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de principes qu’est établi tout l’art analytique, au moins pour ce qui regarde la géométrie rectiligne, en y ajoûtant seulement la proposit. 1re du VI. livre d’Euclide, lorsque la question proposée regarde des surfaces, & aussi quelques propositions des XI. & XII. livres. En effet toutes les difficultés des problèmes de la géométrie rectiligne peuvent se réduire à la seule composition des lignes & à la similitude des triangles ; de sorte qu’il ne se rencontre jamais d’occasion de faire usage d’autres théorèmes, parce que tous les autres théorèmes dont on pourroit se servir, peuvent se réduire à ces deux-là, & que par conséquent ces derniers peuvent leur être substitués dans quelque solution que ce puisse être.

6°. Pour accommoder ces théorèmes à la construction des problèmes, il est souvent nécessaire d’augmenter la figure, soit en prolongeant certaines lignes jusqu’à ce qu’elles en coupent d’autres, ou qu’elles deviennent d’une certaine longueur ; soit en tirant des paralleles ou des perpendiculaires de quelque point remarquable ; soit en joignant quelques points remarquables ; soit enfin comme cela arrive quelquefois, en construisant une nouvelle figure suivant d’autres méthodes, selon que le demandent les problèmes & les théorèmes dont on veut faire usage pour la résoudre.

Par exemple, si deux lignes qui ne se rencontrent point l’une & l’autre, font des angles donnés avec une certaine autre ligne, on peut les prolonger jusqu’à ce qu’elles se rencontrent ; de maniere qu’on aura un triangle dont on connoîtra tous les angles, & par conséquent le rapport des côtés ; ou bien si un angle est donné, ou doit être égal à un angle quelconque, souvent on peut completer la figure, & en former un triangle donné d’espece, ou semblable à quelqu’autre : ce qui se fait, soit en prolongeant quelques-unes des lignes de la figure, soit en tirant une ligne qui soustende un angle. Si un triangle proposé est obliquangle, souvent on le résoud en deux triangles rectangles, en abaissant une perpendiculaire d’un des angles sur le côté opposé. Si la question regarde des figures de plusieurs côtés, on les résoud en triangles par des lignes diagonales, & ainsi des autres : mais il faut toûjours avoir attention que par ces divisions la figure se trouve partagée, on en triangles donnés, ou en triangles semblables, ou en triangles rectangles

Ainsi, dans l’exemple proposé, on tirera la diagonale BD, afin que le trapèse ABCD puisse se résoudre en deux triangles, l’un rectangle ABD, & l’autre obliquangle BCD (fig. 8.). On résoudra ensuite le triangle obliquangle en deux triangles rectangles, en abaissant une perpendiculaire de quelqu’un des angles B, C, D, sur le côté opposé ; par exemple, du point B sur la ligne CD, qu’on prolongera en E, afin que BE puisse la rencontrer perpendiculairement. Or comme les angles BAD & BCD pris ensemble font deux droits (par la prop. 22 du III. Eucl.), aussi-bien que BCE & BCD, il s’ensuit que les angles BAD & BCE sont égaux ; par conséquent les triangles BCE & DAB sont semblables. Ainsi prenant AD, AB & BC pour données, & cherchant CD, on peut faire le calcul de la maniere suivante. AD & AB donnent BD à cause du triangle rectangle ABD. AD, AB, BD BC, à cause des triangles semblables ABD & CEB, donnent BE & CE. BD & BE donnent ED, à cause du triangle rectangle BED, & ED−EC donne CD. Ainsi on aura une équation entre la valeur de la ligne CD trouvée par ce calcul, & la valeur de cette même ligne exprimée par une lettre algébrique. On peut aussi (& souvent il vaut mieux suivre cette méthode, que de pousser trop loin un seul & même calcul) ; on peut, dis-je, commencer

le calcul par différens principes, ou au moins le continuer par diverses méthodes, pour arriver à une seule & même conclusion, afin de pouvoir trouver deux valeurs différemment exprimées de la même quantité, lesquelles valeurs puissent être ensuite faites égales l’une à l’autre. Ainsi AD, AB & BC, donnent BD, BE & CE, comme ci-devant, ensuite CD+CE donne ED, enfin DB & ED donnent BE, à cause du triangle rectangle BED.

7°. Ayant choisi & déterminé la méthode suivant laquelle on doit procéder, & fait sa figure, on donne d’abord des noms aux quantités qui doivent entrer dans le calcul, c’est-à-dire desquelles on doit tirer la valeur des autres jusqu’à ce qu’on arrive à une équation ; pour cela on aura soin de choisir celles qui renferment toutes les conditions du problème, & qui paroissent, autant qu’on peut en juger, les plus propres à rendre la conclusion simple & facile, de maniere cependant qu’elle ne soit pas plus simple que le sujet & le dessein du calculateur ne le demandent. Ainsi il ne faut point donner de nouveaux noms aux quantités dont on peut exprimer la valeur par celle des quantités à qui on a déjà donné des noms. Par exemple, si une ligne donnée est divisée en parties, ou si on a un triangle rectangle, on doit laisser sans nom quelqu’une des parties de la ligne ou toute la ligne entiere, ou un des côtés du triangle, parce que les valeurs de ces quantités peuvent se déduire de la valeur des données, comme dans l’exemple déjà proposé. Si on fait AD=x & BA=a, on ne marquera BD par aucune lettre, parce qu’elle est le troisieme côté du triangle rectangle ABD, & que par conséquent sa valeur est . Si on nomme ensuite BC, b, on verra que les triangles semblables DAB & BCE donnent AD : AB ∷ BC : CE. Or de ces quatre lignes les trois premieres sont déjà données ; ainsi on ne donnera point de nom à la quatrieme CE, dont la valeur se trouvera être par le moyen de la proportion précédente. Si donc on nomme DC, c, on ne donnera point de nom à DE, parce que ses parties DC & CE, étant l’une c, l’autre , leur somme est la valeur de DE.

8°. Par les différentes opérations qu’on fait pour exprimer les lignes auxquelles on n’a point donné de noms, le problème est déjà presque réduit à une équation ; car après qu’on a exprimé ainsi les différentes lignes qui doivent entrer dans la solution de la question proposée, il ne faut plus que faire attention aux conditions du problème, pour découvrir une équation.

Par exemple, dans le problème dont nous avons déjà parlé, il ne faut que trouver par le moyen des triangles rectangles BCE & BDE, deux valeurs de BE ; en effet on aura ou & , ou . Egalant ensemble ces deux valeurs de , & ôtant , on aura l’équation , qui délivrée des fraction, donne .

9°. A l’égard de la géométrie des lignes courbes, on a coûtume de déterminer ces lignes, ou en les supposant décrites par le mouvement local de quelques lignes droites, ou en les représentant par des équations qui expriment indéfiniment le rapport de certaines lignes droites disposées entr’elles dans un certain ordre & suivant une certaine loi, & terminées à la courbe par une de leurs extrémités. Voyez Courbe & Lieu.

Les anciens déterminoient les courbes, ou par le