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ses malades ; il est d’ailleurs destitué de remedes qui puissent procurer cette excrétion, de même que les purgatifs procurent celle des sucs intestinaux ; les diurétiques celle des urines, &c. L’usage immoderé de la biere occasionne bien un flux gonorrhoïque, mais ce n’est que de l’humeur des prostates. Je ne doute pas que s’il connoissoit de pareils secours, il ne pût en toute sureté de conscience les administrer dans le cas de nécessité. Si donc le malade ne peut pas absolument se marier ; il faudra chercher des remedes à ses maux dans les rafraîchissans, dans le travail, l’exercice outré, les veilles, & le gorger de boissons nitreuses, de tisanes de nymphea, d’émulsions préparées avec les graines de pavot, les semences de chanvre, d’agnuscastus & le syrop de nymphea, lui faire prendre des bains froids, le mettre à une diete un peu sévere, ne le nourrir que d’alimens legers & adoucissans ; lui interdire l’usage du vin & des liqueurs spiritueuses ; enfin l’exténuer de différentes façons ; & pour le délivrer d’une simple incommodité, si facile à dissiper par des moyens illégitimes, lui donner à leur défaut une maladie très-sérieuse ; encore par cette méthode risque-t-on souvent de manquer son but ; la maladie en s’invéterant s’opiniâtre, la semence par un long séjour devient âcre & plus active, les érections sont en conséquence plus fortes & plus fréquentes ; & le satyriasis entretenu par les vices de quantité & qualité de la semence, & par la disposition maladive des parties de la génération, devient plus difficile à guérir ; on n’a cependant lieu d’attendre du soulagement que dans l’usage continuel des secours proposés ; on peut y joindre les préparations du plomb, le sel de Saturne en très-petite quantité ; il seroit dangereux d’insister encore trop long-tems sur ce remede, personne n’ignore les terribles effets que son usage intérieur produit ; on peut aussi avoir recours aux applications locales sur la région des lombes qui passent pour amortir les feux de l’amour ; telles sont les fomentations avec l’oxicrat, la liqueur de Saturne, les ceintures de l’herbe de nymphea, l’application d’une plaque de plomb, les immersions fréquentes des parties affectées dans de l’eau bien froide, &c. Parmi tous ces remedes, l’expérience heureuse de Timeus paroît avoir particulierement consacré la vertu du nitre & du nymphea ; cet auteur rapporte qu’ayant épuisé tous les rafraichissans que la matiere médicale fournit, sur le musicien attaqué du satyriasis, dont nous avons parlé au commencement de cet article, il lui conseilla de se marier, suivant l’axiome de saint Paul, qu’il vaut mieux se marier que brûler. Le malade suit le conseil, épouse une robuste villageoise, & laisse entre ses bras une partie de sa maladie, quelque tems après le satyriasis reparoît avec plus de violence, il lasse son épouse & s’énerve de plus en plus ; il demande de nouveaux remedes : Timeus propose le jeûne & la priere, mais il n’en éprouve d’autre effet qu’un dérangement d’estomac, & sa maladie augmente au point, que fatigué & anéanti par les fréquentes excrétions auquelles il ne pouvoit se refuser, & croyant tous les secours inutiles, il imaginât de mettre fin à ses maux par une opération, dont l’effet étoit immanquable, mais trop fort. Timeus la déconseille & l’en détourne, en lui représentant le danger pressant qu’elle entraînoit ; enfin, se rappellant qu’un néphrétique après un long usage du nitre étoit resté impuissant, il essaye ce remede & donne une prise de ce sel le matin & le soir dans de l’eau de nymphea ; ce dernier secours fut si efficace, qu’en moins d’un mois les feux de ce musicien furent amortis, de façon qu’à peine il pouvoit satisfaire aux devoirs que lui imposoit le mariage vis-à-vis son épouse, lui qui auparavant eût été un champion digne de la fameuse Messaline.

Quæ resupina jacens multorum absorbuit ictus,
Et lassata viris nondum satiata recessit.

(m)

SATYRIDES, (Géog. anc.) îles de l’Océan, selon Pausanias, qui pouvoit entendre par ce mot les îles Gorgosses. Voici le passage de cet ancien : « Comme je leur faisois (aux Athéniens) beaucoup de questions sur les satyres, pour tâcher d’apprendre quelque chose de plus que ce qui s’en dit communément, un carien nommé Euphemus, me conta que s’étant embarqué pour aller en Italie, il avoit été jetté par la tempête vers les extrémités de l’Océan : là il y a, me disoit-il, des îles incultes, qui ne sont habitées que par des sauvages ; nos matelots n’y vouloient pas aborder, parce qu’elles leur étoient déja connues ; mais poussés par les vents, ils furent obligés de prendre terre à celle qui étoit la plus proche : ils appelloient ces îles les Satyrides.

» Les habitans sont roux, & ont par-derriere une queue presque aussi grande que celle des chevaux. Dès que ces sauvages nous sentirent dans leur île, ils accoururent au vaisseau, & y étant entrés, sans proférer une seule parole, ils se jetterent sur les premieres femmes qu’ils rencontrerent. Nos matelots pour sauver l’honneur de ces femmes, leur abandonnerent une barbare qui étoit dans l’équipage ; & aussi-tôt ces satyres assouvirent leur brutalité, non-seulement en la maniere dont les hommes usent des femmes, mais par toutes sortes de lascivetés. Voilà, ajoute Pausanias, ce qui me fut conté par ce carien » ; mais ce carien ne lui conta qu’une fable. (D. J.)

SATYRION, (Hist. nat. Bot.) genre de plante décrit sous le nom d’orchis. Voyez Orchis.

Satyrion, (Mat. méd. & Diete.) orchis, testicules de chien, &c. Les diverses especes de satyrion, & sur-tout celles des satyrions à racine bulbeuse, ont été singulierement vantées par les anciens pharmacologistes, & par ceux d’entre les modernes qui ont suivi la doctrine de Paracelse, comme l’aphrodisiaque par excellence. Cette haute réputation n’a eu cependant d’autre fondement que la forme de ses bulbes qui ont quelque ressemblance avec un testicule ; & le principe qui a établi les vertus médicinales des remedes sur leur signature ou ressemblance quelconque avec certaines parties du corps humain. (Voyez Signature.) La philosophie moderne ne s’accommode point d’un pareil principe, & l’expérience qui est son vrai guide, a démontré que les bulbes de satyrion, malgré leur grande ressemblance avec un des principaux organes de la génération, n’avoient aucune influence sur ces organes ; qu’elles n’excitoient point leur jeu, ne produisoient point la magnanimité. Voyez Magnanimité. Médecine. Les racines de satyrion n’en entrent pas moins cependant dans ces compositions aphrodisiaques, tant magistrales qu’officinales les plus usitées.

On garde ces racines dans les boutiques sous la forme de conserve, & sous celle de candit ou confiture.

Au reste ce n’est que le bulbe plein, dur, & bien nourri qu’on choisit, & auquel est attribuée la vertu propre du satyrion ; car quant à un autre bulbe desséché & flétri, qui se trouve toujours avec le précédent, non-seulement il est regardé comme privé de ces vertus, mais même comme doué des propriétés contraires.

M. Geoffroi le cadet a préparé de la maniere suivante le bulbe des satyrions de notre pays pour imiter le salep des Turcs. (Voyez Salep.) Après avoir choisi les racines d’orchis les mieux nourries, il en ôte la peau, les jette dans l’eau froide ; & après qu’elles y ont séjourné quelques heures, il les fait