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les fleurs d’antimoine, le safran de Mars, la tuthie, le pompholix, &c.

Le manuel de la préparation des emplâtres differe considérablement, selon la diverse nature des matériaux de chacun.

Les emplâtres qui ne contiennent que des graisses, des huiles, des résines, de la cire, des baumes, en un mot des matieres très-analogues entre elles, & éminemment miscibles, sont ceux dont la préparation est la plus simple ; car il ne s’agit pour ceux-là que de faire fondre tous les ingrédiens à un feu leger, au bain-marie pour le plus sûr, & de les mêler intimement. L’emplâtre d’André de la Croix nous fournira un exemple pour cette premiere espece.

Emplâtre d’André de la Croix, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de poix-résine une livre, de gomme élémi quatre onces, de terebenthine de Venise, d’huile de laurier, de chacun deux onces ; faites fondre le tout au bain-marie pour en faire un emplâtre, que vous garderez dans un vaisseau.

Nota. Qu’on demande ici que cet emplâtre soit gardé dans un pot, parce qu’il se ramollit facilement ; on peut cependant le rouler en magdaléons. Voyez la fin de cet article.

On prépare encore par une manœuvre très-simple, les emplâtres qui ne contiennent que des substances miscibles par la simple liquéfaction, auxquelles on ajoûte certaines poudres qui ne sont point solubles par les matieres fondues, & qui ne se mêlent avec que par confusion. Voici la maniere de procéder à la préparation d’un emplâtre de cette seconde espece.

Emplâtre de mucilages, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de l’huile de mucilages (qui n’est autre chose que de l’huile d’olive cuite, voy. Huile), de l’huile de mucilages, dis-je, sept onces & demie, de la poix-résine trois onces, de la terebenthine une once ; faites fondre dans l’huile la résine & la terebenthine sur un feu leger. Ce mêlange étant presque refroidi, ajoûtez de gomme ammoniac, de galbanum, d’opopanax, de sagapenum en poudre, de chacun demi-once ; de safran en poudre deux gros, de cire jaune fondue suffisante quantité pour donner la consistance d’emplâtre.

Les gommes-résines qui ne se liquéfient pas au feu, & qui ne sont pas solubles par les huiles, sont solubles par le vinaigre ; & on a tiré de cette qualité une autre méthode de les introduire dans les emplâtres : méthode à laquelle on a sur-tout recours pour les gommes-résines, qui ne se pulvérisent que très difficilement, comme le sagapenum & le bdellium.

On dissout donc les gommes-résines dans du vinaigre, on filtre, on les rapproche à consistance d’emplâtre, ou seulement en consistance de miel, selon qu’il est requis pour la consistance même de l’emplâtre, & on mêle prestement ces gommes ainsi dissoutes & rapprochées, aux matieres grasses fondues, & un tant-soit-peu refroidies.

On fait entrer quelquefois dans le même emplâtre des gommes-résines sous la forme de dissolution épaissie, & sous celle de poudre ; on en a un exemple dans l’emplâtre suivant.

Emplâtre de safran, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de colophone, de poix de Bourgogne, de cire jaune, de chacune quatre onces ; de gomme ammoniac, de galbanum, de terebenthine, de chacun un once & trois gros : dissolvez les gommes (c’est-à-dire la gomme ammoniac & le galbanum, qui sont des gommes résines qu’on appelle simplement gommes dans le langage ordinaire des boutiques) : dissolvez, dis-je, les gommes dans le vinaigre, cuisez à consistance de miel, mêlez les gommes épaissies avec la terebenthine ; d’un autre côté faites fondre à feu doux la colophone, la poix, & la cire, Ces dernie-

res matieres étant retirées du feu, & un tant-soit-peu refroidies, unissez-les promptement à votre premier

mêlange, & ajoûtez-y sur le champ les poudres suivantes : de l’oliban, du mastic, qui sont des résines ; de la myrrhe qui est une gomme-résine, de safran, de chacun une once & trois gros, que vous répandrez sur la masse avec un tamis, & que vous incorporerez avec soin, à mesure qu’elles tomberont.

On peut faire une troisieme espece d’emplâtre de ceux dans la composition desquels on fait entrer des fécules ou parties colorantes vertes des plantes. Dans ce cas, ou on met une plante pilée dans une huile, ou une graisse qu’on fait cuire jusqu’à la dissipation de l’humidité, qu’on passe & qu’on employe ensuite dans l’emplâtre, comme on le pratique dans la préparation de l’emplâtre de mélilot (voyez Mélilot), où l’on employe de la même façon le suc non déféqué d’une plante, comme on le fait pour l’emplâtre de cigue (voyez au mot Cigue) ; les emplâtres qui contiennent cette fécule sont verds : cette partie est vraiment soluble dans les substances huileuses.

Il faut bien distinguer à cet égard les sucs non déféqués des plantes d’avec leur décoction, qui ne contient point la partie colorante verte des plantes, mais seulement une partie extractive qui n’est pas soluble par les matieres huileuses, & qui ne peut se mêler avec elles, qu’à la façon des poudres, ou plus imparfaitement encore. La cuite du vieux linge ou du charpis dans de l’huile, demandée même dans les pharmacopées modernes, pour la préparation d’un emplâtre qui doit son nom à ce ridicule ingrédient ; la cuite de ce vieux linge, dis-je, est une opération dont la fin, si même elle a jamais été exécutée pour une fin, n’est plus un objet réel pour les artistes de ce siecle. On peut en dire à-peu-près autant des décoctions des substances animales. Une décoction chargée de parties animales & de parties végétales, demandée dans l’emplâtre de grenouilles ou de Vigo, est donc un ingrédient très-défectueux de cet emplâtre (voy. sa composition au mot Vigo) ; aussi les meilleurs artistes employent-ils de l’eau pure (qui est d’ailleurs nécessaire dans la préparation de cet emplâtre) à la place de cette décoction.

Les extraits rapprochés ou réduits en consistance solide, se mêlent très-difficilement encore avec les matériaux huileux des emplâtres ; aussi l’union des extraits avec les autres ingrédiens de l’emplâtre diabotanum, ne cause-t-elle pas un des moindres supplices des artistes dans l’exécution de cette pénible & fastueuse composition pharmaceutique.

Les emplâtres dans la composition desquels entrent les chaux de plomb, constituent une quatrieme classe. La manœuvre par laquelle l’artiste dispose ces substances à la combinaison est très-chimique ; & il n’est point de chimiste qui ne pût être flaté de la découverte de cette pratique, qui est sans doute dûe au hasard ou au tâtonnement, comme tant d’autres de la même classe, ou pour le moins dont l’inventeur est absolument inconnu.

Pour unir une chaux de plomb à une huile ou à une graisse ; la litharge, par exemple, à l’huile d’olive ou au saindoux (voyez Diapalme dans lequel entrent ces trois ingrédiens), on prend de l’une & de l’autre de ces substances dans une proportion connue, environ une portion de litharge pour deux portions d’huile ; on les met dans une bassine destinée à cet usage, dont le fond dégenere en un cone renversé & obtus, avec une bonne quantité d’eau, à-peu-près autant que d’huile ; on fait bouillir en brassant exactement, c’est-à-dire remuant en tout sens avec une spatule de bois, jusqu’à ce que la combinaison soit achevée. On connoît qu’elle l’est, ou que la litharge est cuite, pour parler le langage des bouti-