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ordonnance qui permet de saisir, de vendre, ou emprisonner.

Enfin on appelle encore plus particulierement contraintes, des mandemens ou commissions décernées par certains officiers publics, auxquels ce pouvoir est attribué par le Roi chacun dans leur district, tels que les fermiers, receveurs, & autres préposés au recouvrement des deniers royaux, & les receveurs des consignations, lesquels décernent des contraintes contre ceux qui font redevables de quelques droits : les commissaires aux saisies-réelles en décernent aussi contre les fermiers judiciaires pour le prix de leurs baux, & celles-là emportent la contrainte par corps, parce que les fermiers judiciaires sont considérés comme dépositaires de deniers de justice.

Pour décerner ces sortes de contraintes, il faut avoir serment à justice.

Les officiers qui n’ont point de jurisdiction, ne peuvent faire exécuter leurs contraintes si elles ne sont visées d’un juge ; par exemple, les élûs visent celles que les receveurs des aides décernent contre les redevables. (A)

Contrainte par Corps, se prend, tantôt pour le jugement, ordonnance ou commission qui permet au créancier de faire emprisonner son débiteur en matiere civile, tantôt pour le droit que le créancier a d’user de cette voie contre son débiteur, tantôt enfin pour l’arrêt & emprisonnement qui est fait en conséquence de la personne du débiteur.

Il n’étoit pas permis chez les Egyptiens de s’obliger par corps ; Boccoris en avoit fait une loi, & Sesostris l’avoit renouvellée.

Les Grecs au contraire permettoient d’abord l’obligation & la contrainte par corps, c’est pourquoi Diodore dit qu’ils étoient blamables, tandis qu’ils défendoient de prendre en gage les armes & la charrue d’un homme, de permettre de prendre l’homme même ; aussi Solon ordonna-t-il à Athenes qu’on n’obligeroit plus le corps pour dettes, loi qu’il tira de celle d’Egypte.

La contrainte par corps avoit lieu chez les Romains contre ceux qui s’y étoient soumis ou qui y étoient condamnés, pour stellionat ou dol : mais si le débiteur faisoit cession, on ne pouvoit plus l’emprisonner : on ne pouvoit pas non plus arrêter les femmes pour dettes civiles, même pour deniers du fisc.

En France autrefois il étoit permis de stipuler la contrainte par corps dans toutes sortes d’actes ; elle avoit lieu de plein droit pour dettes fiscales, & il y avoit aussi certains cas où elle pouvoit être prononcée par le juge quoiqu’elle n’eût pas été stipulée.

L’édit du mois de Février 1535, concernant la conservation de Lyon, ordonne que les sentences de ce tribunal seront exécutées par prise de corps & de biens dans tout le royaume sans visa ni pareatis, ce qui s’observe encore de même présentement.

Charles I X. en établissant la jurisdiction consulaire de Paris par son édit de 1563, ordonna que les sentences des consuls provisoires ou définitives qui n’excéderont la somme de 500 liv. tournois, seront exécutées par corps.

La contrainte par corps n’avoit point encore lieu pour l’exécution des autres condamnations : mais par l’ordonnance de Moulins, art. 48. il fut dit que pour faire cesser les subterfuges, délais, & tergiversations des débiteurs, tous jugemens & condamnations de sommes pécuniaires, pour quelque cause que ce fût, seroient promptement exécutés par toutes contraintes & cumulations d’icelles jusqu’à l’entier payement & satisfaction ; que si les condamnés n’y satisfaisoient pas dans les quatre mois après la condamnation à eux signifiée à personne ou domicile, ils pourroient être pris au corps & tenus prisonniers jusqu’à la cession & abandonnement de leurs

biens, & que si le débiteur ne pouvoit pas être pris ou que le créancier le demandât, il seroit procédé par le juge pour la contumace du condamné au doublement & tiercement des sommes adjugées.

Les prêtres ne pouvoient cependant être contraints par corps en vertu de cette ordonnance, ainsi que cela fut déclaré par l’art. 57. de l’ordonnance de Blois.

L’usage des contraintes par corps après les quatre mois, qui avoit été établi par l’ordonnance de Moulins, a été abrogé pour les dettes purement civiles par l’ordonnance de 1667, tit. xxxjv. art. 1. qui défend aux cours & à tous juges de les ordonner à peine de nullité, & à tous huissiers & sergens de les exécuter à peine de dépens, dommages & intérêts.

La contrainte par corps peut néanmoins, suivant l’art. 2. du même tit. être ordonnée après les quatre mois pour dépens adjugés, s’ils montent à 200 liv. ou au-dessus ; ce qui a lieu pareillement pour la restitution des fruits & pour les dommages & intérêts au-dessus de 200 liv.

Les tuteurs & curateurs peuvent aussi être contraints par corps après les quatre mois pour les sommes par eux dûes à cause de leur administration, lorsqu’il y a sentence, jugement ou arrêt définitif, & que la somme est liquide & certaine.

Les juges mêmes supérieurs ne peuvent prononcer aucune condamnation par corps en matiere civile, si ce n’est on cas de réintegrande pour délaisser un héritage en exécution d’un jugement, pour stellionat, dépôt nécessaire, consignation faite par ordonnance de justice ou entre les mains de personnes publiques, représentation de biens par les sequestres, commissaires ou gardiens, lettres de change quand il y a remise de place en place, dettes entre marchands pour fait de la marchandise dont ils se mêlent.

L’ordonnance de 1667 déclare aussi que Sa Majesté n’a point entendu déroger au privilége des deniers royaux, ni à celui des foires, ports, étapes, & marché, & des villes d’arrêt.

Elle défend de passer à l’avenir aucuns jugemens, obligations, ou autres conventions portant contrainte par corps contre les sujets du roi, à tous greffiers, notaires & tabellions de les recevoir, & à tous huissiers & sergens de les exécuter, encore que les actes ayent été passés hors le royaume, à peine de tous dépens, dommages & intérêts.

Il est seulement permis aux propriétaires des terres & héritages situés à la campagne, de stipuler par les baux les contraintes par corps.

Les femmes & filles ne peuvent s’obliger ni être contraintes par corps, à moins qu’elles ne soient marchandes publiques, ou pour cause de stellionat procédant de leur fait. Voyez Stellionat.

L’édit du mois de Juillet 1680, explique en quel cas les femmes & les filles peuvent être emprisonnées pour stellionat procédant de leur fait, savoir, lorsqu’elles sont libres & hors la puissance de leurs maris, ou qu’étant mariées elles se sont reservé par leur contrat de mariage l’administration de leurs biens, ou qu’elles sont séparées de biens d’avec leurs maris ; sans que les femmes qui se seroient obligées conjointement avec leurs maris avec lesquels elles sont en communauté de biens, puissent être reputées personnellement stellionataires, mais qu’elles seront solidairement sujettes au payement des dettes pour lesquelles elles se seront obligées avec leurs maris par saisie & vente de leurs biens propres, acquêts ou conquêts, mais qu’elles ne pourront être contraintes par corps.

Au parlement de Toulouse on n’ordonne point la contrainte par corps contre une femme marchande publique, à moins qu’il n’y ait du dol, l’ordonnance