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L’autre cause de cet usage pouvoit être, qu’anciennement le bourreau, suivant les mœurs des Germains, dont les Francs tiroient leur origine, n’étant point infame, portoit la mitre comme les nobles, ainsi que cela se pratique encore au pays des Vosges ; & c’est sans doute de-là qu’en Normandie le peuple le nomme encore mitre, ensorte qu’il y a apparence que quand on mettoit une mitre sur la tête à celui qui montoit au haut de l’échelle, c’étoit le bourreau qui lui mettoit son bonnet sur la tête, ou du moins un semblable fait de papier, pour le couvrir de confusion ; cette sorte de bonnet ayant apparemment cessé dès-lors d’être la coiffure des nobles, & la mitre des ecclésiastiques ayant été distinguée dans sa forme de cet ancien habillement de tête.

Quand l’échelle ou autre signe de justice est totalement ruiné, le seigneur le peut faire rétablir sans permission du roi, pourvû que ce soit dans l’année ; car après l’an il faut des lettres patentes : elles ne seroient pourtant pas nécessaires s’il ne s’agissoit que d’une simple réparation.

Il y avoit autrefois plusieurs de ces échelles dans la ville de Paris.

L’évêque de Paris avoit la sienne dans le parvis, c’étoit-là que l’on exposoit ceux qui étoient condamnés à faire amende honorable ; on leur faisoit en cet endroit une exhortation, & on leur mettoit la mitre, ce qui s’appelloit précher & mitrer un criminel. En 1344 Henri de Malhestret gentilhomme breton, diacre & maître des requêtes, criminel de lése-majesté, fut mis par trois fois à cette échelle du parvis ; & quoique l’official eût défendu sous peine d’excommunication de rien jetter à ce criminel, le peuple ne laissa pas de le couvrir de boue & d’ordures, & même de le blesser cruellement d’un coup de pierre : après quoi il fut remené en prison, où, comme on disoit alors, il fut mis en l’oubliette ; & étant mort peu de tems après, son corps fut porté au parvis, comme il se pratiquoit à l’égard de tous ceux que l’official condamnoit au dernier supplice. On voit par-là que l’échelle du parvis étoit le signe de justice de l’officialité ; mais la jurisprudence est changée à cet égard depuis long-tems, & est revenue aux vrais principes, suivant lesquels le juge d’église ne peut condamner à l’échelle ou pilori, ni à aucune amende honorable ou réparation, hors de son auditoire. Voyez le traité de la jurisdiction ecclésiastique, par Ducasse, seconde partie, ch. xij.

Hugues Aubriot prevôt de Paris, accusé de judaïsme, & d’avoir fait beaucoup d’injures à l’université, fit en 1381 amende honorable sur un échafaud dressé à côté de l’échelle du parvis.

Un sergent du châtelet y fut prêché & mitré en 1406, pour avoir mal parlé de la foi ; & ensuite il fut brûlé au marché aux pourceaux.

Nicolas Dorgemont chanoine de Notre-Dame, fut mis en 1416 à cette même échelle, pour avoir voulu tuer le roi de Sicile & autres seigneurs.

On y prêcha en 1430 deux femmes foles, c’est-à-dire dissolues, qui étoient hérétiques.

Dubreuil assûre que dans sa jeunesse on y exposa un prêtre ayant écrit au dos en lettres majuscules, ces mots, propter fornicationem.

Quoique cette échelle soit depuis long-tems detruite, on ne laisse pas de mener toûjours au parvis, où elle étoit, la plûpart des criminels condamnés à faire amende honorable.

Le chapitre de Notre-Dame avoit son échelle au port S. Landry, laquelle fut rompue & emportée en 1410 on informa contre ceux qui étoient soupçonnés de ce fait.

L’abbé de sainte Genevieve avoit aussi la sienne, à laquelle en 1301 fut mise une maquerelle qui juroit vilainement.

Philippe-le-Long permit en 1320 aux bourgeois qui demeuroient près de l’église de S. Gervais, d’ériger une croix à la porte Baudets, à la place de l’échelle du prieuré de S. Eloi.

L’échelle du prieuré de S. Martin étoit entre la rue au Maire & la porte de l’église de S. Martin, qui étoit autrefois de ce côté ; Coquille en fait mention sur l’art. xv. du ch. j. de la coûtume de Nivernois, & en parle comme d’une chose qui subsistoit encore de son tems, c’est-à-dire vers le milieu du xvj. siecle.

Il est à présumer que la ville, les abbés de S. Magloire & de S. Victor, le prieur de S. Lazare, & les autres seigneurs hauts-justiciers, avoient aussi chacun leur échelle.

Il n’en reste plus présentement dans Paris qu’une seule, qui est celle de la justice du temple, & qui a donné le nom à la rue où elle est posée. Pendant la minorité de Louis XIV. elle fut brûlée par de jeunes seigneurs qu’on appelloit les petits-maitres, & fut aussi-tôt rétablie. Elle étoit autrefois de l’autre côté de la rue de l’Echelle-du-temple, & avoit beaucoup plus de largeur ; mais comme elle causoit de l’embarras, elle fut diminuée en 1667, & placée où elle est présentement.

Billon sur l’art. 1. de la coûtume d’Auxerre, dit qu’il y a trois trous au haut de cette échelle, pour y passer la tête du criminel ; & l’auteur du journal des audiences, dans un arrêt du 9 Avril 1709, prétend que l’origine de cette échelle vient de ce que la justice du temple ne pouvoit avoir de gibet dans Paris, ni y exécuter à mort, à cause que le roi y a haute-justice ; mais ce principe ne paroît pas juste, car ceux qui ont haute-justice dans Paris, peuvent condamner & faire exécuter à mort : & à l’égard de l’échelle, si l’on a pris pour eux ce signe de justice, c’est parce qu’il n’est pas d’usage ici de mettre des fourches patibulaires dans des villes. Voyez le président Bouhier sur la coûtume de Bourgogne, ch. lj. n. 64 & suiv. (A)

Tour de l’échelle, voyez Tour.

Echelle, (Marine.) on donne ce nom aux ports de la mer Méditerranée qui sont sous la domination de l’empire des Turcs, où les marchands François, Anglois, Hollandois & Génois, &c. vont commercer, & où ils entretiennent des consuls, facteurs, & commissionnaires. Ces lieux sont connus sous le nom d’échelles de Levant : les principales sont

Smirne. Tripoli de Syrie.
Alexandrette. Tunis.
Alep. Alger.
Seyde. Naples de Romanie.
Chypre. La Morée.
Constantinople. L’île de Négrepont.
Alexandrie. L’île de Candie.
Le Caire. Durazzo.
Le Milles. Scio, & autres îles de l’Archipel.
Naxis & Paros.
Miconi.

Echelle, en terme de Marine, se dit en général des endroits faits pour monter & descendre dans un vaisseau.

Echelle de pouppe, c’est une échelle de corde qui est pendue à l’arriere du vaisseau, pour la commodité des gens de la chaloupe.

Echelles d’entre deux ponts, ce sont celles par où l’on monte & l’on descend d’un pont à l’autre.

Echelles du milieu, voyez leur position auprès du grand mât, Pl. IV. fig. 1. n. 112 & 158. voyez aussi Pl. V. fig. 1. n. 158 & 112.

Echelle d’artimon, voyez Pl. IV. fig. 1. n. 111.

Au fond de cale des vaisseaux il y a quelquefois une poutre debout, qui monte jusqu’au pont, qui a des entailles ; l’on met à côté un cordage qu’on ap-