentelures.

Sa fleur, qui sort des aisselles des feuilles & à la naissance des rameaux, est une rosette à plusieurs pointes, de couleur blanchâtre, ressemblante à celle de la morelle commune, mais plus grande, soutenue par un pédicule assez long, charnu & rouge. Après que cette fleur est passée, il lui succede un fruit qui est une capsule longue & grosse comme le pouce, droite, formée par une peau luisante, polie, verte d’abord, puis jaune, enfin rouge comme du corail ou purpurine quand elle est en maturité. Cette capsule est divisée intérieurement en deux ou trois loges, qui renferment beaucoup de semences applaties de couleur blanchâtre tirant sur le jaune, formées ordinairement comme un petit rein.

Toutes les parties de cette plante ont beaucoup d’âcreté, mais particulierement son fruit, qui brûle sa bouche ; elle croît naturellement en Guinée & au Brésil : on la cultive & on l’éleve aisément de graine dans les pays chauds, comme en Espagne & en Portugal, en Languedoc, en Provence & dans nos jardins, où la couleur rouge de ses capsules fait plaisir à voir. On les confit au sucre pour les adoucir, & les Vinaigriers en mettent dans leur vinaigre pour le rendre fort & piquant. (D. J.)

Poivre de Guinée, (Hist. des drogues exot.) c’est encore le poivre autrement nommé poivre d’Afrique, voyez Poivre d’Afrique.

Poivre de la Chine, (Hist. des drog exot.) Le P. le Comte dans ses mémoires dit que le poivre de la Chine a les mêmes propriétés que celui des Indes. L’arbre qui le produit est grand comme nos noyers. Son fruit est de la grosseur d’un pois, de couleur grise mêlée de quelques filets rouges. Quand il est mûr, il s’ouvre de lui même, & fait voir un petit noyau noir comme du jay. Après qu’on l’a cueilli, on l’expose au soleil pour le sécher, & l’on jette le noyau, qui est d’un goût trop fort, ne réservant que l’écorce. L’odeur de ces arbres à poivre est si violente, qu’il en faut cueillir le fruit à plusieurs reprises, crainte d’en être incommodé. (D. J.)

Poivre de la Jamaïque, (Hist. des drog. exot.) On appelle en françois poivre de la Jamaïque, poivre de Theves, piment de la Jamaïque, amomi, ou toutes épices, un fruit ou une certaine baie aromatique, que l’on apporte depuis quelque tems de l’île de la Jamaïque, & dont les Anglois font un très-grand usage dans leurs sauces Cette baie est entierement différente des especes de poivre dont nous venons de parler : celui-ci est nommé pimienta ou the Jamaica pepper tree en anglois ; piper jamaicense quibusdam par Dale, pharmacol. 421 ; piper odoratum jamaicense nostratibus, par Ray, hist. 1507 ; cocculi indici, aromatici, dans le mus. reg. soc. Lond. 1218.

C’est un fruit desséché avant sa maturité, orbiculaire, ordinairement plus gros qu’un grain de poivre ; son écorce est brune, ridée ; il a un ombilic ou petite couronne au haut partagée en quatre, contenant deux noyaux noirs, verdâtres, séparés par une paroi mitoyenne, d’un goût un peu âcre, aromatique, & qui approche du clou de girofle.

L’arbre qui porte ce fruit est appellé par le chevalier Hans Sloane, dans son catal. plant. jamaic. myrthus arborea, aromatica, follis laurinis latioribus & subrotundis ; & par le P. Plumier, botan. Americ. mss. myrius arborescens, citri follis glabris, fructu racemoso, caryophilli sapore.

Cet arbre surpasse en hauteur nos noyers d’Europe lorsqu’il est dans une bonne terre ; mais comme il se plaît dans les forêts seches, il ne s’eleve alors que médiocrement ; il est branchu & touffu ; son tronc est le plus souvent droit & haut ; son bois est dur, pesant, d’un rouge noirâtre d’abord, ensuite devenant avec le tems noir comme l’ébene, ce que l’on doit entendre du cœur. Il est couvert d’un obier épais, blanchâtre, & d’une écorce lisse, mince, & qui tombe quelquefois par lames. L’arbre entier fait une belle figure, par la disposition de ses branches & par son feuillage.

Ses feuilles sont très-lisses & d’un verd fort agréable ; elles naissent deux-à-deux, & opposées à chaque nœud des rameaux ; elles sont de différentes grandeurs : les plus amples sont longues de quatre, cinq ou six pouces, larges de trois ou quatre, de la figure d’une langue, fermes, d’un verd foncé, luisantes, parsemées de petite veines paralleles & obliques, que l’on a peine à appercevoir, & portées sur des queues d’un pouce de longueur ; elles sont d’une odeur & d’une saveur qui approche beaucoup de la cannelle & du clou de girofle, légérement astringentes, & d’une amertume qui n’est pas désagréable.

L’extrémité des tiges est terminée par plusieurs pédicules longs d’un pouce, portant chacun une petite fleur composée de cinq pétales blancs, arrondie, concave, & disposée en rose ; du fond du calice de la fleur, s’éleve un pistil pointu, accompagné d’étamines blanches. Quand ces fleurs sont tombées, il leur succede beaucoup de baies couronnées ou creusées en maniere de nombril ; elles sont d’abord petites & verdâtres ; mais dans leur maturité elles sont plus grosses que les baies de génievre, noires, lisses & luisantes ; elles contiennent une pulpe humide, verdâtre, âcre, aromatique.

Cette pulpe renferme le plus souvent dans le centre deux graines hémisphériques, séparées par une membrane mitoyenne, ensorte qu’elles forment ensemble un petit globe ; c’est pourquoi Clusius, qui a decrit le premier cet aromate, ne lui attribue qu’une seule graine divisée en deux parties.

Cet arbre vient dans les îles Antilles ; le R. P. Plumier l’a observé dans les îles de Sainte-Croix, de Saint-Domingue, & les Grenadines ; mais il croît par-tout dans les forêts qui sont sur les montagnes de la Jamaïque, & en particulier du côté du septentrion, où il porte des feuilles tantôt plus larges, tantôt plus étroites. On le cultive aujourd’hui précieusement à la Jamaïque ; il fleurit en Juin, Juillet & Août, suivant les pluies & l’exposition, mais le fruit mûrit bientôt ensuite.

Les negres montent sur quelques-uns de ces arbres pour cueillir le fruit ; ils en coupent d’autres & les abattent ; ils prennent les rejettons chargés de fruits verds, qu’ils séparent des petites branches des feuilles & des baies qui sont mûres ; ensuite ils les exposent sur de l’étoffe pendant plusieurs jours aux rayons du soleil, depuis son lever jusqu’à son coucher, prenant garde qu’ils ne soient mouillés de la rosée du matin & du soir. Ces baies étant ainsi séchées, se rident, & de vertes qu’elles étoient, elles deviennent brunes & en état d’être vendues. Les Anglois les regardent comme un des meilleurs aromates qui soient en usage ; & son goût agréable, & qui tient du clou de girofle, de la cannelle & du poivre, avec plus de douceur, fait qu’ils lui donnent un nom qui signifie tous les aromates ensemble.