Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/499

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

syllabes du même mot, que sur la phrase entiere par rapport au sens. Cette remarque est encore de M. Duclos ; & j’y ajouterai, que l’accent prosodique des mêmes mots demeure invariable au milieu de toutes les variétés de l’accent oratoire, parce dans le même mot chaque syllabe conserve la même relation méchanique avec les autres syllabes, & que le même mot dans différentes phrases ne conserve pas la même relation analytique avec les autres mots de ces phrases.

2°. Outre les caracteres élémentaires ou les lettres, qui représentent sans aucune modification les élémens de la voix ; savoir, les sons & les articulations ; on emploie encore dans l’orthographe de toutes les langues, des caracteres que j’appelle prosodiques ; plusieurs de ces caracteres doivent être ainsi nommés, parce qu’ils indiquent en effet des choses qui appartiennent à l’objet de la prosodie ; les autres peuvent du-moins par extension, être appellés de même, parce qu’ils servent à diriger la prononciation des mots écrits, quoique ce soit à d’autres égards que ceux qu’envisage la prosodie.

Il y en a de trois sortes ; 1°. des caracteres prosodiques d’expression ou de simple prononciation ; 2°. des caracteres prosodiques d’accent ; 3°. & des caracteres prosodiques de quantité.

Les caracteres de simple prononciation, sont la cédille, l’apostrophe, le tiret & la dierèse. Voyez Cédille & Apostrophe, s. m. pour ce qui concerne ces deux caracteres. Pour ce qui est du tiret, on en a traité sous le nom de division. Voyez Division : il me semble que ce nom porte dans l’esprit une idée contraire à celle de l’effet qu’indique ce caractere, qui est d’unir au lieu de diviser, c’est pourquoi j’aime mieux le nom de tiret, qui ne tombe que sur la figure du signe ; & j’aimerois encore mieux, si l’usage l’autorisoit, le nom ancien d’hyphen, mot grec, de ὑπὸ, sub, & de ἐν, unum, ce qui désignoit bien l’union de deux en un. Ce qui concerne la dierèse avoit été omis en son lieu : j’en ai parlé au sujet de l’ï tréma ; voyez I. & j’ai fait article Point quelque correction à ce que j’en avois dit sous la lettre I.

Les caracteres d’accent sont trois ; savoir, l’accent aigu, l’accent grave & l’accent circonflexe : ils n’ont plus rien de prosodique dans notre orthographe, puisqu’ils n’y marquent que peu ou point ce qu’annoncent leurs noms ; l’usage orthographique en a été détaillé ailleurs. Voyez Accent.

Les caracteres de quantité sont trois ; ¯ au-dessus d’une voyelle marque qu’elle est longue ; ˘ signifie qu’elle est brève ; Ω indique qu’elle est douteuse. On ne fait aucun usage de ces signes, vraiment prosodiques, que quand on parle expressément le langage de la prosodie. (E. R. M. B.)

PROSONOMASIE, s. f. (Art orat.) figure de rhétorique par laquelle on fait allusion à la ressemblance du son qui se trouve entre différens noms ou différens mots, comme dans ces phrases. Is vere consul est qui reipublicæ saluti consulit. Cum lectum petis de letho cogita. Elle a beaucoup de rapport à la figure appellée paronomase. Voyez Paronomase.

PROSOPOPÉE, s. f. (Rhétor.) cette figure du style élevé, est une des plus brillantes parures de l’éloquence ; on l’appelle prosopopée, parce qu’elle représente des choses qui ne sont pas ; elle ouvre les tombeaux, en évoque les manes, ressuscite les morts, fait parler les dieux, le ciel, la terre, les peuples, les villes ; en un mot, tous les êtres réels, abstraits, imaginaires. C’est ainsi qu’un orateur s’écrie : « Justes dieux, protecteurs de l’innocence ! permettez que l’ordre de la nature soit interrompu pour un moment, & que ce cadavre déliant sa langue, prenne l’usage de la voix ». M. Fléchier pour assurer

ses auditeurs, que l’adulation n’aura point de part dans son éloge du duc de Montausier, parle de cette maniere. « Ce tombeau s’ouvriroit, ces ossemens se rejoindroient pour me dire ; pourquoi viens-tu mentir pour moi, moi qui ne mentis jamais pour personne ? Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, & ne trouble point ma paix par la flatterie que j’ai toujours haïe ».

Dans d’autres cas, l’art oratoire emploie la prosopopée, pour mettre sous un nom emprunté, les reproches les plus vifs, & les repréhensions les plus ameres. Ainsi Démosthène dans la harangue sur la Quersonèze, disoit aux Athéniens : « si les Grecs exigeoient de vous un compte des occasions échappées à votre paresse ; s’ils vous tenoient ce discours-ci, &c. » En même tems que la prosopopée diminue la haine pour le censeur, elle augmente la honte pour les autres.

Enfin, les poëtes usent de cette figure avec un merveilleux succès dans leurs fictions.

La Mollesse en pleurant sur un bras se releve,
Ouvre un œil languissant, & d’une foible voix
Laisse tomber ces mots, qu’elle interrompt vingt fois ;
O nuit que m’as-tu dit ! Quel démon sur la terre,
Souffle dans tous les cœurs la fatigue & la guerre !
Hélas qu’est devenu ce tems, cet heureux tems
Où les rois s’honoroient du nom de fainéans ;
S’endormoient sur le trône
, &c. (D. J.)

PROSOPITES, (Géog. anc.) nom d’un nôme, ou d’une province d’Egypte, située au bord oriental du Nil, près du Delta ; c’est cette province que Strabon, liv. XVII. p. 802. appelle Aprosopitica præfectura, & dans laquelle il met la ville de Vénus, Αφροδίτης πόλις, autrement dite Prosopitis.

Cette ville est fameuse dans l’histoire par le siége que les Athéniens y soutinrent pendant un an & demi contre les troupes du roi Artaxerxès, l’an 454. avant J. C. Thucydide, Ctésias, & Diodore de Sicile ont décrit l’histoire de ce siége, & son événement. Les Perses voyant qu’ils n’avançoient rien par la méthode usitée, eurent recours à un stratagème extraordinaire qui leur réussit. Ils saignerent par divers canaux le bras du Nil dans lequel étoit la flotte Athénienne, & la mirent à sec ; Inarus qui la commandoit, se vit obligé de composer avec Mégabise, & de rendre Prosopitis. (D. J.)

PROSOPOGRAPHIE, s. f. (Art orat.) c’est-à-dire image, portrait, description, peinture : tantôt on appelle cette figure hypotypose, & tantôt éthopée. Elle peint les vices des hommes.

L’hypocrite en fraude fertile
Dès l’enfance est pétri de fard ;
Il sait colorer avec art
Le fiel que sa bouche distile ;
Et la morsure du serpent
Est moins aiguë & moins subtile,
Que le venin caché que sa langue répand.

Rousseau.

Elle peint leurs vertus :

Tel fut cet empereur sous qui Rome adorée
Vit renaître les jours de Saturne & de Rhée,
Qui rendit de son joug l’univers amoureux ;
Qu’on n’alla jamais voir sans revenir heureux ;
Qui soupiroit le soir, si sa main fortunée
N’avoit par ses bienfaits signalé la journée.

Boileau.

Elle peint les faits.

De son généreux sang la trace nous conduit ;
Les rochers en sont teints ; les ronces dégoutantes
Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes :
J’arrive, je l’appelle, & me tendant la main,