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S. Jean que l’on appelle l’In principio, dans un espace grand comme un denier ; cet ouvrage fut vû de l’empereur Charles V. & du pape Clément VII. qui ne purent s’empêcher de l’admirer. Spannuchio, gentilhomme Siennois qui vivoit sur la fin du xvij. siecle, tenta la même entreprise, & l’exécuta, dit-on, tout aussi parfaitement. J’ai d’autant plus lieu de le croire, qu’un gendarme (le sieur Vincent), qui me fait l’amitié de transcrire quelquefois des articles pour cet ouvrage, met le Pater en françois, sur un papier de la forme & de la grandeur de l’ongle, & cette écriture vûe à la loupe, presente une netteté charmante de lettres égales, distinctes, bien liées, avec les intervalles entre chaque mot, les accens, les points & les virgules. En un mot l’art d’écrire à la plume produit de tems en tems, comme l’art de faire des caracteres d’Imprimerie, ses Colinés, ses Garamond, ses Granjean, ses de Bé, ses Sanlecque, ses Luz, & ses Fournier ; mais ceux qui possedent ces talens, sont ignorés, & se gâtent même promptement la main par l’inutilité qu’il y auroit pour eux de la perfectionner. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ecrivain, est aussi celui qui écrit pour le public, qui dresse des mémoires, fait les copies & doubles des comptes, & autres semblables écritures pour les marchands, négocians & banquiers qui n’ont pas de commis, ou dont les commis sont trop occupés pour pouvoir copier & mettre au net les comptes ou mémoires qu’ils ont dressés.

Il y a à Paris quantité de ces écrivains, dont les plus considérables travaillent en chambre & les autres dans de petites boutiques, répandues en plusieurs quartiers, principalement dans la cour du palais & sous les charniers du cimetiere des SS. Innocens. Diction. de Comm. de Trev. & Chambers. (G)

ECROTAGE. s. m. (Fontaines salantes.) Il se dit de l’action d’enlever la superficie de la terre des ouvroirs, ou de cette terre même lorsqu’elle est enlevée, & de celle qui borde les terres ; qu’on passe à la fonte sous le titre de deblais. Voyez Saline.

ECROU, s. m. (Art. méch.) C’est un trou pratique dans quelque matiere solide, dont la surface est creusée par un trait spiral, qui commence à un des bords de ce trou, & se termine à l’autre bord ; ce trait spiral creux est destiné à recevoir les pas en relief d’une vis ; ainsi il faut que le trait spiral & les pas de la vis soient correspondans. Voyez à Filiere, la maniere d’établir cette correspondance ; voyez aussi à Etau & d’autres machines. On appelle cette vis intérieure, cochlea femina, ou simplement vis. Quand l’écrou est immobile, c’est lui qui soûtient ou est censé soûtenir la résistance ; c’est au contraire la vis, quand l’écrou est mobile, mais le calcul de cette machine est le même dans l’un & l’autre cas. Voyez l’art. Vis. L’écrou est une partie importante de la plûpart des machines. Celui d’une presse d’Imprimerie est un bloc de cuivre quarré en tout sens, mais creusé dans une de ses faces, relativement à la grosseur, à la figure, & au nombre de filets de la vis à laquelle il est destiné. Un écrou doit être fondu sur sa vis, afin que les filets de la vis, qui sont en relief, impriment dans l’intérieur de l’écrou, un même nombre de filets creux qui emboîtent exactement ceux de la vis, dans leur dimension, leur proportion & leur figure. L’écrou est enchâssé dans le milieu du sommier, & y est maintenu par le moyen de deux vis qui traversent le sommier, à l’extrémité desquelles est une pate qui porte sur le bord de l’écrou. Il est ouvert en sa partie supérieure, & cette ouverture répond à un trou qui est au sommier ; c’est par ce trou qu’on verse de tems en tems un peu d’huile d’olive, qui se répand dans l’intérieur de l’écrou, pour faciliter le jeu de la vis. Voyez Sommier.

Il y a des écrous plats, & il y en a à oreilles ; les écrous à oreilles ont deux éminences à leur surface ; ces éminences leur servent de poignée ; en prenant ces éminences entre les doigts, on serre ou l’on desserre l’écrou. Les écrous varient à l’infini pour leurs grandeurs & leurs formes : mais le caractere général, c’est d’avoir en-dedans un trait creux correspondant au pas en relief d’une vis, & destiné à la recevoir.

Ecrou. (Hydrauliq.) Voyez Bride.

ECROUE, s. m. (Jurisprud.) En matiere criminelle, est la mention que le greffier des prisons fait sur son registre du nom, surnom & qualité de la personne qui a été amenée dans la prison, & des causes pour lesquelles elle a été arrêtée, & la charge que l’huissier porteur donne aux greffier & geolier de ladite personne. Ecroüer quelqu’un, c’est le constituer prisonnier & en faire mention sur le registre des prisons.

Bruneau dans ses observations & maximes sur les matieres criminelles, dit que ce mot écroüe vient du latin scrobs, qui signifie fosse ; & en effet on disoit anciennement fosse pour prison, parce que la plûpart des prisons étoient plus basses que le rez-de-chaussée. On appelle encore basse-fosse les cachots qui sont sous terre. Il ne seroit pas fort extraordinaire que de scrobs on eût fait écroës, & ensuite écroues.

D’autres, comme Cujas sur la loi 1. cod. de excusat. artific. Guenois, tit. des prisons, & Bornier sur l’art. 9. du tit. xij. de l’Ordonnance criminelle, tirent l’étymologie de ce mot du grec ἐκκρούειν qu’ils traduisent par contrudere vel dejicere in carcerem : je ne vois pas néanmoins que ce mot signifie autre chose que pulsare ; ainsi écroüe signifieroit contrainte, l’acte par lequel on conduit la personne en prison.

D’autres encore prétendent qu’écroüe vient d’écrit ou écrire, & en effet le terme d’écroue est employé pour écriture en plusieurs occasions : par exemple, dans l’édit d’établissement de l’échiquier de Normandie, les écritures qui contiennent les faits & raisons des parties, sont appellées écroues ; il est dit aussi que les sergens ne doivent bailler leurs exploits par écroues, c’est-à-dire, par écrit.

Mais l’étymologie de Cujas paroît beaucoup plus naturelle.

Dans l’ancien style, écroue signifie aussi déclaration, rôle ou état. La coûtume de Normandie, art. 192. celle de S. Paul-sous-Artois, sur l’art. 27. de cette coûtume, se servent des termes d’escroës (ou écroue) & déclaration comme synonymes en matiere de censive. Les rôles ou états de la maison du roi s’appellent écroue, & en latin commentarius, ce qui revient assez au rôle des prisons, dont le greffier est nommé commentariensis, quia in commentaria custodias refert ; & Cujas, en parlant de ces rôles des prisons, qu’il désigne par le terme de commentaria, dit que c’est ce qu’on appelle en françois écrou.

Je crois que l’écroue ou écrou, comme quelques-uns l’écrivent, mais irrégulierement, étoit dans l’origine le rôle ou le registre de la prison, l’état des prisonniers ; & que dans la suite on a pris la partie pour le tout, en appliquant le terme d’écroue à chaque article de prisonnier, qui est mentionné sur le registre : de sorte que ce qu’on appelle écroue, par rapport au prisonnier, ne devroit être qualifié que comme un article ou extrait de l’écroue ou registre des prisons ; mais l’usage a prévalu au contraire.

Bruneau suppose que le terme d’écroue signifie aussi l’acte d’élargissement & décharge. M. de Lauriere en son glossaire, au mot écroue, est de même sentiment ; il prétend que le mot ἐκκρούειν signifie extrudere, dimovere, eximere, liberare, potius quam contrudere aut conjicere in carcerem, soit que le sergent-exploitant se décharge du prisonnier en la geole, ou