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tant d’appareil le gui de chêne, si connu par la description détaillée de Pline. Les druides, après l’avoir cueilli, le distribuoient par forme d’étrennes au commencement de l’année ; d’où est venu la coûtume du peuple chartrain de nommer les présens qu’on fait encore à pareil jour, aiguilabes, pour dire le gui de l’an neuf.

Leurs autres principales demeures chez les Gaulois étoient dans le pays des Héduens ou l’Autunois, & des Madubiens, c’est-à-dire l’Auxois. Il y a dans ces endroits des lieux qui ont conservé jusqu’à présent le nom des druides, témoin dans l’Auxois, le mont Dru.

Les états ou grands jours qui se tenoient réglément à Chartres tous les ans, lors du grand sacrifice, délibéroient & prononçoient sur toutes les affaires d’importance, & qui concernoient la république. Lorsque les sacrifices solennels étoient finis & les états séparés, les druides se retiroient dans les différens cantons où ils étoient chargés du sacerdoce ; & là ils se livroient dans le plus épais des forêts à la priere & à la contemplation. Ils n’avoient point d’autres temples que leurs bois ; & ils croyoient que d’en élever, c’eût été renfermer la divinité qui ne peut être circonscrite.

Les principaux objets des lois, de la morale, & de la discipline des druides, du moins ceux qui sont parvenus à notre connoissance, étoient :

La distinction des fonctions des prêtres.

L’obligation d’assister à leurs instructions & aux sacrifices solennels.

Celle d’être enseigné dans les bocages sacrés.

La loi de ne confier le secret des Sciences qu’à la mémoire.

La défense de disputer des matieres de religion & de politique, excepté à ceux qui avoient l’administration de l’une ou de l’autre au nom de la république.

Celle de révéler aux étrangers les mysteres sacrés.

Celle du commerce extérieur sans congé.

La permission aux femmes de juger les affaires particulieres pour fait d’injures. Nos mœurs, dit à ce sujet M. Duclos, semblent avoir remplacé les lois de nos ancêtres.

Les peines contre l’oisiveté, le larcin & le meurtre, qui en sont les suites.

L’obligation d’établir des hôpitaux.

Celle de l’éducation des enfans élevés en commun hors de la présence de leurs parens.

Les ordonnances sur les devoirs qu’on devoit rendre aux morts. C’étoit, par exemple, honorer leur mémoire, que de conserver leurs cranes, de les faire border d’or ou d’argent, & de s’en servir pour boire.

Chacune de ces lois fourniroit bien des réflexions ; mais il faut les laisser faire.

Voici quelques autres maximes des druides que nous transcrirons nuement & sans aucune remarque.

Tous les peres de famille sont rois dans leurs maisons, & ont une puissance absolue de vie & de mort.

Le gui doit être cueilli très-respectueusement avec une serpe d’or, & s’il est possible, à la sixieme lune ; étant mis en poudre, il rend les femmes fécondes.

La lune guérit tout, comme son nom celtique le porte.

Les prisonniers de guerre doivent être égorgés sur les autels.

Dans les cas extraordinaires il faut immoler un homme. Aussi Pline, liv. XXX. chap. j. Suétone dans la vie de Claude ; & Diodore de Sicile, liv. VI. leur reprochent ces sacrifices barbares.

Il seroit à souhaiter que nous eussions plus de connoissance des dogmes des druides que nous n’en avons ; mais les différens auteurs qui en ont parlé, ne s’accordent point ensemble. Les uns prétendent

qu’ils admettoient l’immortalité de l’ame, & d’autres qu’ils adoptoient le système de la métempsycose. Tacite de même que César, disent qu’ils donnoient les noms de leurs dieux aux bois ou bosquets dans lesquels ils célébroient leur culte. Origene prétend au contraire que la Grande-Bretagne étoit préparée à l’évangile par la doctrine des druides, qui enseignoient l’unité d’un Dieu créateur. Chaque auteur dans ces matieres n’a peut-être parlé que d’après ses préjugés. Après tout il n’est pas surprenant qu’on connoisse mal la religion des druides, puisqu’ils n’en écrivoient rien, & que leurs lois défendoient d’en révéler les dogmes aux étrangers. Quoi qu’il en soit, leur religion s’est conservée long-tems dans la Grande-Bretagne, aussi-bien que dans les Gaules ; elle passa même en Italie ; comme il paroît par la défense que l’empereur Auguste fit aux Romains d’en célébrer les mysteres ; & l’exercice en fut continué dans les Gaules jusqu’au tems où Tibere craignant qu’il ne devînt une occasion de révolte, fit massacrer les druides & raser tous leurs bois.

On s’est fort attaché à chercher l’origine du nom de druide, genre de recherche rarement utile, & presque toûjours terminé par l’incertitude. Il ne faut pour s’en convaincre, que lire dans le dictionnaire de Trévoux la longue liste des diverses conjectures étymologiques imaginées sur ce mot, & encore a-ton oublié de rapporter la plus naturelle, celle de M. Freret, qui dérive le nom de druide des deux mots celtiques , dieu, & rhouid, dire. En effet les druides étoient les seuls auxquels il appartenoit de parler des dieux, les seuls interpretes de leurs volontés. D’ailleurs comme César nous apprend que ceux qui vouloient acquérir une connoissance profonde de la religion des druides, alloient l’étudier dans l’île britannique ; il est vraissemblable qu’on doit chercher avec M. Freret dans la langue galloise & irlandoise, l’étymologie, l’ortographe, & la prononciation du nom de druide.

Mais quel que soit ce nom dans son origine, comme tout est sujet au changement, le Christianisme l’a rendu aussi odieux dans les royaumes de la Grande-Bretagne, qu’il avoit été jusqu’alors respectable. On ne le donne plus dans les langues galloise & irlandoise, qu’aux sorciers & aux devins.

Au reste j’ai lû avec avidité quelques ouvrages qui ont traité cette matiere, à la tête desquels on peut mettre sans contredit un mémoire de M. Duclos. J’ai parcouru attentivement Diodore de Sicile, Pline, Tacite, César, Suétone, parmi les anciens ; & entre les modernes, Picard de priscâ celtopædiâ, Vossius de idolatriâ ; divers historiens d’Angleterre & de France, comme Cambden dans sa Britannia ; Dupleix, mémoires des Gaules ; Goulu, mémoires de la Franche-Comié ; Rouillard, histoire de Chartres, &c. Mais se proposer de tirer de la plûpart de ces auteurs des faits certains, sur le rang & les fonctions des druides, leurs divers ordres, leurs principes, & leur culte, c’est en créer l’histoire. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DRUNCAIRES, s. m. pl. (Hist. anc.) nom qu’on donnoit sous les empereurs de Constantinople aux officiers qui commandoient mille hommes, selon Leunclavius. L’empereur Léon le sage dit, dans son traité de apparatibus bellicis, que les chiliarques étoient ceux qui commandoient à mille hommes, & que les druncaires avoient la même fonction ; parce que druncus signifie un corps de mille hommes. Ce mot paroît venir de truncus, qui signifie la même chose que baculus. Or le bâton étoit la marque de distinction des druncaires. Ainsi, ajoûte Leunclavius, Druncus est un régiment de soldats, dont le chef s’appelle druncaire, qui répond au tribun militaire des Romains, & à nos colonels. Dans Vegece, le