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72, qui vont toujours en diminuant de grosseur, & en augmentant de surdorure ; de maniere que celui du n°. 50 est le plus gros & le moins surdoré, & celui du n°. 72 est le plus fin & le plus surdoré, & ainsi des autres numéros à proportion.

Les filés d’or & d’argent de Lyon se vendent tout dévidés sur des bobines de différens poids, & leurs divers degrés de finesse sont distingués par un certain nombre d’S ; en sorte que l’on commence par une S, qui est le plus gros, & que l’on finit par sept S, qui est le plus menu : ainsi l’on dit du une S, du deux S, du trois S, du quatre S, du quatre S & demie, du cinq S, du cinq S & demie, du six S, & du sept S, autrement du superfin. Ceux d’une, deux, trois, & quatre S, sont par bobines de quatre onces, & ceux de quatre S & demie, de cinq, de cinq & demie, de six & de sept S, sont par bobines de deux onces, le tout net.

Il y a des filés d’or & d’argent que l’on nomme filés rebours, parce qu’ils ont été filés à contre-sens, c’est-à-dire, de gauche à droite. Ces sortes de filés ne s’emploient qu’en certains ouvrages particuliers, comme crépines, franges, molets, & autres semblables, qui ont des filets pendans ; il en entre aussi dans la boutonnerie.

On compte de cinq sortes de filés d’or & d’argent rebours, qui se distinguent par une demie S, par une S, par deux S, par trois S, & par quatre S, qui vont en diminuant de grosseur ; de maniere que celui d’une demi S est le plus gros, & celui de quatre S le plus fin : ces sortes de filés d’or & d’argent sont ordinairement par bobines de quatre onces net.

Ce qu’on appelle or de Milan, est de l’argent trait que l’on a écaché ou applati en lames très-minces & très-déliées d’une certaine longueur, qui ne sont dorées que d’un côté ; de sorte que venant à être filées, on n’apperçoit plus que de l’or, le côté de l’argent se trouvant entierement caché.

La maniere de ne dorer les lames que d’un côté, est un secret très-ingénieux & très-particulier, dont les seuls tireurs d’or de Milan sont en possession depuis long-tems. Ceux de Paris & de Lyon ont plusieurs fois tenté de les imiter ; mais ç’a toujours été sans un succès parfait.

Les filés d’or de Milan viennent par bobines de deux & de quatre onces net ; & leurs degrés de finesse se distinguent par un certain nombre d’S, de même que ceux de Lyon.

Maniere de tirer l’or & l’argent faux, pour le disposer à être employé en trait, en lame, ou en filé, ainsi que le fin. On prend du cuivre rouge appellé rozette, dont on forme par le moyen de la forge un lingot semblable à celui d’argent ; on le tire à l’argue, puis on fait des cannelures ou filets sur toute sa longueur avec une espece de lime plate dentelée par les bords en façon de peigne, que l’on nomme griffon ; après quoi on applique dessus six feuilles d’argent, chacune du poids d’environ 18 grains : ensuite on chauffe le lingot dans un feu de charbon, d’où étant retiré, on passe le brunissoir par-dessus jusqu’à ce que les feuilles soient bien unies ; puis on y applique encore six nouvelles feuilles d’argent semblables aux précédentes, & l’on employe ainsi une once & demie d’argent en feuille sur un lingot de cuivre d’environ vingt marcs.

Le lingot ainsi argenté se remet dans un feu de charbon où il chauffe jusqu’à un certain degré de chaleur ; & lorsqu’il a été retiré du feu, on passe par-dessus le brunissoir, soit pour souder l’argent, soit aussi pour le rendre tout-à-fait uni.

Ensuite on le fait passer par autant de trous de filiere qu’il est nécessaire, pour le réduire de même que l’or & l’argent fin à la grosseur d’un cheveu : en

cet état c’est ce qu’on nomme du faux argent trait, ou de l’argent trait faux.

Quand on desire avoir de l’or trait faux, on porte le lingot tout argenté à l’argue, où on le fait passer par sept ou huit pertuis de calibre ; puis on le dore de la même maniere que les lingots d’argent fin ; & l’on observe au surplus toutes les circonstances marquées pour les autres especes de fils traits.

L’or & l’argent traits faux s’écachent & se filent de même que le fin ; avec cette différence néanmoins que le fin doit être filé sur la soie, & que le faux ne se doit faire que sur du fil de chanvre ou de lin.

L’or & l’argent faux, soit trait, soit battu ou en lame, vient la plus grande partie d’Allemagne, particulierement de Nuremberg, par bobines de deux & de quatre onces net ; & leurs différens degrés de finesse se distinguent par des numéros depuis un jusqu’à sept, toujours en diminuant de grosseur ; de sorte que le premier numéro est le plus gros, & que le dernier est le plus fin. Il s’en fabrique quelque peu à Paris, qui est fort estimé pour sa belle dorure, dont les bobines ne sont point numérotées se vendant au poids, à proportion qu’il est plus ou moins fin, ou plus ou moins argenté ou surdoré.

Tirer & filer l’or. Pour préparer, la matiere propre à être tirée, on commence à fondre un lingot d’argent, c’est-à-dire, une partie de matiere d’argent, soit piastre, vaisselle, &c. pour en composer un lingot dont le poids est ordinairement de 50 marcs environ. Il est d’une nécessité indispensable que cette matiere soit bien purgée de l’alliage qui pourroit s’y trouver, tant pour faire un filé plus brillant que pour la tirer plus fin. C’est pour cela même que l’argent, dont le titre le plus haut est de 12 deniers de fin, doit être pour le lingot de 11 deniers & 20 grains au-moins, n’étant pas possible de le porter à ce degré de finesse de 12 deniers de fin, attendu les matieres nécessaires, telles que le plomb, &c. qui doivent aider à la fonte.

Le lingot fondu & examiné pour le titre est porté chez le forgeur, où il est divisé sous le marteau en trois parties égales, & autant rondes qu’il est possible, pour être passé à l’argue. On donne ce nom au laboratoire, où chaque barre du lingot étant passé dans une filiere plus étroite que la barre même, étant tirée à l’aide d’une tenaille dentée qui tient la pointe de la barre & étant passée successivement dans différens trous, plus petits les uns que les autres, elle est réduite à une grosseur assez convenable, pour que deux hommes seuls puissent achever de la rendre encore plus fine, ainsi qu’il est démontré dans les fig. & dans les Planches.

La fig. 1. démontre un moulinet à l’arbre duquel, & dans le bas est une corde, laquelle prenant à une tenaille qui tient la barre du lingot passée dans la filiere, la tire jusqu’à ce qu’étant sortie du trou où elle se trouve, on la fasse passer dans un plus petit ; ainsi des autres.

La fig. 2. représente deux hommes qui dégrossissent la même barre, après qu’elle a été amincie & alongée par l’argue.

Figure 1. a, le haut du moulinet ; b, bas du moulinet ; c, barre du lingot ; d, idem derriere la filiere ; e, piece de bois taillée dans laquelle est arrêtée la filiere ; f, corde qui envelope le moulinet & tire la tenaille ; g, branches croisées du moulinet ; h, hommes qui tournent le moulinet ; i, crochet de la piece de fer qui arrête le moulinet ; k, traverse d’en-haut pour tenir le moulinet ; l, piece de fer pour arrêter le moulinet ; m, traverse d’en-bas ; n, poulie ou moufle pour doubler la corde arrêtée d’un côté à la piece ; r, o, dent de la tenaille ; r, piece de fer qui retient la corde d’un côté ; s, queue de la tenaille faite de façon que plus elle tire, plus elle est fermée,