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Triton, s. m. en Musique, est un intervalle dissonant qu’on peut appeller aussi quarte superflue, parce qu’il est formé de trois degrés diatoniques, c’est-à-dire de quatre sons. Voyez Quarte. Son intervalle est de trois tons, ainsi que celui de la fausse quinte ; cependant les rapports n’en sont pas égaux, car celui du triton n’est que de 32 à 45 ; cela vient de ce que parmi les semitons qui forment ces deux intervalles, il y en a plus de majeurs dans la fausse quinte. Voyez Fausse-quinte.

Mais la plus considérable des différences de la fausse-quinte & du triton, c’est que celui-ci est une dissonance majeure que les parties sauvent en s’éloignant, & la fausse-quinte une dissonance mineure que les parties sauvent en s’approchant.

L’accord du triton n’est qu’un renversement de l’accord sensible dont la dissonance est portée à la basse ; d’où il s’ensuit que cet accord ne se doit placer que sur la quatrieme note du ton, qu’il doit s’accompagner de seconde & de sixte, & que la basse descendant toujours d’un degré pour sauver la dissonance, & la note sensible montant de même, le triton se sauvera de la sixte. Voyez Sauver. (S)

TRITONIA, s. f. (Mytholog.) c’est la même que Pallas Tritogénie ; on donne aussi le surnom de Tritonia à Vénus, parce qu’elle est souvent portée par des tritons. (D. J.)

TRITONOS, (Géog. anc.) petite ville de la Doride. Tite-Live, l. XXVIII. c. vij. dit qu’elle fut prise par Philippe de Macédoine. (D. J.)

TRITOPATORIES, s. f. pl. (Antiq. greq.) τριτοπατόρεια, solemnité religieuse dans laquelle on adressoit des prieres pour les enfans aux Θέοιγενεθλιοι, aux dieux généthliaques, c’est-à-dire, qui présidoient à la génération, & qu’on nommoit aussi quelquefois τριτοπάτορες. (D. J.)

TRITTYARQUES, s. m. (Antiq. greq.) τριττύαρχοι, magistrats athéniens qui avoient l’intendance & la direction de la troisieme partie d’une tribu. Potter, archæol. græc. tom. I. p. 78. (D. J.)

TRITURATION, en Pharmacie, est l’action de réduire un corps solide en poudre subtile. On l’appelle aussi lévigation, pulvérisation, &c. Voyez Poudre, Broyement, Lévigation, &c. Ce mot est formé du latin triturare, broyer, qui vient de tero, frotter, piler, briser.

La trituration des bois, des écorces, des minéraux, & des autres corps durs & secs se fait dans des mortiers de fer.

On emploie aussi ce terme quand on parle de briser, d’atténuer & de diviser en petites parties des matieres humides. La trituration des corps humides se fait dans des mortiers de marbre ou de pierre, avec des pilons de bois, de verre, d’yvoire, &c.

Boerhaave observe que la trituration a une force merveilleuse pour dissoudre certains corps, & qu’elle les rend aussi fluides que s’ils étoient fondus par le feu ; de cette maniere si on broie la poudre de myrrhe avec le sel de tartre, ils se dissoudront mutuellement l’un l’autre. Si on broie dans un mortier de la limaille de fer nouvelle & brillante avec le double pesant de soufre bien pur, le fer se dissoudra tellement, que si on le lave avec de l’eau, il donnera un vitriol de mars. Voyez Fer & Vitriol.

L’or trituré longtems dans un mortier avec le sel de tartre donne une sorte de teinture, & trituré avec le mercure dans un mortier de verre, il se résout entierement en une liqueur purpurine, & devient un très-puissant remede.

Le docteur Langelotte a écrit un traité fort curieux sur les grands effets de la trituration dans la chimie. Il décrit une façon particuliere qu’il employoit pour triturer l’or, & au moyen de laquelle il pouvoit le rendre aussi fluide que par le moyen du feu, & faire

un or potable par le seul mouvement d’un moulin. Voyez Or & Aurum.

Cet auteur, dans les Transacttions philosophiques, parle de la maniere dont il trituroit l’or, & décrit deux machines ou moulins philosophiques servant à cet effet, avec l’eau desquels dans l’espace de quatorze jours, il réduisoit une feuille d’or en une poudre brune, mettant ensuite cette poudre dans une cornue peu profonde qu’il plaçoit sur un feu de sable, il augmentoit le feu par degrés, & donnoit à la fin un feu violent. Il avoit par ce moyen quelques gouttes fort rouges, qui étant mises en digestion per se, ou avec de l’esprit-de-vin tartarisé, donnoient un véritable or potable.

L’auteur attribue en grande partie le succès de cette opération au sel de l’air qui durant le broyement se mêle abondamment, & s’unit avec l’or.

Trituration, se dit aussi, en Médecine, de l’action de l’estomac sur les alimens, qui les rend propres à la nutrition. Voyez Estomac, &c.

Quelques médecins prétendent que la digestion se fait par la trituration, & non par la fermentation ; autrement que l’estomac ne fait autre chose que de broyer & atténuer les alimens pour les rendre propres à la nutrition. Voyez l’article Digestion, où cette matiere est traitée amplement.

Ce système fit beaucoup de bruit, il y a quelques années, étant soutenu par le docteur Pitcairn & par d’autres ; mais il paroit qu’il est maintenant fort tombé. La doctrine de la trituration n’est pas nouvelle. Erasistrate l’a soutenue anciennement dans toute son étendue, & les modernes n’ont fait que la renouveller.

Elle fut inventée du tems d’Hippocrate, c’est-à-dire, dans un tems où l’anatomie étoit encore peu connue, & c’est ce qui lui donna du cours. Certains médecins de ce tems-là croyoient que l’estomac n’étoit simplement que le réservoir des alimens solides ou secs : que ces alimens après avoir été délayés & broyés dans la bouche, étoient de nouveau broyés plus parfaitement dans l’estomac, & par ce seul moyen étoient convertis en chyle, mais que la boisson ne pouvant pas être broyée à cause de sa liquidité, alloit dans les poumons & non dans l’estomac, où à raison de sa quantité, elle auroit plutôt nui à la digestion qu’elle n’y auroit aidé.

Hippocrate, comme nous voyons dans son quatrieme livre des maladies, s’éleva fortement contre une opinion si visiblement contraire à la raison & à l’expérience ; & il nous apprend que s’il se donna cette peine, c’est parce qu’une telle erreur avoit déja beaucoup de partisans. Elle ne put pas tenir longtems contre les raisons d’Hippocrate, & sa chute fut suivie de la ruine entiere du système de la trituration dont elle étoit le fondement.

Mais Erasistrate la releva ; & cette doctrine après avoir été soutenue durant quelque tems, retomba dans l’oubli, d’où quelques auteurs modernes ont tâché inutilement de la retirer.

Triturer le grain, (Critiq. sacrée.) c’est l’action de séparer le grain d’avec la paille ; cette manœuvre s’opéroit en deux manieres chez les Juifs, soit avec des trainaux ou chariots armés de fer, soit plus ordinairement en faisant fouler le grain par des bœufs qui brisoient la paille avec la corne de leurs piés. Comme on donnoit des muselieres à ces animaux afin qu’ils ne pussent toucher aux grains qu’ils fouloient, & que cependant l’ouvrage étoit fort pénible pour ces pauvres bêtes ; Moïse voulant inspirer aux Juifs des sentimens d’humanité à cet égard, défendit par une loi expresse de mettre des muselieres aux bœufs qu’on employoit à ces travaux fatiguans. S. Paul tire de cette loi la conséquence qu’il est juste que les ministres de l’évangile soient nourris aux dépens de