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dudit Charters, après d’autres lettres d’avis très-détaillées ; & quand Charters vint en Angleterre, peu de tems après, il refusa de les acquitter, sachant bien ne les avoir pas écrites : & cependant il se trompa à la présentation que le banquier lui fit desdites fausses lettres de change. Il les prit pour être de son écriture, quoiqu’elles fussent en réalité de l’autre fripon, qui avoit si bien sû l’imiter. C’est un trait sort singulier de la vie de ce scélérat lui-même, que Pope oppose si bien au vertueux Béthel. Essai sur l’homme, épît. jv. v. 128.

Mais nous avons un exemple célebre & plus ancien que tous les précédens. Nous lisons dans l’histoire secrete de Procope une chose surprenante d’un nommé Priscus ; il avoit contrefait avec tant d’art l’écriture de tout ce qu’il y avoit de personnes de qualité dans la ville qu’il habitoit, & l’écriture même des plus célebres notaires, que personne n’y reconnut rien jusqu’à ce qu’il l’avoüa.

L’histoire remarque que la foi qu’on ajoûtoit aux contrats de ce faussaire, fut le sujet d’une constitution de Justinien. Aussi cet empereur déclare dans la novelle 73, qu’il avoit été convaincu par ses yeux des inconvéniens de la preuve de la comparaison de l’écriture.

D’ailleurs cette comparaison d’écritures ne fait pas foi par sa propre autorité ; on n’en tire rien que par induction, & elle a besoin des conjectures des experts : un juge donc ne peut trop se précautionner contre les apparences trompeuses : il n’est pas nécessaire pour cela qu’il soit un pirrhonien qui doute de tout ; mais il faut que, comme le sage, il donne une legere créance à tout ce qui est de soi-même incertain.

Le sieur Raveneau, écrivain juré à Paris, s’est fait connoître dans le dernier siecle, par un livre très curieux sur cette matiere. Il composa & fit imprimer en 1666 un traité intitulé, des inscriptions en faux, & des reconnoissances d’écriture & de signature, dont il déclare que la comparaison est très-incertaine par les regles de l’art. Il découvre aussi dans ce livre le moyen d’effacer l’écriture, & de faire revivre celles qui sont anciennes & presque effacées. Ce moyen consiste dans une eau de noix de galles broyées dans du vin blanc, & ensuite distillée, dont on frotte le papier.

Enfin le même auteur indique les artifices dont les faussaires se servent pour contrefaire les écritures ; non content d’en instruire le public, il mit la pratique en usage, & se servit lui-même si bien ou si mal de son secret, qu’il fut arrêté prisonnier en 1682, & condamné à une prison perpétuelle. On défendit le débit de son livre, parce qu’on le regarda comme pernicieux pour ceux qui en voudroient faire un mauvais usage, & cette défense étoit juste.

Cependant puisque le livre, l’art, & les faussaires subsistent toûjours, il faut, pour ne point risquer de s’abuser dans une question délicate, remonter aux principes. En voici un incontestable. L’écriture n’est autre chose qu’une peinture, c’est-à-dire une imitation de traits & de caracteres ; conséquemment il est certain qu’un grand peintre en ce genre peut si bien imiter les traits & les caracteres d’un autre, qu’il en imposera aux plus habiles. Concluons, que l’on ne sauroit être trop reservé dans les jugemens sur la preuve par comparaison d’écritures, soit en matiere civile, soit plus encore en matiere criminelle, où il n’est pas permis de s’abandonner à la foi trompeuse des conjectures & des vraissemblances. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ecriture, (Jurisprud.) est de plusieurs sortes.

Ecriture authentique, est celle qui fait foi par elle-même, jusqu’à inscription de faux, de tout ce qui y est énoncé avoir été dit ou fait en présence de ceux qui ont reçu l’acte. Ces sortes d’écritures sont ordinaire-

ment appellées publiques & authentiques ; parce qu’elles sont reçues par une ou plusieurs personnes publiques : ce qui leur donne le caractere d’authenticité. Tels sont les jugemens & les actes passés pardevant notaire, &c.

Ecriture privée signifie celle qui est du fait d’un particulier, comme une promesse ou billet sous signature privée. L’écriture privée est opposée à l’écriture publique ; elle n’a point de date certaine, & n’emporte point d’hypotheque que du jour qu’elle est reconnue en justice. Quand elle est contestée, on procede à sa vérification tant par titres que par témoins, & par comparaison d’écritures. Voyez Comparaison d’Ecritures, & Reconnoissance.

On a établi un contrôle des écritures privées. Voy. au mot Contrôle.

Ecriture publique, est celle qui est reçue par un officier public, tel qu’un greffier ou notaire, un huissier, &c. La date de ces sortes d’écritures est réputée certaine, & leur contenu est authentique. Voyez ci-devant Ecriture authentique. (A)

Ecritures, (Jurispr.) dans les anciennes ordonnances signifie quelquefois les greffes & les tabellionages. L’ordonnance de Philippe V. dit le Long, du 18 Juillet 1318, article 15, dit que les sceaux & écritures sont du propre domaine du roi ; & l’article 30 ordonne que dorénavant ils seront vendus par encheres (c’est-à-dire affermés) à de bonnes gens, & convenables, comme cela avoit déjà été autrefois ordonné : il y a apparence que ce fut du tems de S. Louis, qui ordonna que les prevôtés seroient données à ferme. Philippe le Long ajoûte, que ceux auxquels il auroit été fait don des sceaux & écritures, en auroient récompense en montrant leurs lettres.

Dans une autre ordonnance de Philippe le Long du 28 des mêmes mois & an, ces écritures sont appellées notairies ; & il est dit pareillement qu’elles seront vendues à l’enchere.

Charles-le-Bel, dans un mandement du 10 Novembre 1322, semble distinguer les greffiers des autres scribes, ut scripturæ, sigilli, scribariæ, stylli, memorialia processuum… ad firmam… exponantur & vendantur.

L’ordonnance de Philippe VI. dit de Valois, du mois de Juin 1338, porte que les écritures des cours du roi, c’est-à-dire les greffes que l’on vendoit ordinairement, ou que l’on donnoit à ferme dans certaines sénéchaussées par-delà la Loire, seront données à gouverner à des personnes capables.

Dans quelques autres actes, les écritures ou greffes sont nommés clergies ; comme dans un mandement de Philippe-de-Valois, du 13 Mai 1347, où il ordonne que les clergies des bailliages & les prevôtés royales soient données en garde, & que les clergies des prevôtés soient laissées aux prevôts en diminution de leurs gages.

A ces termes d’écritures & de clergies, on a depuis substitué le terme de greffe. (A)

Ecritures, (Jurisprud.) dans la pratique judiciaire, sont certaines procédures faites pour l’instruction d’une cause, instance, ou procès.

Les défenses, repliques, exceptions, sont des écritures, mais on les désigne ordinairement chacune par le nom qui leur est propre, & l’on ne qualifie communément d’écritures, que celles qui sont fournies en conséquence de quelque appointement, & qui ne sont pas en forme de requête.

Ecritures d’avocats sont celles qui sont du ministere des avocats, exclusivement aux procureurs : telles que les griefs, causes d’appel, moyens de requête civile, réponses, contredits, salvations, avertissemens, à la différence des inventaires, causes d’opposition, productions nouvelles, comptes, brefs-états, déclaration de dommages & intérêts, & au-