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On fait situer le malade à l’ordinaire : on introduit un cacheter dans la vessie par l’uretre : on couche le manche de la sonde sur l’aine droite du malade, où, un aide qui doit être très-adroit & très-attentif, la tient assujettie d’une seule main, pendant que de l’autre il soutient les bourses ; par cette situation de la sonde, l’uretre est collé & soutenu contre la simphyse des os pubis, ce qui l’éloigne du rectum autant qu’il est possible de le faire, & la cannelure de la sonde regarde l’intervalle qui est entre l’anus & la tubérosité de l’ischion.

L’opérateur prend un lithotome particulier (Pl. VIII. fig. 3.), avec lequel il fait une très-grande incision à la peau & à la graisse, commençant à côté du raphé, un peu au-dessus de l’endroit où finit la section dans le grand appareil ordinaire, & finissant un peu au-dessous de l’anus, entre cette partie & la tubérosité de l’ischion. Cette incision doit être poussée profondément entre les muscles, jusqu’à ce qu’on puisse sentir la glande prostate : alors on cherche l’endroit de la sonde, & l’ayant fixée où il faut, supposé qu’elle eût glissé, on tourne en-haut le tranchant du bistouri : comme la main gauche de l’opérateur n’est pas occupée à tenir la sonde, le doigt index de cette main étant introduit dans la plaie, reconnoit la cannelure de la sonde, & sert à y conduire surement la pointe du lithotome, & en le poussant de bas en haut, entre les muscles érecteur & accélérateur, on coupe toute la longueur des prostates de dedans en dehors, poussant en même-tems le rectum en-bas, avec un ou deux doigts de la main gauche ; par ces précautions on évite toujours de blesser l’intestin : l’opération se termine de la maniere ordinaire, par l’introduction du gorgeret sur la cannelure de la sonde, & par celle des tenettes sur la gouttiere du gorgeret.

Cette opération a l’avantage d’ouvrir une voie suffisante pour l’extraction des pierres, par la partie la plus large de l’ouverture de l’angle des os pubis, & on est sûr de ne point intéresser le rectum. Toutes les parties qu’on déchire & qu’on meurtrit dans le grand appareil ordinaire, sont coupées dans l’opération de Cheselden ; & c’est un principe reçu que la section des parties est plus avantageuse que leur déchirement, sur-tout lorsque ce déchirement est accompagné de contusion.

M. Cheselden pratiquoit cette opération en Angleterre avec de grands succès ; il avoit abandonné le haut appareil pour cette nouvelle façon de tailler, dont M. Douglass donna la description ; mais les maîtres de l’art ne la jugerent point suffisamment détaillée, pour savoir en quoi consistoit positivement la nouvelle méthode. M. Morand voulut s’assurer des choses par lui-même, il passa en Angleterre, & vit opérer M. Cheselden ; il lui promit de ne rien publier de cette opération, avant la description que l’auteur se proposoit de communiquer à l’académie royale des Sciences. Voyez les recherches sur l’appareil latéral ; mém. de l’acad. des Sciences, année 1731.

Pendant le voyage de M. Morand à Londres, M. de Garengeot, & M. Perchet, premier chirurgien du roi des deux Siciles, qui gagnoit alors sa maîtrise à l’hôpital de la Charité, firent dans cet hôpital plusieurs tentatives sur des cadavres : guidés par les fautes de frere Jacques, & par les observations de M. Mery, ils parvinrent à faire le grand appareil obliquement, entre les muscles erecteur & accélérateur gauches, & à inciser intérieurement le col de la vessie & un peu de son corps. M. Perchet, après bien des expériences, pratiqua cette opération avec réussite. Voyez ce détail dans le traité des opérations, par M. de Garengeot, sec. édit. tom II.

L’opération de la taille étoit, comme on voit, l’objet des recherches des grands maîtres de l’art.

Feu M. de la Peyronie, premier chirurgien du roi, aussi distingué par ses grandes connoissances que par la place qu’il occupoit, fut consulté de toutes parts sur la matiere en question. Les chirurgiens lui rendoient compte de leurs travaux, & demandoient qu’il les éclairât de ses conseils ; les magistrats des villes du royaume où il y avoit, ou bien où l’on vouloit avoir des lithotomistes pensionnés pour exercer l’opération, & y pour former des éleves, écrivoient au chef de la chirurgie, pour qu’il décidât quelle étoit la meilleure méthode de tailler. Il travailla en conséquence à la description d’une méthode où l’on incise les mêmes parties que dans l’opération de M. Cheselden, mais par un procedé différent. L’opérateur, entre autres choses, tient lui même le manche de la sonde ; ce que M. Cheselden fait faire à un aide, & qui, selon quelques auteurs, est un inconvénient, parce que la position juste de la sonde, fait toute la sûreté de l’opération ; un aide mal adroit, ou plus attentif à ce que fait l’opérateur qu’à ce dont il est chargé, peut donc faire manquer la route que l’on doit tenir. Je vais donner ici la description dont M. de la Peyronie est auteur, parce qu’elle est faite avec beaucoup de précision, & qu’elle n’a jamais été imprimée.

Opération de M. de la Peyronie. « Il faut situer le malade sur une table, le lier, & le faire tenir à l’ordinaire, le couchant un peu plus sur le dos que dans le grand appareil ; dans cette situation, la partie inférieure du périnée, sur laquelle on doit opérer, se présentant mieux, on opere avec plus de facilité, la sonde cannelée doit être d’acier ; on l’introduit dans la vessie (voyez Cacheterisme), & ensuite l’aide qui est chargé de trousser, assujettit avec le creux de la main droite, tout le paquet des bourses, qu’il range sans le blesser, vers l’aine droite : il étendra le doigt indicateur de la même main, le long du raphé sur toute la longueur du muscle accélérateur gauche, qu’il cache tout entier sous le doigt, il ne découvre tout-au-plus qu’une très petite portion latérale gauche de ce muscle.

» Cet aide couche le doigt indicateur de la main gauche, à trois ou quatre lignes de l’indicateur droit, sur le muscle érecteur gauche, & le couvre entierement aussi, suivant sa direction ; enfin ce même aide étendra autant qu’il pourra la peau qui se trouve entre ses deux doigts indicateurs, en faisant effort comme pour les écarter l’un de l’autre.

» L’opérateur panche vers l’aine droite la tête de la sonde, qu’il tient de la main gauche : alors la partie convexe de la courbure de la sonde, où est la rainure, s’applique à gauche sur toutes les parties où l’on doit opérer ; car premierement elle répond à la partie latérale gauche du bulbe, qui est le premier endroit où le canal de l’uretre sera ouvert, ensuite à la partie latérale gauche de la portion membraneuse de l’uretre ; enfin à la prostate du même côté, & l’extrémité de la sonde s’étend dans la cavité de la vessie, environ à deux ou trois lignes au-delà de son col ; cette courbure de la sonde ainsi placée, fait extérieurement entre les deux doigts de l’aide, une petite éminence à la peau, dont l’endroit le plus saillant répond à-peu-près au bulbe, qui est le lieu par où l’on commencera l’incision.

» Pendant que l’opérateur tient de la main gauche la sonde assujettie en cet état, il s’assure au juste, avec l’indicateur de la main droite, du point le plus saillant de la convexité de la sonde, lequel doit répondre à la partie inférieure latérale gauche du bulbe de l’uretre. Il coupe ensuite avec son bistouri la peau qui couvre cette portion du bulbe,