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fait un état peu favorable à la santé, lorsque cette constitution est sensiblement défectueuse par excès ; c’est ce qu’on appelle le trop d’embonpoint, qui dégénere en maladie par les altérations qu’il occasionne dans l’économie animale. Le défaut d’embonpoint est aussi un état contre nature, c’est la maigreur. Voyez Maigreur. L’un & l’autre vice sont produits par celui de la secrétion du suc huileux qui constitue la graisse, lequel est trop abondant ou manque dans les réservoirs qui lui sont propres. V. Graisse. (d)

EMBOSSURE, s. f. (Marine.) c’est un nœud que l’on fait sur une manœuvre, & auquel on ajoûte un amarrage. Voyez Croupiat. On dit faire un embossure au cable. (Z)

EMBOUCHÉ, adj. terme de Blason ; il se dit du bout d’un cornet, d’une trompe, & d’une trompette, qu’on met dans la bouche pour en sonner, lorsque ce bout est d’un émail différent du corps. Dict. de Trév.

EMBOUCHER, v. act. (Manége.) terme qui dans sa véritable acception signifie & désigne non-seulement l’action de donner un mors quelconque à un cheval, mais l’art de le fabriquer & de l’approprier parfaitement à l’animal auquel on le destine.

Il est aussi difficile de fixer avec précision le tems où les hommes ont imaginé de réduire le cheval & de le maîtriser, en profitant adroitement de la sensibilité de sa bouche & de la disposition de cet organe à subir les diverses impressions de la main du cavalier, qu’il le seroit de déterminer véritablement celui où nous avons commencé à triompher de cet animal, & à le faire servir à nos besoins & à notre usage. D’un côté ces points de fait sont ensevelis dans une nuit dont il ne nous est pas permis de percer l’obscurité ; & de l’autre, ce que la tradition nous en apprend, en la supposant même dépouillée de toute ambiguité, ne nous conduiroit point exactement au vrai nœud de la difficulté que nous nous proposerions d’éclaircir & de resoudre. Nous ne pouvons douter que dans la langue des Grecs, une grande partie des termes consacrés à la navigation étoient adaptés à l’équitation. Nous trouvons dans Suidas celui de κέλης ou de coureur, également employé pour désigner des vaisseaux legers & des chevaux de course. Nous voyons qu’Homere appelloit les vaisseaux, des chevaux de mer, ἁλὸς ἵπποι : il nomme encore le pilote, le cocher d’un vaisseau. Pindare, le premier qui parmi les poëtes dont les ouvrages sont parvenus jusqu’à nous, ait donné Pégase pour monture à Bellérophon, & qui ait prétendu que Minerve surnommée par cette raison Chalinitis, lui a montré l’art de le dompter & de lui mettre un frein, appelle lui-même du nom de brides les ancres qui servent à fixer les vaisseaux ; tandis que Nonnus met en usage le mot καλινὸς, qui signifie frein, pour désigner les gouvernails des vaisseaux de Cadmus. Or quand nous ne serions pas fondés à inférer de ces expressions avec M. Freret (Voyez le vol. XIII. des mém. de l’acad. des Inscript. & Belles-Lett.), que le Pégase de Pindare étoit constamment un vaisseau dont Bellérophon s’empara, & la bride prétendue que Minerve lui donna, un gouvernail qu’il construisit ; & que nous pourrions croire au contraire que ce Pégase étoit un cheval, & cette bride une sorte de mors, nous n’en serions pas plus satisfaits & plus instruits, relativement à l’époque certaine de l’invention des embouchures, & relativement encore à l’espece de celle à laquelle ce même Bellérophon auroit eu recours. Des recherches sur le genre de ce frein seroient d’autant plus infructueuses, qu’aucun auteur ne nous en offre le plus leger indice ; & peut-être aussi que si quelques-uns d’entre eux l’avoient caractérisé par quelques denominations particulieres, ce qu’ils nous en auroient dit ne seroit pas plus instruc-

tif que leur silence. Il est constant, par exemple, qu’au tems où vivoit Xénophon, on embouchoit les chevaux ; non-seulement il nous donne des préceptes sur la maniere de brider l’animal, infrenetur, mais il s’exprime en termes trop clairs & trop positifs, pour que nous puissions résister à l’évidence de ce fait, ferrum freni sive lupos. Sommes-nous néanmoins plus éclairés sur la forme de ces loups, ou de ces freins louvetés dont nous parlent encore Ovide, Silius, Horace, & Virgile ?

Tempore paret equus lentis animosus habenis
Et placido duros accipit ore lupos. Ovid.

Quadrupedem flectit non cedens virga lupatis. Sil.

Lupatis temperet ora frenis. Hor.

Asper equus duris contunditur ora lupatis. Virg.

Les commentateurs se sont long-tems exercés sur ce point. Si nous nous en rapportons à eux, & principalement à Servius, nous devons penser que ces freins hérissés de pointes, ou armés & garnis de dents de loup inégales entre elles, étoient destinés aux chevaux dont la bouche étoit en quelque façon dépourvûe de sentiment. Mais comment, avec quelque connoissance de la conformation de cet organe, se persuader qu’une embouchure de cette sorte n’étoit pas plûtôt capable de desespérer l’animal, que de l’assujettir ? D’un autre côté, nous voyons dans le t. IV. du suppl. au liv. de l’antiq. du P. de Montfaucon, un mors de bride antique ; le fer, qui traversoit la bouche du cheval, est terminé d’une part par la tête d’un cheval : or ne pourroit-on pas présumer avec plus de raison, que ces mots lupata frena doivent s’entendre d’un frein qui avoit non une tête de cheval, mais une tête de loup à l’une de ses extrémités, ou à chacune d’elles ? Il est vrai que l’on peut objecter que ce mors prétendu n’en est point un, d’autant plus que sa configuration est très-extraordinaire, & dès-lors nous retomberons dans l’incertitude & dans les ténebres.

Tous les pas que nous pourrions faire, nous menant donc au doute & non à des découvertes sûres & avantageuses, je crois qu’il seroit plus simple & plus naturel de penser que les premiers peuples, qui inspirés par leurs besoins, ont cherché dans le cheval des ressources favorables aux commodités de la vie & du commerce, après l’avoir adouci & rendu familier, le conduisirent d’abord au son de la voix, & dirigerent ensuite sa marche à la maniere des Numides & des Gétules, appellés par tous les auteurs, ainsi qu’Appien appelle en général les Africains, gens inscia freni, c’est-à-dire qu’ils guiderent leurs chevaux avec un bâton, à-peu-près comme les Maures le pratiquerent ensuite, & comme quelques-uns le pratiquent encore aujourd’hui. La nécessité où l’on fut d’attacher le cheval pour le fixer en un lieu quelconque, suggéra l’idée de lui passer une corde autour de l’encolure ; telle est celle que l’on observe au-bas du cou du cheval de chaque Maure dans la colonne Trajane. Cette corde servit sans doute insensiblement de frein ; Strabon même nous assûre que plusieurs Maures employoient des freins de corde : or quoique celle qui entoure l’encolure ne paroisse point captiver la tête de l’animal, il est vraissemblable qu’elle pouvoit faciliter les moyens d’arrêter & de faire tourner le cheval, puisque nous sommes chaque jour convaincus par nos propres yeux, que des paysans grossiers maîtrisent & soûmettent par cette voie leurs chevaux. Le hasard ayant peut-être encore démontré le plus grand empire de l’homme sur cet animal, lorsqu’il est assujetti & maintenu par la tête, engagea à transporter à cette partie les liens placés au cou ; peu-à-peu & à mesure que l’occasion détermina à le retenir, on s’apperçut du pouvoir qu’on acquéroit sur lui, soit en le saisissant par les