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ques, lorsqu’on n’apperçoit plus de grains de litharge, & que la masse de l’emplâtre est égale & liée. Si l’eau manque avant qu’on ait obtenu ce point, ce qu’on connoît à ce que la masse de l’emplâtre se boursoufle & s’éleve plus qu’auparavant, & qu’elle tombe & s’affaisse ensuite presque tout-d’un-coup, on ajoûte de l’eau bouillante qu’on doit avoir sous la main, ou qu’on doit faire chauffer, retirant la bassine du feu pendant ce tems-là. On ne sauroit employer de l’eau froide, parce que ce liquide s’introduisant sous la masse de l’emplâtre, qui est actuellement chaude au degré de l’eau bouillante, comme nous allons l’observer, & étant mis soudainement en expansion, feroit monter brusquement l’emplâtre, le répandroit, pourroit blesser l’artiste, & même occasionner un incendie.

Le merveilleux, ou plûtôt le beau simple de cette opération, consiste en ceci : on traite proprement l’huile & la litharge au bain-marie, & cela, quoique l’eau qui fait le bain soit contenue dans le même vaisseau que les matieres qu’elle échauffe ; & il est inutile en effet de la placer dans un vaisseau séparé, parce qu’elle n’a aucune action chimique sur ces matieres. Or il est utile de ne les exposer, ces matieres, qu’à ce degré de chaleur, parce qu’une partie de l’huile pourroit être brûlée à un degré de feu supérieur, & fournir par conséquent du charbon, & la chaux de plomb être réduite, ou du moins noircie : l’un & l’autre inconvénient ôteroit à l’élégance de l’emplâtre, supposé toutefois que l’élégance ne dépendît pas de la noirceur ; car les lois sont ici fort bisarres & fort arbitraires. Un emplâtre de la classe de ceux dont nous parlons ici seroit manqué, si on brûloit le plomb ; l’emplâtre noir ou de céruse brûlée, & l’onguent de la mere (qui est un emplâtre), seroient manqués au contraire, si on ne le brûloit pas. Voyez Onguent de la Mere, & la suite de cet article.

Je suppose que mes lecteurs n’ignorent pas que l’huile ne bout point au degré de l’eau bouillante, & que toutes les fois que deux liquides immiscibles se trouvent confondus en quelque proportion que ce soit, & exposés au feu, la chaleur ne peut jamais s’élever dans la masse entiere au-dessus du plus haut degré dont est susceptible le liquide le plus volatil, ou celui des deux dont le degré de chaleur extrème est le plus foible, cæteris paribus ; que par conséquent dans le cas dont il s’agit, l’huile ne peut contracter que le degré de chaleur de l’eau bouillante.

Secondement, il vaut mieux appliquer l’eau bouillante immédiatement, que d’interposer un vaisseau entre ce liquide & les corps à unir ; parce qu’outre que cette méthode est plus commode & plus courte, elle sert encore, en ce que le bouillonnement de l’eau agite la masse de l’emplâtre dans toutes ses parties, & concourt très-efficacement au mouvement qu’on se propose d’exciter en brassant ; mouvement qui hâte toutes les dissolutions. Voyez Menstrue.

Si on se propose de rendre noir ou brun un emplâtre qui contient une chaux de plomb, on n’a qu’à cuire à un feu fort & sans eau ; c’est ainsi qu’on le pratique pour l’emplâtre suivant :

Emplâtre noir ou de céruse brûlée, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de plomb blanc, c’est-à-dire de céruse, une livre ; d’huile d’olive, deux livres : cuisez ensemble à feu fort, ajoûtant de tems en tems quelques gouttes de vinaigre (pratique qui paroît assez inutile), jusqu’à ce que vous ayez obtenu la consistance d’emplâtre & la couleur noire : ajoûtez enfin de cire jaune, quatre onces.

Il entre des huiles essentielles dans la composition de quelques emplâtres. On ne doit ajoûter ces ingrédiens volatils, que lorsque la masse de l’emplâtre est presque refroidie.

Les emplâtres se gardent dans les boutiques sous la forme de petits cylindres longs d’environ trois pouces, & du poids d’une once, qui sont connus dans l’art sous le nom de magdaléon. Voyez Magdaléon.

Les Chirurgiens demandent quelquefois des emplâtres composés, ou des onguens dans la composition desquels entrent un ou plusieurs emplâtres. Ces préparations sont extemporanées ou magistrales ; on les exécute sur le champ en mêlant les divers emplâtres par la fusion sur un feu doux.

On fait une sorte d’emplâtre avec la cire blanche, le blanc de baleine, & l’huile d’amandes douces, ou des semences froides majeures, qu’on doit regarder comme une préparation magistrale, parce qu’elle n’est pas de garde, & qu’on ne doit l’exécuter qu’au besoin.

De toutes les compositions pharmaceutiques, aucune n’a été si inutilement multipliée que les emplâtres. Outre le peu de secours qu’on en tire en général, & le manque absolu d’observations qui établissent les vertus particulieres dans quelques-uns (voyez Emplatre, Chirurgie) ; outre ces raisons tirées de l’expérience médicinale, on peut se convaincre de ce qu’on avance ici, en jettant simplement les yeux sur la dispensation des emplâtres, qu’on trouvera presque toûjours la même, sur-tout si on examine celle des emplâtres les plus composés. (b)

Emplatre, (Matiere médicale interne.) L’application de certains emplâtres passe pour un secours qu’il ne faut pas négliger dans certaines affections intérieures, comme dans les tumeurs du foie & de la rate ; dans cette élévation rénitente de tout le bas-ventre des enfans, connue à Paris sous le nom de carreau, &c. ce sont sur-tout les emplâtres de ciguë, de bétoine & de vigo, qui sont renommés à ce titre. Voyez Bétoine, Cigue, Vigo, & Topique (b)

Emplatre, en Chirurgie, c’est la composition pharmaceutique de ce nom, étendue sur du linge plus ou moins fin, sur du taffetas ou sur de la peau, suivant les différentes vûes qu’on peut avoir dans son application, ou pour des raisons de propreté ; tels sont ceux qu’on met au visage, & qui sont ordinairement de taffetas noir.

Les emplâtres sont d’un très-grand usage dans la pratique de la Chirurgie ; on s’en sert aussi fort utilement dans plusieurs maladies internes.

On n’applique pas toûjours les emplâtres, par rapport à la vertu des médicamens dont ils sont composés. La seule qualité glutineuse les fait employer dans plusieurs cas, comme dans la suture seche pour la réunion des plaies. Voyez Suture. Un bandage fait avec méthode, peut tenir les levres de certaines plaies dans l’état d’approximation nécessaire pour qu’elles se réunissent ; mais il y a des plaies qu’il est impossible de contenir par les bandages : telles sont la plûpart des plaies obliques & transversales. Si elles sont superficielles, il sera inutile de les coudre avec les aiguilles & les fils. Cette suture est une opération douloureuse, qu’il n’est permis de faire que dans le cas de l’insuffisance démontrée des autres moyens qu’on auroit pû employer. Des emplâtres agglutinatifs grillés, ou des bandelettes emplastiques, peuvent être disposées de façon à tenir les levres de la plaie dans le contact nécessaire, & empêcher qu’elles ne puissent s’éloigner l’une de l’autre. On se sert communément pour cela de l’emplâtre d’André de la Croix ; il est composé avec la résine, la gomme-élemi, la terebenthine & l’huile de laurier, mêlées & cuites selon l’art. L’emplâtre de bétoine est aussi un très-bon agglutinatif. Si ces compositions sont nouvelles, elles se fondent par la chaleur de la partie, & alors les levres de la division ne sont plus maintenues. Presque tous les emplâtres tien-