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Payens qui admettoient une divinité. Mais il est certain que Platon ne l’a point embrassée ; & il est encore moins probable que les autres philosophes que nous venons de nommer, l’ayent suivie. Fauste le Manichéen nie même formellement que l’opinion de sa secte sur les deux principes ait été tirée des Payens ; comme on le peut voir dans S. Augustin, contr. Faust. l. XX. cap. iij. Il y a grande apparence que Plutarque a prétendu que cette opinion étoit généralement répandue, ou afin de donner plus de poids à son propre sentiment par ce consentement prétendu, ou parce qu’en étant fortement entêté, il s’imaginoit la trouver par-tout où il en voyoit quelque legere ressemblance. On ne sauroit pourtant disconvenir que ce système n’ait eu grand nombre de partisans, & que Manès, qu’on regarde communément comme l’auteur de la secte des Manichéens, n’ait eû beaucoup de précurseurs. Ecoutons là-dessus le savant Spencer, de hirc. emissar. sect. 2. pag. 1487. « Les anciens ont cru, dit-il, qu’il y a deux dieux opposés l’un à l’autre : le premier, créateur des biens ; le second, auteur des maux. Ils ont nommé le premier Dieu ; le second, démon. Les Egyptiens appelloient le dieu bon, Osiris, & le mauvais dieu, Typhon. Les Hébreux superstitieux ont donné à ces deux principes les noms de Gad & de Meni ; & les Persans, ceux d’Oromasdes & d’Arimanius. Les Grecs avoient de même leurs bons & leurs mauvais démons ; les Romains, leurs Joves & leurs Vejoves, c’est-à-dire leurs dieux bien-faisans & leurs dieux mal-faisans. Les Astrologues exprimerent le même sentiment par des signes ou des constellations favorables ou malignes ; les Philosophes, par des principes contraires ; & en particulier les Pythagoriciens, par leur monade & leur dyade. On ne doit pas être surpris qu’une erreur si grossiere ait regné parmi des peuples qui étoient dans l’ignorance, puisqu’elle a fait des progrès étonnans parmi des nations éclairées, & qui avoient au moins de legeres teintures du Christianisme ». Windet, dans sa dissertation de vitâ functorum statu, qu’on trouve dans la collection de Cremius, dit qu’on rencontre des vestiges bien marqués du dualisme dans tout l’orient, jusqu’aux Indes & à la Chine. Manès, Persan, qui parut dans le iij. siecle, a fait un système complet sur les deux principes, & sa secte a été sort nombreuse. On peut consulter la savante histoire qu’en a donné M. de Beausobre. Voyez Manichéens.

La premiere origine de ce système vient de la difficulté d’expliquer l’existence du mal dans le monde. En effet, rien n’a plus embarrassé les Philosophes en général, soit payens, soit chrétiens, que la question de l’origine du mal. Quoique les derniers ayent eu les lumieres de la révélation dont les Payens étoient privés, ils n’ont pas laissé que de sentir la difficulté d’expliquer la cause des maux. « Entre toutes les questions que les hommes agitent, dit Origene, contr. Cels. liv. IV. pag. 207, s’il y en a quelqu’une qui mérite nos recherches & qui soit en même tems très-difficile à décider, c’est celle de l’origine du mal ». S. Augustin en a pensé de même : « Rien de plus obscur, dit-il en écrivant contre Fauste ; rien de plus mal-aisé à expliquer que cette question : comment Dieu étant tout-puissant, il peut y avoir tant de maux dans le monde, sans qu’il en soit l’auteur ». Ce fut uniquement pour éviter une conséquence si impie, que les Philosophes payens, & après eux des philosophes, qui malgré leurs erreurs ne laissoient pas que de croire en Jesus-Christ, supposerent deux principes éternels, l’un du bien, & l’autre du mal. De-là les égaremens de Basilide, de Valentin, de Marcion, de Bardesanes, qui n’étoient pas de moindres génies ; de-là le long attachement qu’eut

S. Augustin lui-même pour le Manichéisme. Le motif dans le fonds étoit loüable ; de toutes les hérésies, il n’y en a point qui mérite plus d’horreur que celle de faire Dieu auteur & complice des maux. Quelque hypothese que l’on prenne pour expliquer la providence, la plus injurieuse à Dieu & la plus incompatible avec la religion, sera toûjours celle qui donne atteinte à la bonté ou à la sainteté de Dieu, ces deux perfections étant la base de la foi & des mœurs. Cependant il n’est pas besoin de recourir à deux principes pour justifier sa providence, & rendre raison du mal : c’est ce qu’on peut voir dans les diverses réponses que d’habiles gens ont faites à M. Bayle, qui avoit affecté de faire valoir les difficultés des Manichéens, sans faire attention aux absurdités & aux inconséquences dont leur système est rempli. C’est aussi ce que nous montrons dans les articles Bon & Mal. Cet article est pour la plus grande partie tiré des papiers de M. Formey, historiogr. de l’académie royale de Prusse. (G)

DUARE, (Géog. mod.) ville de Dalmatie, voisine du bord oriental de la Cetina : elle appartient aux Vénitiens.

DUB, (Hist. nat.) animal qui se trouve en Afrique, dans les deserts de la Libye. On dit qu’il ressemble à un grand lésard, ayant quelquefois deux à trois piés de long. On prétend qu’il ne boit jamais. d’eau, & qu’une goutte seroit capable de le faire mourir. Cet animal n’est point venimeux, & l’on peut manger sa chair sans aucun risque. Dictionn. de Hubner.

DUBBELTJE, s. m. (Commerce.) petite monnoie d’argent qui a cours dans les Provinces-unies : elle vaut deux stuyvers ou sous d’hollande, ce qui revient à environ quatre sous argent de France.

DUBEN, (Géog. mod.) ville d’Allemagne au duché de Saxe : elle est sur la Muide, près de Dautzen.

DUBLIN, (Géog. mod.) capitale de l’Irlande : elle est dans la province de Linster au comté de Dublin, sur le Liffi. Long. 11. 15. lat. 53. 18.

DUC, s. m. bubo, (Hist. nat. Ornith.) grand oiseau de proie qui ne va que la nuit, & qui a sur la tête des plumes allongées en forme d’oreilles. Aldrovande en donne trois figures & trois descriptions, que l’on peut rapporter à une seule espece.

La premiere description est de Gesner. Le duc sur lequel elle a été faite, étoit à peu-près de la grandeur d’une oie ; il avoit environ deux piés trois pouces d’envergure. La tête de cet oiseau ressemble, par sa forme & par sa grosseur, à celle d’un chat ; ce qui lui a fait donner avec quelque fondement, le nom de chat-huant, c’est-à-dire chat plaintif. Les plumes qui s’élevoient au-dessus des oreilles étoient noirâtres ; elles avoient jusqu’à trois pouces de longueur. Les yeux étoient grands ; les plumes qui entouroient le croupion avoient plus d’une palme de longueur ; elles étoient fort touffues, & très-douces au toucher. Cet oiseau avoit environ deux piés & demi de longueur, depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité des pattes, ou de la queue. L’iris des yeux étoit d’une couleur d’orange brillant ; & le bec noir, court, & crochu. En écartant les plumes, on voyoit l’ouverture des oreilles qui étoit fort grande ; il y avoit des poils ou de petites plumes qui s’étendoient sur les narines. Les plumes de cet oiseau étoient parsemées de taches blanchâtres, noires, & roussâtres. Il avoit des ongles noirs, crochus, & fort pointus. Le pié étoit garni jusqu’au bout des doigts, de plumes blanchâtres qui avoient une teinte de roux.

La seconde description est d’Aldrovande. L’oiseau que cet auteur décrit, ressemble à celui de Gesner pour la grosseur, & il en differe à d’autres