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rieur & inférieur, qui tous deux ont des inégalités formées par l’action des muscles intercostaux qui y sont insérés.

3°. Ces muscles étant tous à-peu-près d’égale force & également tendus dans les interstices des côtes, s’il arrive que les extrémités de ces os soient rompues par une fracture, ils empêchent qu’ils ne se déplacent au point d’interrompre le mouvement des organes vitaux.

4°. La substance des côtes est spongieuse, cellulaire, & couverte seulement en-dehors d’une substance mince & en lame, qui est plus épaisse & plus forte près des vertebres qu’à l’extrémité antérieure.

5°. Les vraies côtes enferment le cœur & les poumons, & sont par conséquent propres à être les vrais gardiens de la vie. Les fausses côtes ont la substance de leur cartilage plus molle par le défaut de pression, & les cartilages de ces fausses côtes sont plus courts à mesure qu’on descend. A toutes ces cinq côtes est attaché le bord circulaire du diaphragme. En mettant un sujet mort sur le dos, on peut juger qu’il y a une large cavité formée de chaque côté par le diaphragme en-dedans des fausses côtes, où sont logés le foie, l’estomac, la rate, &c. qui faisant aussi partie des visceres naturels, ont fait donner le nom de fausses côtes ou de gardes bâtardes à ces os.

6°. On peut comprendre par-là la justesse de la maxime d’Hippocrate, qui veut que dans les simples fractures des fausses côtes sans fievre, on tienne l’estomac modérément plein d’alimens, de peur que les côtes, qui sans cela ne seroient point soûtenues, s’affaissant en-dedans, la douleur & la toux n’augmentassent. Paré, instruit par une longue expérience, confirme la vérité de cette observation ; mais à présent on la néglige, ou pour mieux dire, on l’a entierement oubliée.

7°. La sage providence du Créateur a pris soin d’empêcher notre destruction du moment que nous sommes au monde. Les têtes & les tubercules des côtes sont dès l’origine de vraies apophyses ossifiées avant la naissance : c’est ce qui fait que le poids considérable de la côte est soûtenu ; que le tétement, la déglutition & la respiration, actions nécessaires dès qu’on est né, se font sans qu’il y ait risque que les parties des os qui sont pressées par ces mouvemens, se séparent ; au lieu que si les processus des côtes avoient été des épiphyses à leur naissance, les enfans étoient exposés à un danger évident de mourir par cette séparation, dont les conséquences immédiates auroient été la compression du commencement de la moelle épiniere, ou l’impossibilité de prendre des alimens & de respirer. C’est une très bonne remarque de M. Monro.

8°. Les jeux de la nature sur le nombre des côtes nous fournissent le sujet d’une huitieme observation ; & il y a long-tems qu’on a remarqué de la variété dans ce nombre.

On sait qu’ordinairement nous avons douze côtes de chaque côté ; s’il se rencontre par hasard douze ou treize vertebres au dos, il se trouve aussi dans ce cas douze ou treize côtes ; mais quelquefois on en trouve onze d’un côté & douze de l’autre. On a nommé ces gens-là des adamites. Colombus, dans son I. liv. de re anatomicâ, assûre qu’il ne lui est arrivé qu’une seule fois de ne trouver qu’onze côtes ; ensuite dans son XV. livre, il reconnoît en avoir trouvé 22, 25, & 26. Bartholin fait mention d’un cadavre qui avoit onze côtes d’un côté & douze de l’autre. Diemerbroek, en 1642, ne trouva dans le cadavre d’un soldat françois que vingt-deux côtes. Riolan dit avoir rencontré treize côtes d’un côté, & autant de l’autre, en montrant le squelete d’une femme qui fut pendue étant grosse, malgré ce qu’elle put dire pour persuader qu’elle l’étoit, Falloppe &

Piccolomini ont vû chacun dans deux sujets vingt-six côtes. Bohnîus en a trouvé le même nombre, mais une seule fois. Dans le catalogue des pieces que M. Ruisch avoit ramassé de toutes parts, il n’est parlé que d’un seul sujet qui eût vingt-six côtes. Dans le neuvieme volume des acta med. Berolin. il est rapporté qu’en 1620 le corps mort d’un vieillard offrit treize côtes de chaque côté ; mais la treizieme ne formoit qu’un bout de côte entiere. Dans le huitieme volume des mémoires d’Edimbourg, il y a une observation de treize côtes de chaque côté, savoir huit vraies & cinq fausses. Ces faits suffisent pour justifier que ce n’est point une chose étrange que le manque ou l’excès du nombre de côtes au-delà de l’ordinaire.

On conçoit sans peine comment un homme peut n’avoir que 22 ou 23 côtes ; parce que les unes sont confondues ensemble postérieurement ou antérieurement, & que le nombre des côtes peut être ou paroître diminué. De plus, il ne seroit pas étonnant qu’une ou plusieurs côtes manquassent à se développer ; mais on ne conçoit pas aussi facilement comment quelques sujets peuvent avoir une ou deux côtes de plus que n’en a le reste des hommes : peut-être cela ne dépend-il que de ce que l’ossification des apophyses transverses de la septieme vertebre du cou se fait d’une façon différente de celle qui arrive aux apophyses transverses des autres vertebres de cette partie. Alors les côtes surnuméraires doivent toûjours appartenir à la derniere vertebre du cou ; les anatomistes qui ont parlé des côtes surnuméraires, ont obmis de dire où elles sont placées ; cependant il pourroit être qu’on trouvât les côtes surnuméraires placées au-dessous des autres côtes. Ne nous flattons pas d’expliquer toutes les voies de la nature dans ses opérations, puisque nous ne pouvons pas la prendre ici sur le fait. Il paroît seulement, si l’on veut y faire attention, que les côtes qui excedent le nombre de 24, ne sont pas la suite d’un développement particulier, & qu’elles n’existent pas comme les autres dans le germe.

9°. Mais que le nombre de ces os courbés excede ou manque, notre machine n’en souffre aucun dommage. En général les côtes ne sont guere exposées qu’à des fractures ; & c’est même un cas rare. Ces fractures qui demandent une réduction faite artistement, arrivent en-dedans-ou en-dehors par des causes contondantes ; les signes prognostics se tirent de l’espece de la fracture, & des accidens qui l’accompagnent ; la félure des côtes n’est qu’un vain nom ; leur enfonçure prétendue sans fracture n’est qu’une pure illusion, que les bailleuls ou renoueurs ont répandu dans le public comme des accidens communs, qu’eux seuls savent rétablir par leur expérience, leur manuel particulier, & leurs appareils appropriés. Misérables charlatans qui trouvent toûjours des dupes par leur effronterie dans des cas de peu d’importance ; & dans des cas graves, par leurs vaines & séduisantes promesses de guérison !

10°. Je finis par indiquer les bonnes sources où le lecteur peut puiser les plus grandes lumieres sur cette partie du corps humain.

Nous devons entierement à Vesale l’exacte connoissance de la structure & de la connexion des cotes. Il est admirable sur ce sujet.

Il faut consulter sur la méchanique & sur l’usage des côtes, Aquapendente, Borelli, Bellini, & M. Winslow dans les mémoires de l’acad. année 1720.

Sur leur configuration, leurs attaches, & leur effet dans la respiration, M. Senac, mém. de l’acad. année 1724.

Sur leur nombre moindre ou plus grand, M. Hunaud, mém. de l’acad. année 1740.

Sur leur fracture interne, M. Petit & M. Goulard, mém. de l’acad. année 1740.